Dans le cadre de l’événement ProFierté Québec de Fierté au travail Canada, quatre personnes de Québec, dont un couple, se sont ouvertes avec franchise sur leur relation amoureuse particulière, à l’occasion d’une conférence sur le sujet.
LA PANSEXUALITÉ D’ALEXANDRE ET DE ROXANNE
Âgé de 31 ans, Alexandre Bédard effectue une transition de genre depuis environ un an. «Je me considère comme un homme», a précisé cet étudiant en électronique industrielle. Depuis deux ans, il vit un amour de type pansexuel avec Roxanne Orsini (une personne pansexuelle est attirée sexuellement ou émotionnellement par une autre personne, quels que soient son sexe ou son identité de genre*). «Au début de notre relation, il m’avait dit qu’il était en questionnement sur son identité de genre. Je lui avais alors répondu que nous traverserions le pont lorsque nous serions rendus à la rivière.» Après environ un an en couple, Alexandre a décidé d’amorcer sa transition de sexe. Roxanne admet avoir vécu une «grosse» période de remise en question. «Je me suis demandé si j’étais capable d’imaginer ma vie avec un homme sachant que j’avais débuté ma relation avec une femme. Finalement, je me suis rendu compte que notre relation allait bien au-delà de son apparence et de son genre. Nous avons une réelle connexion entre nous.»
«Roxanne a été extraordinaire, a souligné Alexandre. Elle ne m’a jamais forcé à lui dire comment je me sentais. Nous avons vécu un beau cheminement à deux, parce qu’elle m’a permis d’être bien dans notre couple avant que je décide d’être bien avec moi-même. En raison de la prise de testostérone, nous avons vécu ensemble différents changements physiques et psychologiques, par exemple ma voix rauque et ma moins grande émotivité. Ce qui a été le plus dur pour moi, c’est d’imposer à ma famille et à Roxanne des changements dans leur vie.» Roxanne a dû révéler à son entourage la transition de sexe d’Alexandre. Par contre, elle respecte son choix de ne pas la dévoiler à des inconnus qui ne la remarquent pas. «Les gens connaissaient ma relation de couple avec ma blonde.
J’ai dû leur expliquer que j’étais en couple avec la même personne, mais que nous étions dans des cheminements différents. Notre relation s’est juste améliorée. Nous sommes vraiment plus forts que nous étions.»
LA NON BINARITÉ DE MYKAELL
Fin vingtaine, Mykaell Blais se considère depuis environ un an comme une personne trans non binaire (personne dont l’identité de genre se situe hors de la classification binaire homme/femme*). En couple depuis quatre ans, iel (pronom inclusif) est fiancé.e avec Marie-Pierre. Au début de leur relation, alors qu’iel était en questionnement sur son identité de genre, iel lui avait donné certains indices, par exemple qu’iel n’était pas à l’aise avec sa poitrine. C’est en rencontrant d’autres personnes non binaires à l’occasion de son travail au GRIS-Québec qu’iel a fait un lien avec ce qu’iel vivait.
Sa conjointe s’est questionnée sur sa nouvelle réalité de couple. «Je ne suis plus lesbienne alors? Est-ce que je vais perdre tout ce qu’il y a de féminin chez toi? », ellui a-t-elle demandé. «Lorsqu’elle parle de moi, elle a accès à toute ma féminité et elle peut utiliser le pronom elle, a-t-iel précisé.
Elle a vécu beaucoup de pression du monde autour d’elle qui lui demandait si j’étais en transition pour devenir un homme. Par conséquent, il y a eu des hauts et des bas dans notre relation. Elle a dû vivre certains changements comme mon nom et le poil sur mes jambes. Je peux me considérer chanceux qu’elle soit encore là. Ce qui est important dans notre couple, c’est la communication et le respect mutuel. Il faut faire abstraction de ce que les gens pensent.»
L’AMOUR LIBRE D’ALEXANDRE
Jeune entrepreneur dans le domaine du jeu vidéo, Alexandre Fiset vit comme un «amoureux libre» depuis environ sept ans. Il préfère utiliser ce vocable plutôt que celui de polyamoureux (personne qui entretient plusieurs relations amoureuses à la fois avec le consentement des personnes concernées*). Homme hétérosexuel, sa nouvelle façon d’aborder ses relations amoureuses a commencé après la fin difficile d’une relation de couple exclusive de deux ans avec une femme. «Pendant au moins six mois, il y a eu une trahison [une infidélité]. Je l’ai vraiment mal vécue.
Nous nous sommes éventuellement revus. Je me suis alors dit que jamais plus je ne revivrais ce négativisme relationnel.» Sa vision des relations amoureuses amène toutefois un lot de questions de son entourage et des gens qu’ils rencontrent pour la première fois. Par conséquent, il doit leur expliquer ce qu’il entend par «amour libre». «Mes amis sont en couple traditionnel, judéo-chrétien. Certaines personnes pensent que quelqu’un m’a blessé, ce qui m’a traumatisé. Des hommes hétérosexuels me disent que je veux avoir plein de relations sexuelles. Pourtant, depuis je suis un amoureux libre, j’ai plus de femmes comme amies. Des gens pensent aussi que je suis un Tinderboy qui cherche tous les jours des rencontres.
Pourtant, je fréquente souvent les mêmes femmes, sur des années.» Très tôt dans une relation, il met donc cartes sur table «Je dis à une nouvelle personne que je rencontre que je ne peux pas lui promettre que je n’embrasserais pas d’autres personnes. Je pense que j’ai libéré mon amour. Si une personne ne comprend pas ma façon de vivre, ce n’est pas grave, mais nous allons arrêter notre relation.» À son avis, un coming-out sur le type de relation amoureuse qu’entretiennent des personnes entre elles ne devrait pas exister. «Dans le meilleur des mondes, les gens qui se croisent dans la vie devraient s’accepter comme ils sont et vivre comme ils le pensent, sans qu’on leur assigne une étiquette.»
* Office québécois de la langue française, Le grand dictionnaire terminologique.