Samedi, 25 octobre 2025
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    La Cour suprême des États-Unis pourrait annuler les interdictions de thérapies de conversion

    La Cour suprême des États-Unis semble prête à invalider une loi du Colorado interdisant les thérapies de conversion destinées aux mineur·e·s, à la suite d’audiences où la majorité conservatrice du tribunal a exprimé un scepticisme marqué envers cette législation.

    Les juges ont entendu cette semaine les arguments dans l’affaire Chiles C. Salazar, intentée par Kaley Chiles, une conseillère en santé mentale qui conteste la loi du Colorado adoptée en 2019. Cette loi interdit aux professionnel·le·s de la santé d’offrir des traitements visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des jeunes de moins de 18 ans.

    Une bataille autour du Premier amendement
    Chiles soutient que cette interdiction viole sa liberté d’expression garantie par le Premier amendement. Elle affirme ne pas pratiquer les méthodes coercitives historiquement associées aux thérapies de conversion — comme les électrochocs ou les traitements d’aversion —, mais se présente comme une thérapeute qui aide les jeunes à « accepter le corps que Dieu leur a donné et à trouver la paix ».

    Elle estime donc que l’État n’a pas le droit de restreindre ce type de discours, arguant que la loi impose une censure fondée sur le point de vue.

    Le juge Samuel Alito, figure du courant ultraconservateur, a donné le ton lors des audiences en qualifiant la loi de « discrimination évidente fondée sur le point de vue ». Selon lui, le texte « permet d’encourager un·e jeune à accepter son homosexualité, mais interdit de l’encourager à la rejeter » — ce qui, selon lui, violerait la neutralité du Premier amendement.

    Alito est même allé jusqu’à remettre en question la validité du consensus scientifique sur les dangers avérés des thérapies de conversion, comparant la situation à des épisodes où la médecine aurait été « dominée par l’idéologie ». Il a cité le tristement célèbre arrêt Buck v. Bell (1927), qui avait validé la stérilisation forcée des personnes handicapées mentales — une comparaison jugée « absurde » par plusieurs analystes.

    Des juges conservateurs sur la défensive
    Le juge en chef John Roberts s’est lui aussi montré sceptique à l’égard des arguments du Colorado, estimant que la parole des thérapeutes demeure protégée, même lorsqu’elle s’inscrit dans un cadre professionnel.
    La procureure générale du Colorado, Shannon Stevenson, a rétorqué que les lois encadrant les traitements médicaux s’appliquent justement parce qu’il s’agit d’une relation thérapeutique — un contexte où la liberté d’expression peut être encadrée pour protéger le public.

    Seule la juge Ketanji Brown Jackson, nommée par Joe Biden, a semblé favorable au maintien de la loi. Elle a souligné une contradiction : dans un arrêt précédent (U.S. c. Skrmetti), la Cour a autorisé les États à interdire les soins d’affirmation de genre pour mineur·e·s.

    « Dans Skrmetti, nous avons dit qu’un État pouvait interdire un traitement médical lié au genre. Ici, un État veut interdire un traitement psychologique du même ordre, mais on invoque maintenant la liberté d’expression pour le bloquer. Je m’inquiète du manque de cohérence », a-t-elle déclaré.

    Une affaire pilotée par la droite religieuse
    Kaley Chiles est représentée par l’Alliance Defending Freedom (ADF), un puissant groupe juridique d’extrême droite classé comme organisation haineuse anti-LGBTQ+ par le Southern Poverty Law Center.
    L’ADF a été accusée à plusieurs reprises de fabriquer des cas juridiques pour faire avancer son agenda idéologique contre les droits des personnes LGBTQ+.

    Deux chercheur·euse·s cité·e·s dans les documents de l’ADF ont déclaré au Guardian que leurs travaux avaient été « déformés de façon profonde », notamment par la fausse affirmation selon laquelle l’orientation sexuelle pourrait changer chez de nombreuses personnes.

    « C’est la manipulation la plus choquante de ma recherche que j’aie jamais vue », a réagi Clifford Rosky, professeur à l’Université de l’Utah et coauteur du texte de loi du Colorado.

    Des conséquences nationales majeures
    Si la Cour suprême invalide la loi, la décision pourrait avoir un effet domino à travers le pays. Vingt-trois États et le District de Columbia interdisent actuellement les thérapies de conversion pour les mineur·e·s.

    Selon l’analyste juridique Ian Millhiser (Vox), les juges pourraient soit renvoyer l’affaire à une cour inférieure pour réexamen selon un critère juridique plus strict (« strict scrutiny »), soit aller plus loin et déclarer que les États ne peuvent pas restreindre le discours des professionnel·le·s de la santé — ce qui fragiliserait d’un coup l’ensemble des lois similaires.

    Des pratiques dangereuses toujours en débat
    Pour les organismes LGBTQ+, le simple fait que la Cour suprême examine ce genre d’affaire est inquiétant et absurde.

    « Il est impensable de voir des pratiques marginales, discréditées et connues pour causer des traumatismes être débattues devant la plus haute cour du pays », a dénoncé Jaymes Black, PDG du Trevor Project, organisme de prévention du suicide chez les jeunes LGBTQ+.
    « Les thérapeutes peuvent — et doivent — aider les jeunes à comprendre leur identité. Mais ils ne devraient jamais être autorisés à les pousser à changer qui ils sont. »

    Une décision qui pourrait redéfinir les droits LGBTQ+
    Le jugement attendu dans les prochains mois pourrait marquer un tournant historique : soit la Cour confirme le droit des États à protéger les jeunes contre la pseudoscience, soit elle ouvre la porte à un retour en force des idéologies de conversion déguisées en « accompagnement spirituel ».

    Dans une Amérique où les droits LGBTQ+ sont de nouveau instrumentalisés politiquement, cette affaire illustre la tension croissante entre liberté d’expression et protection contre la haine — un débat dont les conséquences dépasseront largement les frontières du Colorado.

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