À Chypre une enquête menée auprès d’une centaine de personnes LGBT a révélé des pratiques traumatisantes, dont des « thérapies de conversion », suscitant une proposition de loi pour les interdire.
Exorcisme, traitements hormonaux, prière et repentir : à Chypre une enquête menée auprès d’une centaine de personnes LGBT a révélé des pratiques traumatisantes, dont des “thérapies de conversion”, suscitant une proposition de loi pour les interdire.
Stefanos Evangelides, juriste et membre de Accept-LGBTI Chypre à l’initiative de l’enquête, énumère les humiliations subies par certaines des personnes interrogées : “une victime a été forcée par un prêtre de s’agenouiller devant une statue du Christ et de s’excuser pour avoir péché, une autre a été forcée par un endocrinologue à prendre de la testostérone car elle était soi-disant plus efféminée que la norme”.
“Et le pire, (…) une des victimes a subi des pratiques d’exorcisme par des prêtres”, dit-il.
Selon lui, ces traitements ont dans certains cas conduit à des tentatives de suicide.
Une proposition de loi, introduite devant le Parlement à l’initiative du député du parti communiste Akel, Giorgos Koukoumas, vise à interdire ces pratiques et sanctionner leurs auteurs d’une peine de deux ans d’emprisonnement, pouvant être alourdie à trois si la victime est mineure ou vulnérable.
Sur l’île méditerranéenne, où l’Eglise orthodoxe exerce une forte influence sur la société, “l’homosexualité était considérée comme un délit” jusque dans les années 90, rappelle Margarita Kapsou, psychologue et membre fondatrice de Accept-LGBTI Chypre.
L’homosexualité a été dépénalisée sur l’île en 1998 mais le mariage civil entre personnes de même sexe n’est toujours pas autorisé.
« Pratiques humiliantes et illégales »
“Il est nécessaire de protéger les jeunes et les adolescents de ces pratiques moyenâgeuses, humiliantes et illégales. Les membres LGBT ne sont pas des personnes malades qui doivent être soignées, c’est ce message que nous voulons faire passer à la société”, explique Giorgos Koukoumas.
“Ce n’est qu’en 2009-2010 que la question de la protection des droits des LGBT a fait surface au moment de la naissance de notre fondation”, ajoute Mme Kapsou.
Pour le président de l’Association psychiatrique de Chypre, Lambros Samartzis, l’ensemble de la communauté psychiatrique est “sous le choc” depuis la publication de l’enquête.
“L’identité sexuelle, l’orientation sexuelle et l’expression sociale de l’identité du genre ne sont pas des pathologies. Ce n’est pas une maladie, il ne peut y avoir de remède”, explique-t-il à l’AFP.
Il souligne la dangerosité des pratiques de “conversion” et les traumatismes qui y sont liés.
Selon Stefanos Evangelides, à Chypre la communauté LGBTI reste confrontée à des discriminations au quotidien.
“Nous avons besoin d’être protégés par des lois pour être intégrés à la société et disposer des mêmes droits sans distinction”, insiste-t-il.
Pour Costas Gavrielides, conseiller du président de la République sur les questions du multiculturalisme, d’acceptation et de respect de la diversité, la communauté LGBTI n’est pas encore assez protégée juridiquement à Chypre même si des progrès sur la question du genre sont observés ces dernières années.
“Grâce à cette proposition de loi, on pourrait mettre fin à ces discriminations”, estime-t-il, suggérant que certains tabous doivent être encore brisés comme le mariage des personnes du même sexe et l’homoparentalité.
Il s’agit d’une “étape importante car toutes les organisations professionnelles compétentes ont pris position pour condamner” ces pratiques, selon Mme Kapsou.
L’Eglise orthodoxe de Chypre n’a pour sa part pas souhaité faire de commentaire, notamment sur la question de l’exorcisme.
Mais pour les différentes parties prenantes, la proposition de loi devrait être adoptée sans difficultés dans les semaines à venir.
La France, l’Allemagne, Malte ou des régions espagnoles ont d’ores et déjà légiféré sur le sujet.
En Grande-Bretagne, le gouvernement a dû faire marche arrière vendredi et assurer de sa volonté d’inscrire dans la loi l’interdiction des thérapies, après le tollé provoqué par la possibilité qu’il renonce à cet engagement pour préférer des mesures “non législatives”.