Vendredi, 19 avril 2024
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    Jacque Chanel, pasteure de la première Église trans du Brésil

    Quand sa mère a demandé à un pasteur évangélique de la «soigner» de sa transsexualité à l’âge de 13 ans, Jacque Chanel était loin de s’imaginer que, une quarantaine d’années plus tard, elle ouvrirait la première Eglise trans du Brésil.

    Dans un local aux murs peints de couleurs vives, au rez-de-chaussée d’un immeuble vétuste de Sao Paulo, se réunissent chaque semaine des fidèles transsexuels. Certains sont sans-abri et la plupart se sentent exclus. «Nous vivons dans une société qui nous maltraite, nous discrimine. Ici, on donne de l’espoir aux personnes trans», déclare Jacque Chanel, 56 ans.

    Son nom, elle l’a choisi pour rendre hommage à Jacqueline Onassis (ou Jackie Kennedy) et à la marque de luxe française. Contrairement aux églises traditionnelles, les fidèles ne sont pas assis sur des rangées de bancs ou de sièges face à un autel mais forment un cercle et se tiennent par la main, tandis que la pasteure prie à haute voix. Accrochée sur un mur, une banderole rose et bleue revendique : «Je suis trans, je veux de la dignité et du respect».

    Dans un des pays au monde qui a recensé le plus de meurtres de personnes trans (175 en 2020), Jacque Chanel dit avoir «beaucoup souffert pour arriver jusqu’ici».

    Expulser les démons
    Dans sa ville natale de Belem (nord), un pasteur évangélique plus tolérant que nombre de membres de son entourage faisait office de figure paternelle : «il n’acceptait pas le fait que je sois transsexuelle, mais au moins il me respectait», raconte-t-elle. Mais ce pasteur a été assassiné et les églises lui ont fermé leurs portes. Au Brésil, la plupart des évangéliques, mouvement protestant qui regroupe environ 30% de la population, défendent des valeurs familiales conservatrices et rejettent aussi bien les transsexuels que les unions homosexuelles.

    Mais cela n’a pas entamé la foi de Jacque Chanel, qui malgré les difficultés a tout fait pour regagner la communauté évangélique. «On plaçait une main sur mon front pour expulser les démons», explique-t-elle. Après avoir déménagé à Sao Paulo, elle a réuni autour d’elle un petit groupe de fidèles qui fréquentait une église évangélique. «On avait l’habitude d’être assis au dernier rang et un jour, durant un culte, le pasteur nous a demandé de venir devant l’autel : c’était pour nous expulser».

    Jacque n’a pas baissé les bras et a fini par trouver une église plus inclusive, appartenant à un mouvement minoritaire apparu dans les années 2000 pour accueillir un public LGBT. «Ça a changé ma vie, mais au bout d’un moment, je n’étais pas aussi à l’aise. Il y avait 300 gais et lesbiennes et seulement deux transsexuels. Est-ce que c’était vraiment inclusif ?», interroge-t-elle. Elle a donc convaincu l’Église de lui fournir un espace pour accueillir spécialement des transsexuels. Lors de certains cultes, 200 fidèles ont répondu présents. Ordonnée pasteure en mai, elle a fini par ouvrir son propre local en centre-ville.

    Changement de sexe, pas de nom
    «Quand j’entre dans une église catholique, de nombreux regards se tournent vers moi, surtout quand je vais communier. Ça me met mal à l’aise. Ici, c’est différent, je me sens chez moi», dit Vanessa Souza, 42 ans, fidèle assidue des cultes célébrés par Jacque Chanel. Au-delà de la «nourriture spirituelle», la pasteure, dont les célébrations sont qualifiées de «sataniques» par des groupes conservateurs sur les réseaux sociaux, distribue des paniers repas à environ 200 sans-abris du centre de Sao Paulo. «Qu’ils soient trans ou non, je les invite au culte, nous sommes ouverts à tous», insiste-t-elle.

    Jacque Chanel souhaite subir une opération de changement de sexe, mais plus de 1 000 personnes sont en liste d’attente dans un hôpital public de Sao Paulo qui ne pratique qu’une chirurgie de ce type par mois. En revanche, elle n’est pas du tout pressée de faire changer ses papiers d’identité, où figure toujours son prénom de naissance, Ricardo. «Ça me permet de faire un peu de pédagogie à chaque fois que quelqu’un me pose des questions».

    Rédaction avec AFP

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