Le temps d’un soir de Noël à Paris, « Le duo des ténèbres » esquisse la rencontre manquée de deux âmes esseulées, qui, sans jamais se croiser, se trouvent pourtant liées par un secret indicible. Au fil des pages, ce lien invisible se déploie dans la pénombre, mais sans jamais complètement s’exposer.
Ce troisième roman de René-Samir Helcim Nilbel met en scène un improbable binôme. Julius est prêtre et Lucienne, une prostituée. Aucun point commun, si ce n’est quelques éléments anecdotiques. Le partage de 68 bougies, récemment soufflées, et d’une couleur commune : le noir. « Elle, par passion et coquetterie. Lui, par vocation et par habitude (ça va avec tout). » Un dernier élément les réunit : une correspondance assidue avec un homme mystérieux et désiré : H. pour elle et Helcim pour lui.
Que ce soit par l’entremise du langage châtié et mesuré du prêtre ou de celui, plus canaille de la seconde, chaque voix dévoile une passion qui, frôlant parfois le grotesque, tente de dissimuler une ferveur dévorante et un désespoir sourd. L’écriture, toujours en équilibre entre rigueur et tendresse, navigue subtilement entre l’incapacité d’aimer et la violence d’un désir contrarié ou inaccessible. « Je meurs de la soif d’aimer… je brûle de transgresser… je frissonne de te caresser. […] Je tremble moi aussi de peur devant la nudité de ton âme qui s’entrouvre et se donne, plus enivrante et indécente qu’un sexe d’homme qui se déploie… » Une question se dresse en filigrane du récit : qui est donc cet amant énigmatique à qui Julius dispense ses conseils littéraires ? N’assistons-nous pas, à travers le récit, à une traversée du quatrième mur où H., Helcim et l’auteur ne seraient que les multiples visages d’une même entité ?
Une plongée dans les zones troubles de l’amour : les absences, les non-dits, les désirs non partagés. Le récit met en relief le caractère presque obsessionnel de la passion, aboutissant à une conclusion surprenante.
INFOS | Le duo des ténèbres / René-Samir Helcim Nilbel. [France] : Éditons du Net, 2025. 97 p.