Une nouvelle étude vient de dresser un portrait alarmant de la montée de la haine et des discours anti-LGBTQIA+ à travers le monde. Le 20 octobre 2025, l’Institute for Strategic Dialogue (ISD) a publié un rapport qui retrace cinq années d’évolution de la haine dirigée contre les communautés LGBTQIA+, tant sur le Web que dans la vie réelle.
« Cette analyse donne un aperçu de la mobilisation anti-LGBTQ+ et de la façon dont les plateformes technologiques amplifient cette haine », expliquent les chercheurs Guy Fiennes et Paula-Charlotte Matlach. L’Institute for Strategic Dialogue (ISD) est un laboratoire d’idées indépendant qui travaille avec des leaders du secteur public et privé ainsi que du monde médiatique et académique pour développer des réponses multilatérales aux défis sécuritaires et socio-économiques majeurs de notre temps et améliorer la capacité de l’Europe à agir de façon effective sur la scène globale
Selon la définition des chercheur.es, la haine ciblée inclut toute activité qui vise à déshumaniser, diaboliser, harceler, menacer ou inciter à la violence contre une personne ou une communauté en raison de son identité LGBTQ+. Elle inclut aussi les comportements discriminatoires et les tentatives d’effacer les voix queer ou de faire reculer les droits LGBTQIA+.
Une hausse marquée des crimes haineux
La première moitié du rapport rassemble des statistiques d’organisations américaines, britanniques et européennes sur la haine hors ligne.
Aux États-Unis, les données du FBI publiées en août 2025 révèlent que, pour une troisième année consécutive, plus de 20 % des crimes haineux étaient motivés par un biais anti-LGBTQIA+.
L’organisation GLAAD a recensé 918 incidents anti-LGBTQIA+ en 2024, dont sept meurtres et 140 menaces à la bombe. Près de la moitié des victimes (48 %) étaient trans, non binaires ou de genre non conforme.
Selon une autre étude du Williams Institute (Université de Californie à Los Angeles), les personnes LGBTQIA+ aux États-Unis sont cinq fois plus susceptibles d’être victimes de crimes violents que les personnes non LGBTQIA+, et neuf fois plus susceptibles d’être la cible d’un crime haineux violent.
L’Europe et le Royaume-Uni aussi touchés
Au Royaume-Uni, même si les chiffres de 2025 montrent une légère baisse (11 % pour les crimes anti-trans, 2 % pour ceux liés à l’orientation sexuelle), la tendance globale reste inquiétante. Entre 2020 et 2025, les crimes haineux contre les personnes trans ont augmenté de 50 %, et ceux liés à l’orientation sexuelle de 18,1 %. L’ISD rappelle que la majorité de ces crimes ne sont jamais rapportés.
À l’échelle de l’Europe, un sondage de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (2023) révèle que la violence et le harcèlement envers les personnes LGBTQIA+ sont passés de 11 % à 14 %, tandis que l’intimidation dans les écoles a bondi de 46 % à 67 %.
Sur le plan politique, les chercheur·euses constatent aussi une montée des discours anti-LGBTQIA+ émanant d’élus et de gouvernements. Les administrations Trump, le parti britannique Reform et le gouvernement hongrois de Viktor Orbán sont parmi les principaux responsables de cette radicalisation.
La haine numérique : un miroir du monde réel
La deuxième moitié du rapport se concentre sur la haine en ligne, qui a explosé au cours des cinq dernières années.
Selon les chercheur·euses, les pics de haine en ligne coïncident avec des événements politiques ou sociaux touchant la communauté queer. L’analyse d’un vaste échantillon de comptes extrémistes américains montre une hausse marquée des attaques visant les personnes trans sur diverses plateformes, forums et imageboards.
« La part du discours anti-trans est passée de 35 % de tous les messages haineux anti-LGBTQ+ en novembre à 46 % en janvier », précise le rapport. « Les groupes qui propagent ces discours sont souvent les mêmes que ceux identifiés comme menaces pour la sécurité nationale américaine. »
Les plateformes sociales et l’IA pointées du doigt
Le rapport s’appuie aussi sur le Social Media Safety Index 2025 de GLAAD, qui dénonce le manque de modération des discours de haine anti-LGBTQIA+… combiné à une surmodération du contenu queer. Autrement dit, les algorithmes laissent passer la haine, mais censurent souvent les personnes LGBTQIA+ elles-mêmes.
Les systèmes de modération automatisée fondés sur l’intelligence artificielle contribuent à ce problème : « L’IA a été observée en train de censurer des utilisateurs queer qui utilisent des mots comme “queer”, “gay” ou “femboy” pour se décrire. »
Cette censure, expliquent les chercheur·euses, reflète les biais sociaux qui continuent d’associer la queerness à la sexualité “inappropriée” ou “obscène”, renforçant ainsi la stigmatisation que les communautés LGBTQ+ vivent déjà hors ligne.
Un constat clair : la haine se transforme, mais ne faiblit pas
En cinq ans, les discours et les violences anti-LGBTQIA+ ont changé de forme, mais pas de fond. Ils se propagent plus vite, se nourrissent d’algorithmes et se légitiment par la politique.
L’étude de l’ISD envoie un message sans détour : tant que les plateformes numériques continueront d’alimenter ces dynamiques, la haine en ligne et hors ligne resteront deux faces d’une même médaille.
