Pour la première fois, la Corée du Sud autorisera les couples de même sexe à s’enregistrer comme tels dans le recensement national. Une décision inédite dans un pays où le mariage reste interdit pour les couples de même sexe, mais qui marque néanmoins une étape symbolique vers une meilleure reconnaissance des personnes LGBTQIA+.
L’annonce a été faite le 21 octobre par Statistics Korea, l’organisme public chargé du recensement de la population et du logement. Désormais, les personnes vivant ensemble pourront se désigner comme « époux / épouse » ou « cohabitant », quel que soit leur sexe. Jusqu’ici, les couples homosexuels qui tentaient de se déclarer comme conjoints étaient reclassés automatiquement dans la catégorie « autres cohabitants ».
« Ce changement est le fruit d’années de travail commun entre militantes, militants et chercheuses LGBTQ+, pour que notre existence soit enfin reconnue dans les données nationales », a salué Lee Ho-rim, coprésidente de la coalition Rainbow Action, à l’origine de nombreuses campagnes pour la visibilité des minorités sexuelles.
Une avancée statistique, pas juridique
Cette évolution ne modifie pas le cadre légal : la Corée du Sud ne reconnaît toujours pas le mariage entre personnes de même sexe. Les couples concernés n’obtiennent donc aucun nouveau droit civil, fiscal ou familial. Mais leur inclusion dans le recensement permettra, pour la première fois, de mesurer leur nombre, leur répartition géographique et leur situation socio-économique. Des données jusqu’ici invisibles, mais essentielles à l’élaboration de politiques publiques.
Pour les associations, cette reconnaissance statistique ouvre la voie à un débat politique plus large. « La première étape, c’est d’être comptés », souligne Rainbow Action. « Sans données, il n’y a ni politiques adaptées ni moyens concrets de lutter contre les discriminations. »
Une société encore divisée
La Corée du Sud reste l’un des pays d’Asie orientale les plus réticents à reconnaître les droits des couples de même sexe. Les enquêtes du Pew Research Center montrent qu’une majorité de Sud-Coréens demeure opposée à l’ouverture du mariage. Pourtant, la société évolue : la jeune génération se montre nettement plus favorable à l’égalité des droits, et les tribunaux commencent à infléchir leur position.
En juillet 2024, la Cour suprême avait ainsi confirmé le droit pour un couple homosexuel d’être reconnu comme « conjoint à charge » dans le cadre de l’assurance maladie nationale, une première historique.
Un signal pour la région
Cette décision de Séoul intervient dans un contexte de recomposition des équilibres en Asie. Le Japon débat encore de la reconnaissance légale des unions homosexuelles, tandis que Taïwan, pionnier régional, a légalisé le mariage pour tous en 2019. En inscrivant les couples de même sexe dans ses statistiques officielles, la Corée du Sud envoie un signal prudent mais significatif : celui d’un État qui, sans encore accorder l’égalité des droits, reconnaît enfin une réalité sociale longtemps ignorée.
