J’ose ou j’ose pas? Fin mars, début avril, c’est généralement le temps béni de l’année où je peux me permettre de parler du printemps, d’être plus légère dans mes propos et plus frivole dans mon babillage. Avec l’hiver sibérien qu’on a eu cette année et qui ne semble pas pressé de finir, je ne prendrai pas de chances, même si on est déjà rendu à l’heure d’été, je ne prétendrai pas que la Lamotte a vu son ombre et que ça annonce un changement de saison.
Tant mieux si au moment où vous lisez ces lignes il fait 20 degrés dehors et que vous êtes en train de danser la lambada en gougounes dans un carré de bouette au parc Lafontaine mais moi je ne parle pas de printemps avant le 1er mai! De toute façon, il y a des choses beaucoup plus importantes qui se brassent ces jours-ci que de s’inquiéter du temps qu’il fera.
Comme quoi? Ben voyons donc mes chéris, dites-moi pas que vous n’êtes pas passionnés par la cinquantième campagne électorale en 5 ans qu’on est en train de se taper! Wow, qu’est-ce qu’ils vont bien avoir à nous raconter de nouveau qu’on ne sait pas déjà sur leur programme qui change à chaque campagne pis qui finit par ressembler à de l’improvisation tout au long de leur mandat. Après on s’étonne qu’on soit désa-busé et que notre belle jeunesse soit allergique à la politique. Heureusement, il n’y a pas que la politique dans la vie, il y aussi le sport qui anime les passions. Parait que cette année le Canadien est en bonne position pour faire les séries. Je ne pourrais pas plus m’en contre-foutre que de savoir qu’il y a des pissenlits qui poussent sur la lune. Moi ce qui me fait virevolter comme un drapeau gai qui claque au vent au-dessus de l’Hôtel de Ville, c’est le retour du tennis et l’espoir de voir la belle Eugénie Bouchard battre tous les records et terminer la saison dans le top 10 des meilleures joueuses au monde. Ça c’est de la jeunesse qui m’inspire.
Mais comme je ne suis pas une férue de sport en général, en ce moment, ce qui occupe tout mon temps, mon esprit et mes nuits blanches à stresser sur mon avenir, ce sont mes prochains spectacles à Paris, à Bruxelles, au Cabaret Mado, au festival Juste pour Rire et surtout, mon premier One Mado Show présenté dans une salle près de chez vous cet automne. Ça fait que la température qu’il fait dehors c’est le moindre de mes soucis et les élections, le sport et tout le tralala qui alimentent les conversations sont au centième rang de mes préoccupations. Parce que, le sujet du jour qui devrait mobiliser toute notre attention, c’est bien évidemment, le trentième anniversaire de Fugues.
Déjà 30 ans que la bible des moumounes du Québec ne cesse de nous informer, nous divertir et nous cultiver. Et comme un anniversaire ne vient jamais seul, moi, votre toute dévouée reine du potin et du quotidien, je célèbre cette année mes 25 ans de collaboration au sein de ce sympathique magazine / revue / mensuel / guide / agenda / répertoire / lecture de toilette.
Depuis 30 ans, il en a coulé de l’eau sous le pont Champlain qui ne menaçait pas encore de s’effondrer à tous moments. Il y a 30 ans, les téléphones avaient encore un fil, les cellulaires avaient des antennes de 12 pouces, les téléviseurs pesaient 200 livres, les tables tournantes jouaient des disques en vinyle et les ordinateurs ressemblaient encore à des fours miro-ondes. Mais comment faisions-nous pour vivre? Je me le demande encore. Hey imaginez ça d’ici. Pour rencontrer quelqu’un, il fallait sortir de chez soi et engager une conversation avec un inconnu dans un bar, sur la rue, à l’épicerie, dans une soirée chez des amis, sans savoir à l’avance s’il était top ou bottom, s’il était en relation ouverte, s’il avait le torse poilu et la queue bien pendue! Mais dans quel monde vivions-nous, je vous le demande!
