La crise du logement serait encore plus difficile pour bien des LGBTQ+

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Les personnes LGBTQ+ sont plus susceptibles de subir de la discrimination lorsque vient le moment de trouver un logement. Le Québec étant aux prises avec une pénurie de logements, cette recherche peut s’avérer encore plus ardue pour les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre.

Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), à l’automne 2022, le taux d’inoccupation des logements locatifs dans l’ensemble des centres urbains de 10 000 habitants et plus au Québec était de 1,7 %, le seuil d’équilibre étant établi à 3 %.

Il est donc déjà difficile pour toute personne de trouver un logement, mais des gens issus de l’immigration, des familles monoparentales et des personnes LGBTQ+ se font souvent refuser un logement parce que le propriétaire préférerait un autre candidat.

La directrice générale de la Coalition d’aide à la diversité sexuelle de l’Abitibi-Témiscamingue, Julie Fortier, explique que les formes de discrimination subies par les personnes de la communauté LGBTQ+ sont souvent informelles.

On entend des histoires [selon lesquelles des] personnes qui vivent ce genre de discrimination ne seront pas choisies en premier pour un logement, indique Mme Fortier.

Le fait qu’une personne à la recherche d’un logement soit homosexuelle ou trans, ce n’est pas ce qui va faire en sorte qu’elle va payer son loyer ou qu’elle sera une bonne locataire ou non, fait-elle valoir.

Je pleurais au téléphone
Une femme trans, qui préfère qu’on ne mentionne pas son nom en raison de ses démarches auprès de la Commission des droits de la personne, a ressenti un énorme stress au moment de chercher un logement.

S’étant récemment séparée de son conjoint, cette personne devait rapidement trouver un logement. Après trois semaines de recherches ce printemps, elle a trouvé un logement en sous-location, mais les choses ont mal tourné.

Après avoir signé les documents de sous-location, dont cette personne n’a pas copie, le propriétaire a dit souhaiter qu’elle signe un nouveau bail pour le 1er juillet. Même si ce n’est pas vraiment quelque chose qu’il avait le droit de me demander, j’ai quand même accepté parce que j’avais vraiment besoin d’un logement, raconte-t-elle.

En conversation au téléphone avec le propriétaire, celui-ci aurait dit qu’il pensait louer l’appartement à des filles et que ça ne le mettait pas à l’aise. Je lui ai dit que je suis une femme trans.

Cette personne a appris qu’elle n’avait pas l’appartement lorsque le locataire précédent, dont elle comptait racheter quelques meubles, lui a dit que le propriétaire avait décidé de le louer à quelqu’un d’autre.

« Au téléphone, il m’appelait juste par mon ancien prénom. Je lui ai demandé plusieurs fois de m’appeler par mon prénom actuel et il ne voulait rien savoir. Je pleurais au téléphone, je n’avais nulle part où aller. »

— Une citation de  Une locataire trans éconduite

Par miracle, j’ai trouvé un autre appartement le jour même où je devais déménager de mon appartement précédent, relate-t-elle.

Elle ajoute qu’au téléphone, elle a demandé, désespérée, au propriétaire s’il avait d’autres appartements à louer. Il lui aurait répondu : Pas pour vous.

Ce qu’a vécu cette personne, notamment l’utilisation du mauvais prénom, est un exemple de microagression, indique Mme Fortier. Pour les personnes qui vivent des formes de discrimination, ça peut devenir quotidien, évoque-t-elle.

Une personne trans pourrait tenter de le camoufler et une personne homosexuelle peut éviter de faire référence à sa vie amoureuse justement pour ne pas mettre en lumière le fait qu’il y a peut-être une différence, explique Mme Fortier. Elles utilisent ces mécanismes de défense mais cachent ainsi qui elles sont vraiment.

Des solutions difficiles à appliquer
Aurélie Dauphinais, membre du conseil d’administration de Jeunesse Lambda, un organisme montréalais à but non lucratif créé pour et par les jeunes de la communauté LGBTQ+, estime que le système de justice fait parfois défaut.

