Il est des secteurs d’activités où les personnes ouvertement homosexuelles n’ont pas été très présentes. La politique active est l’un de ceux-là. Et Réal Ménard, ainsi qu’André Boulerice, sont deux politiciens qui ont participé à changer les choses au Québec en politique fédérale et provinciale. Rappelons toutefois que le conseiller municipal, Raymond Blain, un héros dont nous avons déjà parlé, les avait déjà précédé. Il a été le premier homosexuel au Canada a se faire élire, dont l’orientation était connue avant son élection au début 1986.
En septembre 1994, alors qu’il est député du Bloc québécois sur la scène fédérale, Réal Ménard dénonce « les propos “haineux et rétrogrades à l’endroit de la communauté homosexuelle” de la députée libérale Roseanne Shoke, tenus en Chambre1 ». Il fera son coming out en déclarant simplement!: « Je défends une communauté à laquelle j’appartiens2. » Il devient ainsi, après Svend Robinson de la Colombie-Britannique en 1988,!le second député ouvertement gai siégeant au parlement d’Ottawa.
Au début de la vingtaine, déjà, il est nommé président local du Parti québécois dans la circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve, puis accède au poste d’attaché politique de la députée provinciale Louise Harel. Il change d’allégeance quelques années plus tard et devient président fondateur du Bloc québécois dans Hochelaga-Maisonneuve, puis député élu à la Chambre des communes de 1993 à 2009. C’est à ce titre et durant cette époque qu’il mènera plusieurs actions pour la reconnaissance et la défense de la communauté gaie — tout en étant responsable et membre de nombreux comités portant sur l’environnement, l’urbanisme ou le développement de l’Est de l’île.
En 1993, par exemple, il est porte-parole du Bloc pour la Stratégie nationale sur le sida et « dépose une motion proposant la création d’un comité parlementaire avec comme mandat l’évaluation de la phase II de la stratégie canadienne de lutte contre le sida3 ». Après avoir siégé à la Coalition des minorités sexuelles du grand Montréal et s’être impliqué au sein du Groupe de discussion pour hommes gais (GDM), il devient, souligne Jacques Prince, « un défenseur des droits des gais et des lesbiennes au sein du parlement fédéral, où il est associé à plusieurs dossiers touchant la communauté4 ». C’est lui qui déposera « le projet de loi privé C-290 visant à faire reconnaître dans les domaines sous juridiction canadienne les mêmes avantages sociaux aux conjoints de même sexe5 ». Il reviendra à la charge entre 1997 et 1999 avec deux autres projets en ce sens. Le 11 avril 2000, dans son discours lors l’adoption en troisième lecture du projet de loi C-23, il affirme : « Ne pas reconnaître que deux personnes de même sexe puissent s’aimer et vivre des rapports amoureux, c’est nier la réalité vécue par des centaines de milliers de couples au Canada et au Québec6. »
Élu maire de l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve en 2009, il juge qu’il est préférable pour un politicien de sortir du placard, notamment afin d’éviter toute forme de chantage : « Au final, affirme-t-il, les aptitudes d’un candidat priment sur son orientation sexuelle. “Être homosexuel ne réduit pas les standards au niveau éthique”7. » Réélu aux élections municipales de 2013, il est défait en 2017. Alors âgé de 55 ans, il a « signifié son intention, note Nicolas Ledain, de s’engager dans les milieux associatifs et communautaires pour la lutte contre la pauvreté ou les droits des gais8 ». Depuis lors, il a légué aux AGQ ses archives couvrant la période où il siégeait comme député du Bloc québécois de 1993 à 2009. Elles concernent principalement « deux sujets ayant profondément marqué la dernière décennie de l’actualité gaie du XXe siècle : les revendications liées à la reconnaissance des conjoints de couple de même sexe et la politique sanitaire canadienne dans la lutte contre le sida9 ».

Né à Joliette en 1946, André Boulerice est élu pour le Parti québécois dans Saint-Jacques en 1985 ( qui deviendra Ste-Marie-Saint-Jacques en 1989). C’est le 7 juin 2002 qu’il fait voter la loi 84 « instituant l’union civile des personnes de même sexe et modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives, créant du coup un tout nouveau cadre conjugal proprement québécois, équivalent au mariage et accessible pour les couples de même sexe10 ». Quelques semaines plus tard aura lieu la première union civile homosexuelle au Palais de justice de Montréal entre Theo Wouters et Roger Thibault. Une première en Amérique du Nord ! Lui-même… prêchera par l’exemple et épousera son compagnon en 2004, devenant « le premier député québécois à se prévaloir de l’union civile entre conjoints de même sexe11 ».
Au cours de sa carrière, il recevra plusieurs prix et distinctions, notamment : officier de l’Ordre de la Pléiade, Ordre de la Francophonie et du dialogue des cultures, récipiendaire du Prix droits et libertés de la Ville de São Paulo (Brésil) et récipiendaire de la médaille d’honneur de la Fondation Salvador-Allende en 2017.
1.Voir Fugues, novembre 1994, p. 38 ; et Périg Bouju, « Réal Ménard : “Gai, nationaliste et fier”. Un député engagé aux côtés de la communauté », L’Archigai, no 23, octobre 2013, p. 1.
2.« Vie publique et homosexualité, inconciliables ? », AlterHéros, 24 février 2005, https://
alterheros.com/2005/02/vie-publique-et-homosexualite-inconciliables. Consulté le 18 août 2022.
3.Périg Bouju, op. cit., p. 2.
4.Jacques Prince, « Acquisition, traitement et consultation des collections », L’Archigai,
no 20, novembre 2010, p. 6.
5.Périg Bouju, op. cit., p. 1-2.
6.Ibid., p. 2.
7.Raymond Viger, « Homosexualité et politique », Les 7 du Québec, 19 février 2011,
les7duquebec.com. Consulté le 16 août 2022.
8.Nicolas Ledain, « Réal Ménard annonce son retrait de la vie politique »,
journal Métro, 6 novembre 2017.
9.Périg Bouju, op. cit.
10.Alexandre Duval, Les députés homosexuels de l’Assemblée nationale de 1977 à 2002 : un facteur dans l’atteinte de l’égalité juridique des gais et des lesbiennes du Québec ?, document présenté à l’Assemblée nationale en juin 2014, p. 6-7.
11.André Boulerice se mariera avec un homme, LCN, 23 septembre 2004, https://www.tvanouvelles.ca/2004/09/23/andre-boulerice-se-mariera-avec-un-homme. Consulté le 22 août 2022.
Direction et Monsieur Serge Fisette,
On m’a transmis le dossier préparé par Monsieur Fisette et qui fait état sommairement de mes actions politiques, et avec un titre toutefois “flatteur”.
Néanmoins, j’aimerais porter à votre attention l’erreur première : la photo m’identifiant n’est pas la mienne.
La deuxième erreur, j’aimerais vous préciser que ma première élection a eu lieu en 1985 dans la circonscription de Saint-Jacques qui deviendra Ste-Marie-Saint-Jacques en 1989.
Je vous saurais gré de bien vouloir apporter les corrections utiles.
André Boulerice, o.p.
Ancien ministre
Merci pour votre oeil de lynx! C’est corrigé !