Mercredi, 15 octobre 2025
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    Rafaël Provost lutte contre les discriminations… et les agressions

    Directeur général de l’organisme Ensemble pour le respect de la diversité, Rafaël Provost lutte quotidiennement contre le sexisme, le racisme, l’homophobie, la transphobie et les autres formes de discrimination. Un événement malheureux survenu dans sa vie personnelle l’a également poussé à prendre la parole publiquement contre les agressions sexuelles.

    Quel était ton parcours avant de prendre la direction d’Ensemble ?
    Rafaël Provost : J’ai un parcours très atypique : j’ai mon secondaire cinq et j’ai commencé à travailler vers 16 ans en tant que commis de bureau dans le milieu des assurances. De fil en aiguille, je suis devenu réceptionniste, adjoint administratif, adjoint exécutif, adjoint de président d’entreprise. Puis, j’ai travaillé environ cinq ans à HEC-Montréal en tant que responsable des événements et des communications pour un pôle de recherche en gestion. J’étais entouré des meilleurs au monde en ressources humaines, en gestion du changement, en finances et en communications. J’absorbais tout ce qu’on me partageait.

    Puis, tout a changé durant la pandémie. Rafaël Provost : J’ai vécu une crise existentielle et j’ai quitté mon emploi sans plan B. Je suis devenu bénévole au GRIS-Montréal. Un jour, j’ai vu l’affichage d’un poste de direction générale au JAG, un organisme LGBTQ+. J’ai décidé de tenter ma chance. Le jour de mon anniversaire, j’ai obtenu le poste. J’y suis resté près de deux ans. J’ai travaillé fort pour remettre l’organisme de l’avant. Jusqu’à ce qu’on m’apprenne qu’Ensemble était à la recherche d’une direction générale, il y a deux ans et demi.

    Quelle est la mission d’Ensemble ?
    Rafaël Provost : Depuis 29 ans, on rencontre les jeunes dans les écoles primaires et secondaires pour les aider à mieux comprendre ce qu’est une discrimination. S’ils la vivent, ils pourront la reconnaître et se sentir moins seuls. S’ils la font subir, ils auront des outils pour s’en éloigner, réaliser qu’on vit ensemble et qu’on doit travailler sur notre respect envers nous-mêmes et envers les autres. On leur parle de sexisme, de racisme, d’homophobie, de transphobie et de tous les types de discrimination. Ce n’est pas du témoignage, mais des ateliers éducatifs et participatifs. Chaque année, on rencontre plus de 36 000 jeunes.

    Quelles sont vos préoccupations en 2025 ?
    Rafaël Provost : Beaucoup de gens ne se sentent pas concernés par ces luttes et les gens ne comprennent pas forcément ce qu’on fait. Même si je suis presque tous les jours dans les médias pour répéter notre mission, les gens se demandent encore ce qu’on fait dans les écoles. Quand tu le vis, tu comprends assez vite. Notre autre défi, c’est le financement. Alors que tout le monde dit que les discriminations sont un fléau en augmentation, les moyens ne suivent pas.

    Pourquoi est-ce important de prendre la parole à la radio et à la télévision aussi souvent ?
    Rafaël Provost : Parce qu’on offre une solution à ces enjeux et il faut la faire connaître. Je ne le fais pas seulement pour notre organisation, mais pour le milieu communautaire au sens large. Au Québec, il y a presque une solution pour tout, mais les gens ne les connaissent pas.

    Veux-tu également obtenir plus de visibilité pour ton bien personnel ?
    Rafaël Provost : En toute honnêteté, ma première volonté est de faire connaître Ensemble. Je vois que les portes s’ouvrent beaucoup plus facilement maintenant. Cette nouvelle crédibilité nous permet de rencontrer des gens qui pourraient nous offrir du financement ou autre chose. Cette game-là, je l’ai comprise assez rapidement. À titre personnel, je ne déteste pas ça. Même si ça vient avec beaucoup de côtés sombres, d’attentes et d’idées préconçues. Cela dit, j’ai été victime d’intimidation toute ma vie et j’ai longtemps cru que ce serait impossible de trouver ma place en étant moi-même. Aujourd’hui, quand j’occupe cet espace en étant qui je suis, j’imagine que ça pourrait inspirer une autre personne et ça me plaît.