J’aimerais pouvoir dire que les propriétaires ne font pas de discrimination par rapport à l’identité de genre ou sexuelle. C’est illégal, mais c’est quand même dur de pouvoir défendre ce droit-là. Donc, c’est possible qu’un propriétaire remarque qu’une personne est transgenre et ne veuille pas l’avoir dans son logement, mentionne-t-elle.

Les personnes qui subissent toute forme de discrimination en rapport avec le logement peuvent se tourner vers le Tribunal administratif du logement (TAL) ou encore vers la Commission des droits de la personne.

Malheureusement, la manière dont la preuve doit être établie – comment on peut prouver qu’il y a discrimination –, disons que ce n’est pas vraiment fait pour les locataires, parce qu’au final, il faut vraiment qu’un propriétaire dise ouvertement : « Je ne veux pas te louer l’appartement parce que tu es une personne transgenre. » Ça doit être à ce point-là, noir et blanc, pour qu’un recours soit possible, affirme Celeste Trianon, également impliquée auprès de Jeunesse Lambda.

Selon elle, faire des inspections et créer des formations obligatoires pour les propriétaires sont des solutions qui pourraient prévenir la discrimination. Actuellement, la porte est assez ouverte pour qu’une personne puisse se faufiler entre la loi, et honnêtement, ça ne devrait pas être comme ça, se désole Mme Trianon.

Plus d’itinérants LGBTQ+
Les populations issues de la communauté LGBTQ+ sont par ailleurs surreprésentées dans le portrait de l’itinérance.

La fragilisation sociale associée à la transphobie et à l’homophobie peut conduire à l’itinérance, indique un document de 2022 du ministère de la Santé du Québec intitulé L’itinérance au Québec – Deuxième portrait.

Dans son Enquête sur la sécurité dans les espaces publics et privés de 2018, Statistique Canada indiquait que les personnes LGBTQ+ sont plus susceptibles que les autres d’avoir connu l’une des formes d’itinérance ou d’insécurité au regard du logement.

Elles ont trois fois plus souvent été hébergées dans un refuge d’urgence ou passé la nuit à l’extérieur que les Canadiens cisgenres hétérosexuels, soit 6 % contre 2 %.

En plus des problèmes généraux reliés à l’itinérance, les personnes LGBTQ+ ont leur propre lot de difficultés. Par exemple, une femme trans ne va pas nécessairement pouvoir se présenter dans un refuge pour femmes ou dans un dortoir pour femmes, affirme Aurélie Dauphinais.

« Ça reste une population qui est vulnérable. Elle peut être aux prises avec de la discrimination, que ce soit de la part des usagers dans les refuges ou même parfois des intervenants, malheureusement. »

Mme Dauphinais ajoute que des refuges établissent de plus en plus des protocoles de manière à mieux accueillir ces personnes. Ça reste un risque de violence, nuance-t-elle. Moi-même étant travailleuse dans un refuge, je n’ai jamais vu de violence physique, mais j’ai entendu beaucoup de commentaires désobligeants à l’encontre des usagers qui sont visiblement LGBTQ+.

Mme Trianon est aussi critique à l’endroit des ressources qui sont pourtant mises en œuvre pour aider. Je vois des jeunes qui quittent des centres jeunesse ou des maisons de groupe pour pouvoir mieux s’affirmer dans leur identité de genre, ce qui prouve que parfois, même le filet social, c’est comme s’il était tranchant, dit-elle.

Les deux femmes impliquées auprès de Jeunesse Lambda souhaitent qu’un refuge réservé exclusivement aux populations LGBTQ+ voie le jour à Montréal. Actuellement, il n’existe pas de refuge ou de maison d’hébergement exclusif aux personnes LGBTQ+ en situation d’itinérance au Québec.

En Ontario, la YMCA’s Sprott House de Toronto, la première maison d’hébergement pour jeunes LGBTQ2S, est ouverte depuis 2015.

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