Le 7 août dernier, dans le cadre des célébrations de la Fierté, le café-bar P’tit Ours du Mile End a accueilli une exposition colorée et intime, présentant des récits de vie de femmes trans en Amérique du Sud dans les années 1970, 1980 et 1990 L’exposition Trans+Archive : mémoire comme méthode met également en lumière le travail d’aîné.e.s trans devenu.e.s archivistes, qui ont préservé des milliers de photos et d’autres documents — dont de nombreuses copies sont mises à la disposition du public, à condition de des gants blancs d’archiviste.
Des photos de groupes d’amies — la grande majorité des femmes trans — en train de faire la fête ou de s’amuser en vacances tapissent les murs. Avec son atmosphère chaleureuse, mais un peu underground, le sous-sol du P’tit Ours appelle beaucoup ces endroits — cachés, mais festifs — où des femmes et des hommes trans se réunissaient pour célébrer, malgré la discrimination et la dictature militaire. Un livre en espagnol, rédigé par les archivistes, était également à la disposition du public. On y raconte que le projet est né grâce à Claudia Pia Baudracco, militante trans argentine décédée à 42 ans en 2012. À sa mort, elle a laissé une boîte de photos à une amie. Ces photos constituent la base de Trans+Archive, une collection qui compte aujourd’hui plus de 15 000 artéfacts liés à la vie trans en Argentine, au Venezuela et au Pérou.
Le projet a permis de créer une communauté d’aînées trans archivistes, ainsi qu’une dizaine d’emplois. Selon les autrices du livre, le projet est « une réunion de famille, avec des personnes qu’on croyait mortes, des personnes qui gardaient leurs distances à cause de l’exil ou pour des raisons qui leur appartiennent, et surtout, des personnes qui ne sont plus ici pour en parler ». Araya Guanipa, artiste multidisciplinaire vénézuélienne installée à Montréal depuis 2017, est la commissaire de l’exposition. « Notre mission est de rassembler une archive de la mémoire trans à travers l’Amérique latine », explique-t-elle. « À un moment où la communauté trans est attaquée de tous bords tous côtés, cette archive nous permet de voir les façons dont les membres de la communauté s’organisaient à l’époque pour être qui elles étaient, malgré les difficultés. »
Les femmes qui ont travaillé sur le projet en Argentine « sont des survivantes d’une dictature militaire où elles étaient ciblées pour qui elles étaient », raconte la commissaire. « Elles se sont retrouvées en prison, elles se tressaient les cheveux les unes aux autres, elles ont créé de la communauté en prison comme ça. » Pour elle, il est important de préserver cette archive pour les générations futures, afin de montrer que la transidentité « n’est pas nouvelle, n’est pas une mode ». À la suite de l’exposition au P’tit Ours, ouverte pendant un seul après-midi, elle aimerait monter une exposition d’envergure avec la participation des aîné.e.s archivistes.
INFOS | L’exposition Trans+Archive était présenté dans le cadre de Fierté Montréal.