Le GRIS-Montréal a publié les résultats d’une étude qui révèle, selon le communiqué de presse, « une hausse préoccupante de l’inconfort des jeunes face à la diversité sexuelle et de genre ». Mais quelle réponse apporter pour contrer ce « malaise » qui aurait doublé, selon les données, depuis 2017 ?
Disons-le tout de suite : ce n’est pas une hausse préoccupante, mais une hausse inquiétante, compte tenu du contexte dans lequel nous nous trouvons actuellement, avec la montée des discours réactionnaires que tiennent aussi bien des individus que des groupes religieux ou encore des dirigeants politiques. Certes, comme le soulignent l’étude et plusieurs personnes convoquées par des médias pour la commenter, les médias sociaux seraient une fabuleuse caisse de résonance à ces discours homophobes et transphobes.
Inconfort, malaise, préoccupant, un registre sémantique bien trop doux, alors que depuis longtemps les drapeaux rouges sont levés. Et toujours selon le communiqué qui reprend les mots de la directrice du GRIS-Montréal, Marie Houzeau : « L’inaction n’est plus une option. » Mais quelles sont alors les options qui s’offrent à nous ?
Sur le terrain, les organismes communautaires ne lâchent pas, mais leurs actions ne dépassent pas les missions qu’ils se sont données. Et avec la foi du charbonnier ou de la charbonnière (elle existe aussi), ils continuent à apporter et à diffuser les meilleures informations et les meilleures pratiques, un peu chacun dans leur coin. Certes, ils se réunissent sous la bannière du Conseil québécois LGBTQ, mais pas au point de parler d’une seule voix ou en tout cas, de façon collective et solidaire, pas au point d’oser exprimer leur inquiétude sur la place publique. Par crainte de jeter de l’huile sur le feu ? Par peur d’ouvrir les vannes et que les discours haineux se déferlent et nuisent encore plus ? Mais les vannes sont déjà ouvertes et il faudrait être sourd pour ne pas entendre tous ceux et toutes celles qui voudraient nous faire retourner au placard.
Lors du symposium organisé par la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres et SAVIE-LGBTQ, une des intervenantes relatait que dans sa région, des parents avaient manifesté contre la venue du GRIS dans une école. Elle a terminé sa présentation en précisant que son groupe n’avait pas dénoncé cette manifestation pour ne pas susciter encore plus de colère de la part des opposant.e.s. Une stratégie, celle de faire le gros dos, espérant que l’orage passe et fasse le moins de dégâts possible. De la même façon, quelqu’un que je ne peux nommer me disait que la majorité de la population en avait assez que l’on mette de l’avant les problématiques LGBTQ, en somme que l’on parlait trop de nous. La stratégie du silence, encore une fois, pour ne pas attirer les foudres. Pour se faire oublier peut-être ? Pour s’excuser d’exister ? Quelles options prendre alors pour contrer et s’opposer à cette déferlante médiatique homophobe, transphobe, masculiniste (bien que je préfère le terme antiféministe) quand on se contente de cultiver son petit jardin sans en sortir? Et encore, un « masculiniste » n’est pas un cheikh ou un imam en visite au Canada pour prêcher des règles religieuses qui sont cent fois pires que celles énoncées par ces masculinistes. Curieusement, personne n’ose dénoncer l’entrée au pays de tels personnages qui sèment non seulement la haine, mais aussi incitent presque à la violence… Ce n’est pas notre mission, me rappelle-t-on, mais alors c’est la mission de qui ? À moins d’émettre un autre constat : que la fin du militantisme nous a fait perdre toute vigilance, nous a fait perdre cette capacité de réagir collectivement comme communauté aujourd’hui attaquée.
Et ce n’est pas du côté des gouvernements qu’il faut chercher de l’aide, surtout si, pour des raisons stratégiques et financières, on ose leur demander de prendre des positions plus fermes et d’être plus vocaux pour défendre les valeurs auxquelles ils souscrivent.
Les données de l’étude du GRIS n’ont suscité qu’une réaction de la part du ministre de l’Éducation du Québec, qui a déclaré qu’il allait « prendre le temps » d’analyser l’étude, selon Le Devoir du 16 janvier dernier. Sur la même page du site du quotidien, la ministre responsable du Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie, Martine Biron, s’est dite préoccupée par la montée de l’intolérance dans les écoles du Québec. Elle a ajouté qu’il y avait encore du travail à faire et que le discours haineux n’a pas sa place au Québec. On aurait aimé des commentaires qui les engagent un peu plus et laissent entendre — on peut toujours rêver — que des mesures plus fermes seraient envisagées pour
contrer le ressac auquel nous assistons.
On sait que le gouvernement du Québec tient à ménager la chèvre et le chou et qu’il ne veut pas déplaire à une partie de son électorat conservateur, voire réactionnaire, tout comme à l’autre partie, plus progressiste. Même si la chèvre est en train de dévorer le chou aujourd’hui.
Devrons-nous nous contenter de constats et regarder la situation se dégrader et simplement s’en désoler ? Devrons-nous nous contenter de regarder le train passer sans monter ? Laisserons-nous certains organismes tirer seuls la sonnette d’alarme et défendre nos intérêts dans l’indifférence ? Ou peut-être choisirons-nous de repenser collectivement nos stratégies pour continuer à être des réformateurs et des réformatrices sur le plan social et surtout des citoyen.ne.s engagé.e.s pour
la défense de nos valeurs ? L’inaction n’est plus une option.