Si plusieurs habitué.es d’Ici Première découvrent Julien Poirier-Malo depuis deux ans, en l’écoutant partager ses trouvailles du web à Tout un matin, l’émission la plus écoutée à Montréal, d’autres connaissaient déjà sa voix, sa vivacité, son humour et sa rigueur depuis ses débuts à CIBL en 2012 et son détour salutaire à WKND pendant trois ans. Portrait d’un jeune vétéran.
Comment choisis-tu le contenu de ta chronique à propos du web?
Julien Poirier-Malo : Ce qui me guide surtout, c’est l’intérêt public. J’ai aussi le désir de montrer que sur les réseaux sociaux, il y a des choses dont on doit se méfier et face auxquelles on doit être critique, mais il y a aussi de bien belles choses très pédagogiques et divertissantes qui méritent d’avoir de l’attention dans les médias traditionnels. Je trouve ça l’fun de faire un pont entre les deux.
Vois-tu ton mandat comme une façon d’alléger nos matinées à travers l’actualité souvent dramatique?
Julien Poirier-Malo : Ça fait définitivement partie de la commande. J’essaie de maintenir un équilibre dans ce que je présente d’une émission à l’autre et d’une heure à l’autre. Parfois, c’est très sérieux. D’autres fois, c’est léger et anecdotique pour servir de soupape. Dans certains contextes, les gens ont besoin de respirer et de voir autre chose. Même les auditeurs assoiffés d’actualité.
Durant la saison estivale, tu étais à la barre de L’heure d’été. Qu’est-ce que ça signifiait pour toi d’animer ta propre émission sur les ondes d’Ici Première?
Julien Poirier-Malo : C’était une réalisation énorme! J’ai reçu cette proposition avec beaucoup d’humilité. Je vais avoir 35 ans bientôt et je suis jeune dans le métier pour occuper cette chaise-là. Je me sens privilégié, mais en même temps, j’ai travaillé très fort pour me rendre où je suis. Je fais de la radio activement depuis 2012 et c’est l’un des jalons les plus importants de ma carrière. J’ai le
diffuseur public à cœur et la radio tatouée sur le cœur.
Pendant trois ans, on t’a entendu sur les ondes de WKND. Décris-nous l’étendue de ce que tu as fait à cette station.
Julien Poirier-Malo : On m’a demandé de travailler sur les émissions du matin et de l’après-midi avec différentes équipes : je rédigeais les bulletins de nouvelles et je les livrais en ondes, je coanimais, j’ai aussi fait la circulation, la revue de presse, des capsules humoristiques et j’alimentais le site web avec des nouvelles écrites et les réseaux sociaux.

Comment as-tu réagi en apprenant la fin de ton contrat à WKND?
Julien Poirier-Malo : Ça a été une grosse surprise! Cela dit, dès que je suis arrivé en radio privé, tout le monde m’avait mis en garde en disant que c’était un monde difficile, parce qu’il y a peu de marge de manœuvre financière. Quand les cotes d’écoute sont moins au rendez-vous, les patrons rebrassent les cartes très vite. Dans mon cas, j’ai été un dommage collatéral. Même si la direction était
pleinement satisfaite de mon travail, il fallait couper quelqu’un. Je me suis retrouvé devant un vide qui m’a donné le vertige, mais rien n’arrive pour rien. J’ai évalué mes options et j’ai eu envie de revenir à Radio-Canada.
Retournons en arrière. D’où vient ton désir d’évoluer dans les médias?
Julien Poirier-Malo : J’ai toujours eu un intérêt pour la communication. Au secondaire, j’aimais faire des présentations orales. Au cégep, j’ai étudié en communications et je me croyais destiné à la presse écrite. Puis, j’ai fait un échange de deux sessions en France où j’ai commencé à faire beaucoup de radio. J’ai eu la piqûre! En revenant pour ma troisième année d’études à l’Université Concordia, j’ai commencé comme bénévole à CIBL.
Tu es vite devenu l’animateur de La Matinale à CIBL, du lundi au vendredi de 7h à 10h,
pendant des années. Que retiens-tu de cette expérience?
Julien Poirier-Malo : C’était une très belle époque de ma vie. J’ai appris à faire de la radio avec le peu de ressources qu’on avait. CIBL est une radio communautaire. Je n’avais pas un gros salaire ni une grande équipe. À un certain moment, j’étais le seul employé rémunéré. Puis, un.e réal a été engagé.e. Nous étions deux personnes payées avec une cinquantaine de bénévoles qui se relayaient chaque matin pour faire des chroniques. J’ai pu faire mes classes et apprendre à réagir aux imprévus : en travaillant uniquement avec des bénévoles qui font leurs premiers pas à la radio, avec des habitudes différentes, je suis devenu assez difficile à déstabiliser.
À quel point es-tu un amoureux de la radio du matin?
Julien Poirier-Malo : J’aime beaucoup cet horaire-là et j’ai un style de vie qui me permet de l’avoir. Je n’ai pas d’enfant et j’ai un chum très compréhensif depuis nos débuts, il y a sept ans et demie. Même si c’est parfois tough de se lever l’hiver au milieu de la nuit, quand il fait -25 degrés dehors, c’est un privilège d’être debout avant tout le monde et de partager aux auditeurs ce qu’ils doivent savoir quand ils se lèvent.
Il y a une grande intimité en radio le matin. Souvent, nos voix sont les premières qu’ils
vont entendre en se réveillant. Cela dit, ça vient avec des compromis. Je suis très sorteux.
La fin de semaine, mon horaire se renverse. Des fois, je veille tard et le dimanche, ça peut être difficile.
Ta façon d’assumer ta queerness au travail a-t-elle évolué au fil du temps?
Julien Poirier-Malo : Ce n’est pas tant mon aisance face à mon identité sexuelle dans la sphère publique qui a changé, mais mon aisance face à l’idée de parler en ondes de ma vie personnelle. À CIBL, je ne parlais pas du tout du fait que j’avais un chum et que j’étais gai, mais je ne parlais pas non plus de mon quotidien, parce que je ne trouvais pas ça intéressant. En apprenant à faire de la radio, en grande partie à WKND, on m’a fait comprendre que si je voulais donner la possibilité aux gens de s’attacher à moi, ils devaient me connaître. C’est là que j’ai commencé à en parler.

