Comment créer des passerelles? Comment dialoguer avec les décideurs et les décideuses, qu’ils ou elles proviennent du secteur privé ou des gouvernements des pays francophones, pour faire avancer les droits des personnes LGBTQ2S+ et leur permettre de prendre pleinement leur place dans l’espace social en toute sécurité? Voilà la mission que s’est donnée Égides depuis sa création. Une tâche colossale, certes, mais il faut bien commencer quelque part.
La troisième conférence internationale d’Égides, qui se tiendra à Montréal du 31 juillet au 3 août prochains, se déroulera sous les thèmes transmettre, célébrer et préparer demain. Un lieu de rencontres entre partenaires, spécialistes et, surtout, celles et ceux à qui l’on donne trop rarement la parole. Parce que l’on mise sur les jeunes — qu’ils et elles se reconnaissent dans une ou plusieurs lettres de l’acronyme LGBTQI2S+ —, on souhaite les entendre, les mettre de l’avant et construire avec eux et elles des actions concrètes.
Si la jeunesse occupe le devant de la scène, Égides tient aussi à favoriser la transmission intergénérationnelle. Il s’agit de célébrer le passé de celles et ceux qui se sont battu·es, mais aussi de faire ressurgir une histoire souvent oubliée, comme c’est encore le cas dans plusieurs pays. Une histoire invisibilisée, marquée par la répression et la clandestinité. Lors d’une entrevue réalisée en visioconférence avec Fugues, Stéphanie Palancade, responsable de la mobilisation internationale chez Égides, apparaissait devant un mur orné du portrait de Marielle Francisco Da Silva, mieux connue sous le nom de Marielle Franco.

En hommage à cette femme brésilienne bisexuelle — première femme noire élue au Conseil municipal de Rio de Janeiro, assassinée en 2018 — la Ville de Bordeaux a nommé une placette en son honneur. Un devoir de mémoire pour toustes celles et ceux qui ont bâti notre histoire.
« La première journée de la conférence tournera autour de la notion de transmission : de nos histoires, de nos luttes, de nos identités », explique Stéphanie Palancade, également active au Centre LGBTQI+ Girofard de Bordeaux. « Il y a un énorme travail d’archivage effectué dans nos communautés, un peu partout dans les pays du Nord. Le Centre Girofard fait partie du réseau international d’archives Big Tata (le premier réseau des Bibliothèques et Centres d’archives LGBTQIA+). À la conférence d’Égides, nous avons invité notamment les Archives lesbiennes à prendre la parole. »
Mais lorsqu’il est question de transmission dans les pays d’Afrique, le contraste est saisissant. « Une activiste viendra témoigner de son travail sur les archives en Côte d’Ivoire. À Bordeaux, ce sont les jeunes qui s’emparent de ce travail de mémoire. Ailleurs, ce sont souvent les anciennes générations qui mènent cette démarche. Lors de la conférence, on réfléchira aussi à la construction de ponts entre les générations, entre les courants, entre les cultures, surtout si l’on parle du continent africain, dont l’histoire queer commence tout juste à être redécouverte. » La conférence accordera aussi une place centrale aux jeunes, notamment par la deuxième rencontre en personne du Caucus des jeunes d’Égides, après l’étape fondatrice de 2024. Une cinquantaine de jeunes provenant d’une vingtaine de pays francophones se retrouveront à Montréal pour échanger et renforcer les bases du Forum jeunesse.
« Pour nous, ce n’est pas simplement une journée jeunesse lors d’une conférence. C’est un véritable mouvement », affirme Morgane Curt, directrice du Girofard de Bordeaux. « On y travaille à longueur d’année. À Montréal, on va écouter les jeunes, mais aussi recueillir leurs témoignages, qui seront diffusés par la suite. On y enregistrera le deuxième épisode du balado À nous, un média collectif de la jeunesse LGBTQI+ francophone. Plusieurs de ces jeunes sont déjà militant·es dans leur pays respectif et tentent de s’organiser malgré les nombreux obstacles. Égides se veut une facilitatrice de ces échanges autour des réalités vécues et des enjeux rencontrés par les jeunes LGBTQI+ francophones. »
Plus de 250 personnes sont attendues à cette conférence : activistes, chercheur·es, universitaires, représentant·es gouvernementaux, institutionnel·les ou encore issu·es du secteur privé, provenant d’une trentaine de pays. Toutefois, Égides tient à éviter que la conférence ne devienne un simple rassemblement de « spécialistes » des questions LGBTQI+.
« On a une règle d’or, insiste Stéphanie Palancade : on privilégie d’abord nos membres, puis la parole de celles et ceux qu’on n’entend jamais dans ces espaces. Celles et ceux qui sont sur le terrain, directement concerné·es. Lorsqu’on prépare les conférences, on discute intensément des lignes directrices à suivre pour choisir des panélistes représentatifs de différents pays. Et comme on collabore avec plus de 200 membres, on peut facilement repérer des personnes essentielles, qu’on ne connaît pas encore, mais dont il faut absolument entendre la voix. Ça va de l’universitaire au·à la bénévole d’association. »
Avant de conclure l’entretien, Stéphanie Palancade tient à souligner l’importance de la marraine de l’événement, Line Chamberland. « Qui, mieux que Line Chamberland, pourrait jouer ce rôle? Elle est légitime à bien des égards, au regard de tout ce qu’elle a accompli et de ce qu’elle représente. Elle incarne l’engagement et le savoir depuis tant d’années. »
INFOS | https://conference.egides.org