Au moment où débute le Festival Image+Nation, on peut redonner un coup de projecteurs au documentaire Amazones d’Hier, Lesbiennes d’Aujourd’hui, 40 ans plus tard, présenté dans le cadre du festival l’année dernière et qui mérite qu’on s’y arrête. La raison en est simple, la difficulté encore aujourd’hui pour que les réalités et la visibilité des lesbiennes soient reconnues et entendues. Et qu’un documentaire comme celui-là touche une plus grande audience.
Il y a 40 ans, quatre lesbiennes, Danielle Charest, Louise Turcotte, Gin Bergeron et Ariane Brunet fondent Amazones d’hier, lesbiennes d’aujourd’hui (AHLA) un collectif, qui allait produire le premier documentaire, fait par des lesbiennes sur des lesbiennes dans les années 80. Elles allaient de plus lancer une revue trimestrielle du même nom dont la parution s’étendra jusqu’en 2014. À l’image des premiers mouvements gais qui avaient émergé et se faisaient entendre dans l’espace public, dans la foulée de la montée du féminisme, les lesbiennes prenaient la parole et faisaient un premier état des lieux de ces femmes qui aimaient les femmes . Profitant de l’arrivée de la vidéo et de l’accessibilité des caméras, elles ont eu l’idée de filmer pour témoigner de l’émergence d’un mouvement lesbien au Québec. On y brossait un premier portrait de lesbiennes, de leur histoire, de leurs réflexions et de leurs expériences.
40 plus tard, trois autres lesbiennes, Dominique Bourque, Johanne Coulombe, Julie Vaillancourt, sont parties sur les traces de ce premier documentaire avec en entrevues celles qui ont été à l’origine de ce film . Une manière d’inscrire l’ensemble dans la filiation du mouvement lesbien et que ce pan d’histoire ne retourne pas au placard.
Pour Dominique Bourque et Julie Vaillancourt, le constat est sans appel, il reste encore du chemin à faire pour que les lesbiennes soient plus visibles, plus entendues dans l’espace public. «Les raisons de cette encore invisibilité sont nombreuses mais elles tiennent tout d’abord au fait que les lesbiennes pour se protéger ont dû se cacher pendant des siècles». Beaucoup aurait pu croire que le féminisme allait leur accorder la place qui leur revenait mais les lesbiennes, là encore, ont souvent fait profil bas, sachant qu’en se mettant au premier plan, il ne leur serait fait aucun cadeau. «Il est encore très difficile dans nos sociétés que des femmes puissent se passer des hommes, constate Dominique Bourque, et même s’il y a plus d’ouverture à notre égard, c’est un fait, nous sommes toujours perçues comme un danger potentiel».
«On peut se demander si cette invisibilité ou cet effacement n’est pas encore de mise aujourd’hui. On le voit dans les grands sujets du moment qui touchent les communautés 2SLGBTQ+, on met l’accent sur la question trans et c’est bien, sur le questionnement sur le genre, c’est bien aussi, tout comme sur la non-binarité, mais avec le danger de voir les réalités d’un groupe particulier, présent dans les lettres de l’acronyme disparaître, ou s’effacer à l’arrière-plan», constate Julie Vaillancourt.
Pour faire ressortir de l’ombre les lesbiennes, Julie Vaillancourt et Dominique Bourque souhaitent continuer à mettre de l’avant les paroles lesbiennes même si cela peut sembler un parcours de combattant.e.s. «Notre documentaire a été présenté au Festival Image& Nation et nous avons fait salle comble, comme quoi il y a un intérêt à parler des lesbiennes » conclut Dominique Bourque. AHLA a été diffusé dans de nombreux festivals, surtout en Europe mais n’a pas retenu l’attention de grands diffuseurs, ni même l’attention de la presse en général, ce qui participe d’une certaine façon, à ce que nous disions au début, à l’invisibilité des lesbiennes.
Pour toustes celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire des communautés 2SLGBTQ+ à
Montréal et plus précisément du mouvement lesbien, AHLA devient un phare, un repère
incontournable pour comprendre d’où nous venons, et surtout d’entendre la voix des
pionnières qui aujourd’hui encore ne se taisent pas, portent des voix singulières et
peut-être, nous font prendre conscience, que rien n’est gagné, acquis définitivement. Bien au contraire.
INFOS | Amazones d’Hier, Lesbiennes d’Aujourd’hui, 40 ans plus tard
Film de Dominique Bourque, Johanne Coulombe et Julie Vaillancourt
Disponible sur Vimeo https://vimeo.com/765474606