    Sur tes réseaux sociaux, en plus de ton titre professionnel, tu te présentes comme un ex-modèle Jean-Paul Gauthier, Top 3 des jeunes cadres du Québec et Top 15 LinkedIn Québec. Quelle image veux-tu projeter ?
    Rafaël Provost : Que c’est possible de réaliser de belles et grandes choses quand on est authentique, qu’on travaille fort et qu’on est bien entouré. J’ai voulu être mannequin et je l’ai été pour Jean-Paul Gauthier. J’ai un secondaire cinq, mais je suis nommé jeune leader du Québec et je gère un organisme avec plus de 20 employés. C’est peut-être aussi une façon de me rappeler et de rappeler aux autres ma valeur, alors que je n’ai pas le papier qui convainc plein de gens. Ça veut dire beaucoup sur LinkedIn, quand on voit une personne avec une maîtrise ou qu’un autre a étudié à telle école.

    L’hiver dernier, tu as témoigné d’une agression sexuelle. Tu en as parlé dans une conférence, sur tes réseaux sociaux et dans les médias. Pour quelles raisons ?
    Rafaël Provost : Quand j’ai été invité à prendre la parole au Salon de la tentation, je ne savais pas de quoi je parlerais. Finalement, j’ai ressenti le besoin de briser ma solitude avec ce qui m’était arrivé et d’utiliser ma plateforme. Je pensais d’abord partager le beau et le mauvais des applications de rencontres en général, sans me livrer autant. Puis, quand est venu le temps de parler des côtés sombres, j’ai décidé de partager que ça m’était arrivé. J’ai aussi expliqué que j’avais déjà eu le réflexe trop facile de dire aux gens de dénoncer et de passer à l’action.

    Acceptes-tu de nous résumer ce que tu as vécu ?
    Rafaël Provost : Oui. Au départ, c’était une date qui ressemblait à beaucoup d’autres que j’avais eues : via Facebook rencontre, j’avais eu un court échange avec un gars et je l’ai invité à prendre un verre, en sachant très bien que le potentiel était plus le plaisir qu’une relation amoureuse. Ça m’allait. J’avais déjà invité un inconnu chez moi et ça s’était toujours bien passé. Dès qu’il est arrivé, je le feelais un peu moins. Il ressemblait moins à ses photos.

    Et le vent a rapidement tourné.
    Rafaël Provost : Quand on a commencé à boire, il est devenu plus insistant. Il voulait que ça se passe. On a commencé et j’ai rapidement voulu que ça arrête. Il a forcé la chose. J’ai dit « non ». Il a voulu me forcer à lui faire une fellation. Je l’ai repoussé. Je ne me suis jamais entendu dire « non » de cette façon-là… Il a continué quand même. J’étais sur le divan, traumatisé. Il s’est touché, il est venu, il a relevé ses culottes et il est parti. Quand je suis retourné sur l’application, son profil n’était plus là. Je n’avais pas son prénom. J’ai pris une douche d’une heure. J’ai bu de la vodka. Je me sentais sale. Je n’ai pas dormi de la nuit.

    Le lendemain, en discutant avec une amie, j’ai compris ce que j’avais vécu. Quelles traces ça a laissées ?
    Rafaël Provost : Ça va me suivre toute ma vie. Même si une part de moi est encore insouciante, une autre ressent le traumatisme omniprésent dans le dating. Je me demande si ça va se reproduire. J’ai une nouvelle impatience face aux comportements problématiques. Je tolérais beaucoup avant. Je n’ai pas renoncé aux applications de rencontres, mais je les utilise autrement. Je crois encore qu’il y a du bon monde.

    INFOS | ENSEMBLE POUR LE RESPECT DE LA DIVERSITÉ https://ensemble-rd.com
    Vous pouvez suivre Rafaël Provost sur Facebook et Instagram au @rafaelprovost/
    et sur LinkedIn https://www.linkedin.com/in/rafaelprovost5/

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