Samedi, 7 septembre 2024
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    Peau d’âne, «un conte sans morale»

    On connaît le conte. Mais qu’est-ce que la princesse recouverte d’une peau d’âne pourrait nous dire aujourd’hui ? C’est la question que Félix-Antoine Boutin et Sophie Cadieux se sont posée dans une relecture de l’œuvre de Charles Perrault. Comment être soi-même et se défaire des contraintes des apparences, comment se trouver au-delà des influences subies aussi bien par la famille que par la société, bref comment au sortir de l’enfance, exister par soi-même. Sur la scène du théâtre Denise-Pelletier, Sophie Cadieux sera la mère de Peau d’âne, bien plus présente que sous la plume de Charles Perrault, et Éric Bernier se détriplera sous la peau des autres personnages.
     
    Beaucoup ont encore en tête, le Peau d’âne tourné par Jacques Demy en 1970 avec dans le rôle-titre Catherine Deneuve et Félix-Antoine Boutin et Sophie Cadieux ont bien évidemment vu cette adaptation libre du réalisateur des Demoiselles d’Avignon et des Parapluies de Cherbourg. « Bien sûr, le film de Jacques Demy nous a marqué et nous avons voulu conserver le côté psychédélique avec beaucoup de couleur que l’on trouvait extrêmement moderne » de commenter Félix-Antoine Boutin.
     
    Mais là s’arrête l’influence, car les deux créateurs de ce Peau d’âne 2024 ont préféré se questionner sur comment aujourd’hui passe-t-on de l’enfance à l’âge adulte aussi bien pour les filles que pour les garçons, des aspirations à la confrontation avec la réalité, des écueils rencontrés pour peut-être enfin advenir à être soi-même. Défi de taille s’il en est, dans un monde où les apparences prévalent alimentées en ce sens par la dictature des réseaux sociaux.
     
    « En fait, à travers la figure de Peau d’âne, c’est le parcours d’une adolescente qui doit répondre à ce qu’attend son père, dans le conte à ce qu’elle soit aussi belle que sa mère, puis elle prise en main par sa marraine qui veut qu’elle trace un autre chemin que celui tracé par son père, explique Sophie Cadieux, ce sont en fait tous les costumes différents que l’on affuble les femmes, en fait les peaux dont on recouvre les femmes de leur naissance jusqu’à leur mort ». Comment alors s’émanciper et faire reconnaître sa singularité, et en même temps rester dans le monde. Si ce n’est comme la marraine imaginée par Félix-Antoine Boutin et Sophie Cadieux, qui vit presqu’en ermite au fond d’une forêt entourée d’animaux.
     
    « Tous les éléments du conte de Charles Perrault ont été conservés mais ne sont pas présentés dans un ordre chronologique, explique Félix-Antoine Boutin, et on en a ajouté de nouveaux plus contemporains pour mettre en lumière les questions qui nous préoccupent ». Entre autres le féminisme, et les contradictions qui peuvent surgir quand on choisit de s’émanciper. En ce sens, les deux créateur-trices n’apportent pas de réponse mais espèrent que cela fera naître des questionnements dans le public lors des rencontres qu’ils auront avec lui après la représentation.

    Pour aller plus loin, puisque les costumes que portent Peau d’âne la définissent aux yeux des autres, de belles robes font d’elle une princesse, une peau de bête morte, une pauvresse, on pousse la note plus loin en jouant sur l’arbitraire de ce qui est perçu comme féminin ou masculin. « Je joue le père, la marraine, mais aussi le prince, précise Éric Bernier, et j’aime ce jeu entre ce qui est soi-disant masculin et ce qui est soi-disant féminin, d’autant que la marraine est une femme forte alors que le prince est un jeune homme plein de candeur amoureux fou de Peau d’âne plein de bonne volonté ». Pour le comédien, il est important de mettre en miroir ce que vivent les garçons qui sont eux-aussi pris dans des carcans auxquels ils essaient de se conformer pour être acceptés ou encore d’être rejetés quand ils tentent de les briser.
     
    Ludique, imaginatif, inventif, Peau d’âne revisité et revampé n’aurait pas livré tous ses secrets. Mais c’est la force des contres de traverser le temps en ne cessant de nous interroger. À voir toute séance tenante.

    INFOS | Peau d’âne au Théâtre Denise-Pelletier, du 25 septembre au 19 octobre 2024. D’après le conte de Charles Perrault. Texte et mise en scène de Félix-Antoine Boutin et Sophie Cadieux. Interprètes : Sophie Cadieux et Éric Bernier. Création de Dans la Chambre. Coproduction du Théâtre Français du Centre national des arts.
    https://www.denise-pelletier.qc.ca

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