Aujourd’hui, Dieu merci, pas besoin de bouger son cul de sa chaise pour magasiner son homme et tout savoir de sa prochaine conquête sur Grindr, Scruff et tous les Gay411 de ce monde. Alléluia! Et comment avons-nous fait pour survivre sans être informés à la seconde des dernières catastrophes naturelles, des guerres, de la corruption, de la violence, de l’état de l’économie mondiale, du réchauffement planétaire, de la pollution, de la dégradation de la planète, de l’influence néfaste de la malbouffe sur nos vies, de la santé d’une star de cinéma, de la déchéance d’un politicien, du mariage d’une actrice de télé-réalité ou des dernières frasques de Justin Biber.
Mais on était donc ben ignorants il y a 30 ans! Assez ignorants il faut croire pour avoir voté pour Brian Mulroney, pour avoir bandé sur Céline qui chante Une Colombe devant le pape, pour avoir trippé sur Ghostbusters, pour avoir braillé notre vie devant la Guerre des Tuques, pour s’être régalé des crêpages de chignons entre Krystel et Alexis dans Dynasty, pour avoir attendu un été de temps anxieux à savoir qui avait tiré sur J.R. dans Dallas, pour avoir été accro à la Bonne Aventure ( le premier téléroman de Lise Payette), pour s’être pris d’affection presque maladive pour Boy George jusqu’à porter des tas de guenilles accrochées à nos ceintures pour imiter le nouveau gourou de la mode adolescente, pour s’être teint les cheveux de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel en hommage à Cindy Lauper, pour s’être couvert le corps de colliers de perles et de croix en argent comme Madonna dans Like a Virgin, pour s’être retrouvé avec 25 000 personnes toutes habillées en rose au spectacle Magie Rose de Diane Dufresne au Stade Olympique et pour avoir dansé comme des malades mentales sur les Rita Mitsouko, Niagara, Mylène Farmer et autres idoles de la pop française qui résonnaient à fond la caisse dans les speakers du Garage, club mythique de la vie gaie montréalaise des années 80.
Mais nos choix ne furent pas tous aussi farfelus comme le prouve notre engouement pour l’aérobie, le Club Med, le mini-putt, les cinéparcs, les quilles, le linge fluo, les camisoles en filet, les bas en dentelles roulés dans nos talons hauts, les glow sticks, les jeans acid wash, le gloss rose nanane, le noir en dessous des yeux, les frisettes de Farrah Fawcett, les tresses de Bo Derek, les cheveux gaufrés de Johanne Blouin, les Pink Ladies, le Pina Colada, le Shirley Temple ( Dieu ait son âme ), le Martini Rossi, le Nectar Denis, le Kik Cola, la brosse à dents Snoopy, les bandes dessinées d’Archie, les magazines Madame au Foyer et Sélection du Readers Digest, la musique de Scorpions, de Motley Crue, de Van Halen, les cigarettes ultra longues et ultra minces, la gomme au centre-liquide, les Cracker Jack, les chips au ketchup, les crottes de fromage, les pizza pockets, les condoms aux fraises, le butt plug, les boules chinoises et le popper !
Finalement, quand j’y pense, on avait ben du goût dans ce temps-là! C’était la vraie libération de la poupoune et la révolution de la folle à moustache. J’étudiais en théâtre, je sortais tous les soirs avec ma sœur Nicole, on dansait le Continental sur de la musique arabe et on faisait le petit train sur du Barry Manilow au Poodle, le bar où j’ai donné mon premier show, je chantais Dalida, Abba et Michèle Richard, je m’habillais au Village Valeur, je trippais sur les Charlie’s Angels et je fantasmais sur les policiers de Chips. Maudit qu’on était ben avant l’invention de la télé HD. Mais comment je fais pour vivre aujourd’hui sans tout ça? 30 ans plus tard, j’ai appris à vivre avec mon temps sans être trop nostalgique du passé, mais en gardant de beaux souvenirs de mes débuts dans le grand cirque de la vie. C’est-tu pas assez beau mes enfants? Je ne sais pas si je partagerai mes souvenirs d’aujourd’hui avec de nouveaux lecteurs dans 20 ans, mais, une chose est sûre, Fugues sera là pour fêter ses 50 ans avec le Québec au grand complet. Mon cher Fugues c’est à ton tour…
Le vrai printemps c’est à Paris qu’il se trouve : parce que je suis en spectacle au Tango les 8-9-10 avril. Et pour mes amis de Bruxelles : on se retrouve Chez Maman le vendredi 11 avril pour une autre soirée de débauche comme seuls les Belges savent la faire