Le gouvernement turc, dirigé par le président Recep Tayyip Erdoğan, prépare un projet de loi qui restreindrait sévèrement les droits des personnes LGBTQ+, dans le cadre de l’initiative « Année de la famille » lancée en janvier 2025. Présenté en avril par le parti HÜDAPAR, membre de la coalition au pouvoir, ce texte fait partie du 11ᵉ Paquet de réforme judiciaire, actuellement en préparation pour être soumis au Parlement.
Selon la presse turque, le projet prévoit de criminaliser l’expression publique des identités LGBTQ+, d’instaurer des peines de prison pour la “promotion de l’homosexualité” et de renforcer la réglementation des chirurgies de confirmation de genre.
Toute personne publiquement identifiée comme LGBTQ+ ou exprimant des comportements jugés contraires au sexe assigné à la naissance pourrait être condamnée à un à trois ans de prison. Les couples de même sexe célébrant des fiançailles ou un mariage risqueraient 18 mois à quatre ans de détention, chaque partenaire étant individuellement responsable.
Les actes sexuels publics ou l’exhibitionnisme deviendraient passibles d’un à trois ans de prison, contre six mois à un an actuellement.
L’article 225 du Code pénal turc, régissant les actes immoraux, inclurait désormais les expressions et comportements LGBTQ+, criminalisant également les associations, militants et journalistes engagés pour ces droits.
Jusqu’à 14 ans de prison pour les transitions non autorisées
La communauté trans serait particulièrement visée. L’âge minimum pour une chirurgie de confirmation de genre passerait de 18 à 25 ans. Les candidats devraient être célibataires, obtenir un rapport médical d’un hôpital agréé confirmant la nécessité psychologique de l’intervention et subir quatre évaluations distinctes, espacées d’au moins trois mois.
Toute intervention, même hormonale, nécessiterait une autorisation judiciaire.
Les chirurgies effectuées en dehors de ce cadre seraient punies de trois à sept ans de prison, avec des peines doubléespour les interventions pratiquées sur des mineurs ou sans autorisation. Les personnes ayant eu recours à une transition hors du cadre légal pourraient elles-mêmes encourir un à trois ans de prison.
Seules les personnes présentant des anomalies génétiques ou hormonales bénéficieraient d’exceptions. Ces mesures rendent la transition presque impossible et criminalisent à la fois les individus et les professionnels.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte de répression croissante des libertés civiles en Turquie. Depuis 2014, les marches des fiertés sont interdites, le discours anti-LGBTQ+ s’est durci et des œuvres culturelles abordant l’homosexualité — comme le film Queer de Luca Guadagnino — ont été censurées lors de festivals locaux.
Le gouvernement justifie ces mesures par la volonté de « protéger la famille, promouvoir un développement sain et préserver l’ordre social », répondant ainsi aux attentes d’un électorat conservateur.
Réactions internationales
Des organisations de défense des droits humains, dont ILGA-Europe, dénoncent ce projet comme une atteinte grave aux droits fondamentaux, menaçant la liberté d’expression, la dignité humaine et le droit à la santé des personnes LGBTQ+.
Selon le dernier classement d’ILGA-Europe, la Turquie figure parmi les pays les plus hostiles d’Europe aux droits LGBTQ+, occupant la 47ᵉ place sur 49.
Le texte n’a pas encore été officiellement soumis au Parlement et demeure en discussion au sein des ministères concernés, mais les fuites et rapports journalistiques permettent déjà d’en mesurer l’impact potentiel dramatique, en particulier pour les personnes trans et les couples de même sexe.