Maire du Plateau-Mont-Royal depuis 2023, Luc Rabouin, de Projet Montréal, a occupé divers postes au sein de l’administration Plante, dont celui de président du comité exécutif de la Ville, responsable des finances. Son objectif : favoriser la collaboration entre toutes les parties prenantes — citoyen·ne·s, organismes communautaires, ainsi que les gouvernements fédéral et provincial — afin de trouver des solutions durables aux problématiques qui touchent particulièrement certains secteurs.
Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter comme maire de Montréal ?
Luc Rabouin : Je ne pensais pas me présenter, mais quand Valérie Plante a décidé de ne pas briguer un nouveau mandat, la question s’est posée. J’ai eu plusieurs discussions avec des collègues pour savoir si j’étais la bonne personne. J’ai acquis une solide expérience, notamment comme président du comité exécutif et comme maire du Plateau-Mont-Royal. Comme président, j’étais responsable des finances, et je ne pense pas qu’il y ait déjà eu un maire qui ait occupé ce poste avant son élection. Cela m’a donné une bonne connaissance de la gestion d’une ville comme Montréal.
Restons sur l’arrondissement de Ville-Marie. Les défis sont nombreux, mais ils font écho à ceux d’autres arrondissements, notamment en ce qui concerne le sentiment d’insécurité que peuvent ressentir certain·e·s citoyen·ne·s.
Luc Rabouin : La mutualisation des postes de quartier 21 et 22 a permis l’ajout d’une trentaine de policier·ère·s dans le secteur, notamment au Quartier des spectacles, au Quartier chinois et dans le Village. Je crois que ces efforts vont porter fruit. Mais la situation demeure difficile, entre autres à cause de l’itinérance. Si l’on parle de la rue Sainte-Catherine et du Village, il faut miser sur la revitalisation et l’animation. Beaucoup de personnes sont mobilisées, comme Gabrielle Rondy, directrice générale de la SDC du Village. La sécurité passe certes par une présence policière accrue, mais aussi par la revitalisation du secteur. Il faudrait également beaucoup plus de ressources en santé mentale, mais ce domaine ne relève pas de la compétence de la Ville.
Justement, Valérie Plante a critiqué le manque d’investissement du fédéral et du provincial, notamment pour le logement et la lutte contre l’itinérance. Comptez-vous adopter une attitude plus ferme dans vos discussions avec les deux autres paliers de gouvernement ?
Luc Rabouin : Depuis la pandémie, nous tentons de répondre à des problématiques qui ne relèvent pas de notre champ de compétence. Pour moi, il y a un enjeu majeur de coordination : tous les acteurs et actrices doivent pouvoir s’asseoir ensemble, incluant les ministres provinciaux concernés comme Lionel Carmant, responsable des Services sociaux. Nous l’avons fait pour l’Institut des Sourds-Muets, un édifice vacant depuis des années. À notre demande, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, est venue constater la situation. Résultat : l’Institut sera transformé pour accueillir plus de 800 logements, dont plus de 20 % seront abordables. Il faut décloisonner, sortir des approches traditionnelles et cesser de se limiter aux appels à projets. On ne peut plus laisser la situation se dégrader. Je mise sur une approche collaborative et je pense avoir la capacité de faire travailler les gens ensemble.
Comment comptez-vous régler la crise du logement ?
Luc Rabouin : Je crois qu’il est possible de loger tout le monde. Les ménages à revenu élevé trouveront toujours à se loger, mais pour les ménages à faible revenu, le marché ne répond pas à leurs besoins. La Ville est un acteur important, mais le financement du logement social relève essentiellement du fédéral et du provincial. Notre rôle est d’acheter des terrains, même si l’on nous critique parce que la construction tarde — or celle-ci dépend des autres paliers. Nous avons aussi contribué à racheter des maisons de chambres, dernier rempart avant la rue. En huit ans, sous l’administration Plante, la Ville a investi un milliard de dollars auprès d’organismes pour l’acquisition ou le développement de logements. Une mesure que je souhaite mettre en place : une taxe sur les logements vacants, qui sont nombreux à Montréal. Mais encore une fois, il faut interpeller et convaincre les autres paliers qu’ils font partie de la solution, comme nous l’avons démontré avec le dossier de l’Institut des Sourds-Muets.
Concernant l’itinérance, on parle aussi de problèmes de santé mentale et de toxicomanie…
Luc Rabouin : On ne peut plus se contenter de rester chacun dans son coin ou de se renvoyer la balle. La situation est exceptionnelle. Je souhaite organiser un sommet réunissant les principaux acteurs : gouvernements, Ville et organismes communautaires, avec un seul objectif : sortir de cette rencontre avec de véritables engagements.
Les citoyen·ne·s reprochent souvent à la Ville et à la police leur inaction.
Luc Rabouin : C’est normal que les gens se tournent vers les élu·e·s municipaux, car nous sommes les plus accessibles. Ils et elles s’attendent à ce que nous fassions le lien avec les autres paliers, sachant que tout ne relève pas de notre compétence. Leur demande est légitime : même si un enjeu ne relève pas directement de nous, il est de notre responsabilité de convaincre les autres instances et de défendre la population.
Les travaux de réfection qui débuteront bientôt dans le Village inquiètent commerçants et résident·e·s.
Luc Rabouin : J’ai rencontré les commerçants avec Gabrielle Rondy pour les rassurer. Projet Montréal a mis en place trois programmes : une aide pouvant aller jusqu’à 40 000 $ selon les pertes causées par les travaux ; une allocation de 5 000 $ à chaque commerce dès le début du chantier pour les aider à se préparer ; et un nouveau programme, cette année, pour soutenir la SDC du Village dans l’animation de la rue pendant les travaux. Nous resterons en lien constant avec les commerçants.
Le bâtiment qui accueillera l’Espace LGBTQ+ est acquis, mais il faut encore financer sa réfection et son aménagement. Quelle sera la contribution de la Ville ?
Luc Rabouin : Le centre-ville regroupe plusieurs quartiers aux identités fortes, que nous voulons renforcer. L’Espace LGBTQ+, tout comme l’aménagement de la rue après les travaux, contribuera à l’identité du Village. Pour cet espace, nous nous engageons à investir 625 000 $ dans son aménagement, une somme qui s’ajoute à celle liée à l’acquisition du bâtiment.
Denis-Daniel Boullé et André C. Passiour
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