C’est la consternation dans le monde du magazine. Peu d’entre vous sont au courant, mais les effets dévastateurs d’un décret provincial déposé en mars 2012 (suite à l’adoption, en 2011, de la Loi sur la qualité de l’environnement) risquent d’affecter de manière importante l’éditeur qui publie le magazine Fugues et bien d’autres éditeurs de magazines.
Pour compenser les frais assumés par les municipalités pour leurs services de récupération des matières résiduelles, le gouvernement québécois a instauré, il y a quelques années, un mécanisme afin de réclamer ces montants aux producteurs des matières qui se retrouvent dans le bac : verre, carton, plastique, papier, etc. Les changements apportés à la Loi sur la qualité de l’environnement et les tarifs décrétés, en mars 2012, font que les magazines québécois (des médias à part entière, d’importants véhicules culturels et souvent, comme c’est le cas de Fugues, des vecteurs économiques essentiels pour leur communauté) sont considérés au même titre que les nombreuses réclames et autres prospectus qui engorgent nos bacs de recyclage et se trouvent à devoir contribuer beaucoup plus que leur part réelle.
Ce décret, s’il n’est pas révisé rapidement, touchera très durement les petits éditeurs de magazines, comme c’est le cas d’Éditions Nitram, qui publie chaque mois le magazine Fugues. Non seulement demande-t-on à Éditions Nitram une contribution d’environ 50 000 $ par année, mais on exige le paiement rétroactif, de janvier 2010 à décembre 2012, d’une somme de 142 000$, dont 70% doit être versée d’ici le 26 septembre 2012 et la balance le 26 janvier 2013. Pour plusieurs autres magazines, dont Protégez-Vous, c’est à peu près la même chose.
On voudrait tuer l’industrie des magazines qu’on ne s’y prendrait pas autrement. En tant qu’éditeur de magazi-nes, nous sommes d’accord pour payer notre part, mais la tarification en vigueur est non seulement inéquitable, mais ne représente en rien la réalité.
L’application de la Loi sur la qualité de l’environnement fait en sorte que les éditeurs de magazines doivent payer des frais nettement exagérés par comparaison avec d’autres acteurs des médias imprimés, montants qui sont aussi disproportionnés par rapport à l’Ontario, où les éditeurs paient de sept à dix fois moins, selon les années !
La proportion des imprimés dans le bac de recyclage, estimée à 30%, est démesurée. Basée sur des estimations antérieures à 2005, cette proportion ne correspond pas à la réalité. Quiconque a fait l’examen des bacs ou sacs de recyclage sait que les bacs contiennent d’abord et avant tout des contenants et des emballages dans une proportion d’au moins 70 %, si ce n’est plus de 80 %.
Nous savons qu’une étude sérieuse est en cours concernant la caractérisation des types de produits, qui se trouvent réellement dans les bacs, et nous avons la conviction qu’elle rétablira la situation pour l’avenir, mais nous craignons que le ministère du Développement durable et de l’Environnement ne veule revenir en arrière quant à la rétroaction, bien que la contribution demandée, pour la période de janvier 2010 à décembre 2012, est de toute évidence excessive.
Notre industrie connaît déjà son lot de difficultés depuis quelques années, c’est donc un fardeau supplémentaire qui sera difficile, voire impossible à surmonter. Rappelons que, hormis certains périodi- ques culturels et de vulgarisation scientifique, le gouvernement québécois ne subventionne pas l’industrie du magazine, contrairement au gouvernement de l’Ontario ou au gouvernement fédéral par l’entremise du Fonds du Canada pour les périodiques (un programme dont Éditions Nitram n’ont plus droit comme nous pu-blions des magazines gratuits, qui sont exclus de ce programme). Par ailleurs, parce que le ministère n’a pas trouvé la façon d’évaluer leur poids réel dans les habitudes de consommation de magazines des Québécois, les éditeurs québécois doivent payer le recyclage de tous les magazines, y compris ceux produits hors Québec. Ça n’a strictement aucun sens. Nous questionnons également la différence de tarifs de contribution entre les catégories «journaux» et «magazines». L’industrie des magazines imprimés est tout aussi touchée par le ralentissement économique que les journaux et les hebdos. Ne pas considérer cette donnée dans l’équation qui permet de fixer le tarif de contribution met en péril la survie de plusieurs magazines. En effet, on demande cinq fois plus d’efforts à l’industrie des ma-gazines (une contribution de 9 M$ représente 2 % des revenus d’exploitation) qu’à l’industrie des journaux (une contribution de 3,8 M$ par an représente 0,4 % des revenus d’exploitation), une industrie pourtant deux fois moins importante.
Dans la présente campagne électorale, nous avons interpellé les quatre principaux partis politiques et leur avons demandé de se prononcer sur l’avenir de l’industrie du magazine au Québec (ce qu’ils n’ont pas encore fait, au moment de mettre le présent numéro de Fugues sous presse).
Est-ce normal qu’on demande une contribution rétroactive, qui se base en outre sur un calcul injuste du coût du recyclage? Si on nous force à contribuer de manière aussi disproportionnée au coût du recyclage, ne faudrait-il pas aussi mettre sur pied un programme venant en aide à l’industrie du magazine?
Nous espérons vivement que ceux et celles qui seront élus le 4 septembre, seront prêt(e)s à prendre les mesures nécessaires pour assurer rapidement le maintien et le développement de ce secteur névralgique de la culture, de la communication et de l’économie québécoise.