Le gouvernement néo-zélandais a annoncé qu’il interdirait les bloqueurs de puberté pour les jeunes trans, le temps d’obtenir les résultats d’un vaste essai clinique mené au Royaume-Uni — des données qui ne sont pas attendues avant 2031.
À partir du 19 décembre, toute nouvelle prescription de médicaments inhibant la puberté — des analogues de la gonadolibérine (GnRH) — destinés au traitement de la dysphorie de genre sera suspendue.
Cependant, ces médicaments resteront accessibles aux jeunes trans qui disposent déjà d’une prescription, ainsi qu’aux patient·e·s nécessitant ces traitements pour une puberté précoce, l’endométriose ou le cancer de la prostate, ou encore dans les cas où « les données cliniques démontrent clairement leur utilité ».
Mercredi 19 novembre, le ministre de la Santé Simeon Brown a déclaré sur X.com que le gouvernement adoptait « une approche prudente », citant comme justification la controversée Cass Review réalisée au Royaume-Uni.
« Lorsqu’il est question de la santé des enfants, les décisions doivent être guidées par des données cliniques démontrant que les traitements offerts sont sûrs, efficaces et éprouvés », a-t-il écrit.
« La Cass Review, commandée par le NHS britannique, a relevé de grandes incertitudes quant à la sécurité et à l’efficacité à long terme des traitements hormonaux d’affirmation de genre. Ce n’était pas une revue politique, mais bien une analyse clinique. »
Le ministère néo-zélandais de la Santé est arrivé aux mêmes conclusions en novembre 2024, affirmant que les preuves existantes présentaient « d’importantes limites » quant aux bénéfices et aux risques de ces traitements.
Une décision calquée sur le modèle britannique
Publiée en avril 2024, la Cass Review — un rapport de 400 pages sur les soins destinés aux jeunes trans en Angleterre — proposait plus de 32 recommandations, dont un appel à faire preuve d’« extrême prudence » envers les bloqueurs de puberté.
À la suite de ce rapport, l’ancien gouvernement conservateur britannique a interdit les prescriptions privées de bloqueurs de puberté pour les jeunes trans. La mesure a été maintenue par le gouvernement travailliste élu en juillet 2024, puis prolongée indéfiniment en décembre.
La méthodologie de la Cass Review a toutefois été vivement critiquée par des organismes communautaires, des groupes de défense, des organisations médicales et des universitaires — dont la British Medical Association, qui l’a qualifiée de « profondément viciée » et fondée sur « un usage sélectif et incohérent des données ».
En mai, un essai clinique public de 10 millions de livres sterling (environ 17 millions de dollars canadiens) mené par le NHS et l’Université King’s College London a débuté. L’étude offrira des bloqueurs de puberté à des jeunes trans afin d’évaluer leurs effets physiques, sociaux et émotionnels.
Dans sa déclaration, le ministre Brown affirme vouloir « aligner l’approche de la Nouvelle-Zélande sur celle du Royaume-Uni » et attendre les résultats de cet essai avant de reconsidérer la position du gouvernement.
« Le Cabinet a mis en place des garde-fous plus stricts afin de rassurer les familles : tout traitement doit être fondé sur des bases cliniques solides et être dans le meilleur intérêt de l’enfant », conclut-il.
« Interdire ces traitements entraînera une grande détresse » : réactions du milieu médical
La décision a été dénoncée par la Professional Association for Transgender Health Aotearoa (PATHA), qui prévient que l’interdiction aura des conséquences graves pour les jeunes trans.
« Cette interdiction entraînera une détérioration de la santé mentale, une hausse du risque suicidaire et un accroissement de la dysphorie chez les enfants et les jeunes trans ou de genre divers. Elle les exposera aussi davantage à la marginalisation et à la discrimination », affirme la Dre Elizabeth McElrea, médecin de famille spécialisée en soins d’affirmation de genre et vice-présidente de PATHA.
Elle insiste sur le fait que les bloqueurs de puberté sont prescrits « avec la plus grande prudence » et qu’ils sont administrés « en toute sécurité depuis des décennies » aux jeunes trans. Leur interdiction, dit-elle, « plongera un groupe déjà vulnérable dans une profonde détresse ».
La Dre McElrea rappelle que la médecine fondée sur les données probantes repose sur trois piliers :
- les données scientifiques,
- l’expérience clinique,
- les valeurs et préférences des patient·e·s.
« Lorsque les données disponibles sont imparfaites, il est courant, en médecine, de s’appuyer sur les lignes directrices issues de l’expérience clinique. »
Elle souligne que la pratique médicale — particulièrement en pédiatrie — exige souvent de soigner sans disposer de preuves parfaites.
« L’absence de données de très haute qualité ne signifie pas que le soin offert est mauvais ou injustifié. »

