Vendredi, 31 octobre 2025
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    Wayward (Indociles) et la tyranie de la bienveillance toxique!

    Située au cœur du Vermont, la paisible ville de Tall Pines semble tout droit sortie d’une carte postale. Pourtant, derrière cette façade idyllique se cache une réalité troublante que dévoile progressivement la minisérie canadienne Wayward (Indociles). Mêlant habilement thriller psychologique, satire sociale, drame intimiste et horreur corporelle, elle expose les failles d’une communauté trop parfaite pour être vrai.

    Pourtant, tout semble aller pour le mieux! Alex, un homme trans, interprétée par l’acteur.trice non binaire Mae Martin, et Laura (Sarah Gadon), son épouse enceinte jusqu’aux yeux, emménagent dans une luxueuse résidence de campagne. Cette demeure leur est gracieusement prêtée par Evelyn Wade (Toni Collette), directrice du Tall Pines Academy, un centre de rééducation destiné aux adolescents en difficulté. Mais s’agit-il d’un cadeau empoisonné? Quelque chose agace Alex même s’il lui est impossible d’identifier la nature exacte de son malaise. Est-ce le fait que son épouse et ses collègues policiers semblent collectivement obnubilés par Evelyn? Et qu’en est-il de ce garçon qui s’est échappé du centre et meurt dans ses bras en murmurant, dans un dernier souffle, tout en pointant Laura : « Elle est comme eux! »

    Parallèlement à ces réflexions, la série nous plonge dans une exploration intérieure du centre au rythme des luttes identitaires et de survie d’Abbie (Sydney Topliffe) et Leila (Alyvia Alyn Lind). Arrachées à leur quotidien, les deux adolescentes sont institutionnalisées dans l’espoir qu’elles deviennent des jeunes filles « responsables ». Convaincus d’agir pour leur bien, parents et enseignants s’acharnent à vouloir les remettre sur le droit chemin, ne parvenant pas à concilier le souvenir idéalisé qu’ils ont d’elles et la réalité d’ados flirtant avec la rébellion.

    Bien loin de la philosophie de bienveillance extrême annoncée, elles se heurtent rapidement à des règles déshumanisantes et à des séances d’autoflagellation psychologique aussi humiliantes que répétées qui annoncent les forces rampantes et insidieuses qui agitent la petite ville. Quelles expériences y mène-t-on véritablement? Une tension presque hypnotique et anxiogène s’installe dès les premières minutes.

    Le spectateur en arrive ainsi à douter de tout : les sourires sont trop parfaits, les discours trop inclusifs, la bienveillance dégouline de partout dans une mécanique qui semble à la fois trop bien huilée et corsetée. À l’instar de « Twin Peaks », « Midsommar » ou « The Stepford Wives » (Les Femmes de Stepford), le malaise naît d’une juxtaposition, entre la beauté du cadre et la noirceur sourde des intentions, qui glisse progressivement vers l’horreur.

    La minisérie met en lumière la manière dont les jeunes sont pathologisés, étiquetés, et enfermés dans des rôles qui les empêchent de se construire librement. L’accueil en apparence bienveillant envers les personnes LGBTQ+ cache une forme de contrôle et de surveillance qui dresse un parallèle marqué avec les thérapies de conversion. Il ne faut d’ailleurs pas être étonné que la série aborde ces thèmes avec une telle virtuosité puisque Mae Martin est à la barre de la production de la série. Ces thèmes ne sont, par ailleurs, jamais traités comme de simples ajouts décoratifs : ils s’inscrivent tout au contraire au cœur d’une dynamique de pouvoir où la question identitaire constitue un champ de bataille.

    La minisérie se distingue par l’excellence de sa distribution, notamment grâce à Toni Collette, saisissante dans le rôle de la directrice : une figure à la fois charismatique et inquiétante, oscillant entre paroles rassurantes et menaces latentes qui glacent le sang.

    À noter que, contrairement à ses habitudes, Netflix Canada propose ici un excellent doublage français réalisé au Québec, sans doute en raison du statut canadien de la production, qui permet ainsi l’usage d’un vocabulaire fidèle à la réalité nord-américaine, ainsi qu’une prononciation fidèle des termes anglais.

    INFOS | Les huit épisodes de « Wayward » (Indociles) sont disponibles, en anglais et dans un excellent doublage français (Canada) sur Netflix.

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