Michael McDowell n’est sans doute pas une tête d’affiche connue, particulièrement dans la francophonie. Pourtant, cet écrivain, spécialisé dans le surnaturel et l’horreur gothique, est considéré comme un des grands maîtres du genre et a eu une influence considérable sur certains auteurs. C’est notamment le cas de Stephen King qui cite Blackwater comme source d’inspiration de son roman-feuilleton La Ligne verte (The Green Mile).
Pour la toute première fois, cette saga se voit offrir une traduction française. Né en 1950, au Massachusetts, Michael McDowell s’est très tôt intéressé au fantastique. Son style se caractérise avant tout par la mise en place d’atmosphères étranges dans lesquelles il injecte une bonne dose de cynisme. Au cinéma, on lui doit notamment le scénario du film Beetlejuice (Bételgeuse), co-écrit avec Tim Burton, celui de Thinner (La peau sur les os), basé sur le roman de Stephen King, ainsi que le premier jet du Nightmare Before Christmas (L’étrange Noël de Monsieur Jack). Pendant 30 ans, il partage sa vie avec le metteur en scène Laurence Senelick, jusqu’à son décès des suites d’une maladie liée au sida, en 1999. L’intrigue de Blackwater s’étale sur 50 ans et met en scène plusieurs familles qui résident dans la petite ville de Perdido, située en Alabama, où chaque génération assiste impuissant au débordement de la rivière du même nom et à l’engloutissement inéluctable de toutes leurs habitations.
À l’exception de celles de la riche famille Caskey, situées en hauteur, dont les membres contemplent la débâcle dans le plus grand confort. Pourtant, ce dimanche de Pâques 1919 sera différent des autres déferlements de boue puante puisqu’une jeune femme, Elinor Dammert, est retrouvée au dernier étage d’un hôtel, miraculeusement épargné par la vase montante. Celle-ci est prise sous la protection des Caskey au grand dam de sa matriarche, Mary Love, qui éprouve une méfiance immédiate pour celle-ci. L’avenir lui donnera raison puisque Elinor attire rapidement l’attention de son fils, Oscar Caskey, dont Mary Love contrôlait jusqu’alors les moindres actions. Au-delà de ses jeux de pouvoir, dont les motifs demeurent insondables, le passé de la jeune femme se révèle tout aussi obscur. D’où vient-elle vraiment? Comment a-t-elle pu survivre plusieurs jours dans une chambre semi-submergée et sans nourriture?
Et quel lien entretient-elle avec les flots boueux dont ses cheveux roux et même sa peau semblent parfois porter la teinte? Sans aborder de front des thèmes LGBTQ, plusieurs personnages sont présentés comme tels, plus particulièrement James Caskey qui est décrit comme
efféminé, ne s’est jamais remarié suite au décès de son épouse et duquel on insiste sur le fait qu’il n’est pas fait pour le mariage. De même pour Grace, au sujet duquel Elinor souligne qu’elle est née pour adorer les filles. Publiée en six petits livres, agrémentés d’une magnifique couverture gaufrée de l’artiste espagnol Pedro Oyarbide, la saga présente un univers où pestilence et prospérité cheminent main dans la main tout en abordant des enjeux d’inégalité sociale et de sexisme sur fond de conflits familiaux et d’un surnaturel qui porte les couleurs vaseuses et oppressantes de la rivière qui borde la petite ville.
INFOS | Blackwater / Michael McDowell. Québec: Alto, 2022.
6 volumes.