Lundi, 24 mars 2025
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    Retour de bâton

    Commençons par une anecdote. Même si jamais je n’ai eu envie de leur donner une quelconque forme de publicité, il faut parfois ne plus se mettre la tête sous le sable. Les chroniqueurs et chroniqueuses qui ne cessent de varger sur les minorités 2SLGBTQ+ ne sont plus qu’un épiphénomène en voie de disparition. Ils reprennent de la bête, Leur discours est de plus en plus partagé aussi bien par la population que par des partis politiques, religieux et autres.

    Lors de l’inauguration de l’exposition Unique en son genre au Musée de la civilisation de Québec, un artiste au cours de sa performance s’est déshabillé, s’est donc retrouvé nu frontalement, avant d’enfiler une robe et de chausser des talons hauts. Il n’en fallait pas plus pour déchaîner les foudres de la chroniqueuse culturelle Sophie Durocher outrée à l’idée que des enfants aient pu apercevoir un sexe masculin. Sophie Durocher se targue d’avoir de la culture, et d’être ouverte d’esprit. Ainsi elle comprenait fort bien que l’on puisse admirer le sexe du David de Michel-Ange ou l’entrejambe largement ouvert d’une femme peint par Gustave Courbet dans son célèbre tableau L’Origine du monde, ce qui j’en déduis était de l’art et que la performance se réduisait à de l’exhibitionnisme. Pour étayer son propos, Sophie Durocher a simplement dit que le David ou L’Origine du monde, c’était autre chose. Fin de la comparaison et somme toute un peu court. La chère dame oublie que l’histoire de l’art a été marquée par de nombreux scandales qui déchaînèrent des passions même dans les plus hautes sphères politiques. Certaines œuvres considérées comme outrancières, insultantes, sont
    aujourd’hui considérées comme des chefs-d’œuvres.

    Il est vrai que chaque époque a eu ses Sophie Durocher. Sophie Durocher se dit ouverte et tolérante même si ces dernières sont encloses derrière des fils barbelés, des champs de mine. Ce n’est pas par pudibonderie qu’elle s’ingsurge contre un sexe masculin dévoilé, c’est au nom des enfants qui ont pu assister à cette performance. C’est d’ailleurs toujours au nom des enfants et de leur protection que se construisent les discours de celles et ceux qui ont toujours manifesté contre les avancées des minorités de la diversité En France, c’est pour sauvegarder la pureté de l’enfant qu’on s’est opposé au cours d’éducation sexuelle, puisqu’on y parlerait d’homosexualité et du genre.

    Au Québec, c’est aussi pour protéger les enfants que l’on s’est insurgé sur la venue des drag-queens dans les bibliothèques pour lire des contes. En somme, parler de relations entre personnes de même sexe, de l’identité de genre seraient traumatisants pour les plus jeunes, la porte d’entrée de pédophiles, ou encore de les influencer et leur donner de mauvaises idées. Cela en dit long sur la façon dont toustes ces bien-pensant.e.s peuvent nous percevoir, c’est-à dire, comme un danger.

    Les groupes religieux idéologiques, les conservateurs, les mouvements politiques de droite et d’extrême-droite font leur pain et leur beurre sur ce qu’ils appellent le LGBTisme. Nous serions la cause de tous les maux que vivent nos sociétés actuellement : perte de repères, destruction de la famille, renversement des rôles traditionnels de l’homme et la femme (ils utilisent toujours ses mots au singulier ce qui en dit long) et que nous aurions gangréné toutes les institutions privées et publiques où nous ferions la pluie et le beau temps suivant à la lettre un agenda pour détruire la civilisation. Rien de moins. Un agenda que visiblement seulement eux ont connaissance car je n’en ai jamais vu l’ombre d’un. On peut se moquer de leur discours, on peut – comme beaucoup – ne pas tenir compte de leur propos ou ne pas écouter – comme moi – les chroniques de Sophie Durocher et de ses comparses, mais leurs invectives, leurs condamnations, voire leurs insultes ne cessent de se répandre, chez nous, au Canada, aux États-Unis, en Europe, dans les pays où les minorités de la diversité avaient enfin conquis une reconnaissance légale et un peu plus de reconnaissance sociale. Comment y répondre ? L’expo Unique en son genre est une réponse. Elle se veut rassembleuse, ouverte sur la diversité, sur la compréhension des différences. Mais voilà, un simple sexe masculin aperçu lors d’une performance a suffi à libérer une parole ordurière. De même que la simple présence d’une drag-queen face à des enfants dans une bibliothèque signerait la fin des temps. Cette tendance à nous cibler et que l’on retrouve un peu partout et à tous les niveaux nous demandent de rester vigilant.e.s, de ne pas nous endormir sur nos lauriers, de soutenir les organismes qui luttent pour que cesse ce retour de bâton, et donc de solidifier en plus notre solidarité Pour finir avec la chronique de Sophie Durocher.

    L’animateur qui la recevait sur QUB Radio était Benoît Dutrizac. L’animateur faisait peine à voir, pleurnichant sur le fait qu’on lui reproche d’être un vieux mâle blanc. Il commentait les propos de Sophie Durocher avec son habituel langage fleuri (j’espère que les enfants n’écoutaient pas), et pour se rendre intéressant en singeant l’artiste performeur du Musée de la civilisation, il s’est levé et a fait mine de sortir son sexe. Il n’est pas allé plus loin.

    Heureusement pour nous. J’avais envie de lui écrire qu’il aurait peut-être dû sortir son sexe. Après tout, on y aurait vu peut-être un peu plus d’humanité, de bienveillance, et d’ouverture que sur son visage. Et personne ne l’empêchera de sortir tête nue même si à mon avis cela constitue bien un attentat, non pas à la pudeur, mais à l’intelligence.

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