Comment se transmet la variole du singe ? Y a-t-il des symptômes spécifiques à la flambée en cours ? Après plusieurs mois d’épidémie, on commence à en savoir plus, avec une confirmation : les contaminations actuelles sont surtout liées à des rapports sexuels.
Un peu plus de trois mois après le début de l’épidémie, plus de 35 000 cas sont confirmés dans le monde et quelques premiers décès commencent à être signalés. Dans ce contexte, il est essentiel de mieux connaitre la maladie pour mieux la combattre.
Au Canada, il y a un peu plus de 1000 cas en date du 13 aout 2022. Le Québec est la deuxième province de tout le pays à enregistrer le plus de cas, derrière l’Ontario (511 en date du 12 aout).
Cela dit, si Montréal a d’abord été l’épicentre en Amérique du Nord, le taux de progression y est moins rapide actuellement que dans d’autres grands centres urbains, sans crier victoire prématurément, ce qui fait dire à certains que la vaccination fonctionne et qu’il est important de se faire vacciner.
La variole du singe est connue depuis plusieurs décennies dans une dizaine de pays africains, mais l’épidémie actuelle en Amérique du Nord et en Europe présente de nombreuses particularités, dont la première est le profil des personnes atteintes. Il s’agit principalement d’hommes adultes et entretenant des rapports homosexuels, par contraste avec ce qui était observé en Afrique, où la maladie frappe principalement — mais pas uniquement — les enfants.
Bien qu’il ne s’agisse que de travaux préliminaires et réalisés à partir de quelques centaines de cas, trois études publiées récemment dans les principales revues médicales de référence — le British Medical Journal (BMJ), le Lancet et le New England Journal of Medicine (NEJM) — dressent un tableau clinique de l’épidémie actuelle. Elles confirment que la maladie touche principalement les hommes ayant des relations homosexuelles. Dans chaque étude, ceux-ci représentent presque la totalité des patients.
Quels sont les modes de transmission ?
La prédominance de ce profil n’est pas une surprise puisque, largement documenté par de premières observations, a largement orienté la stratégie des autorités sanitaires, entre autres au Québec.
Mais ces études mènent surtout à une autre question : comme le point commun des patients actuellement est leur activité sexuelle, la maladie se transmet-elle par l’activité sexuelle ?
Le sujet est sensible, car certains spécialistes de santé publique et de la prévention craignent (avec raison) de stigmatiser les personnes homosexuelles en ciblant leurs rapports sexuels.
Mais les récentes études sont claires : « Notre travail appuie l’idée qu’un contact corporel pendant l’activité sexuelle constitue le mécanisme dominant de transmission de la variole du singe » dans l’épidémie actuelle, résume l’étude du Lancet, réalisée dans plusieurs hôpitaux espagnols. Cette conclusion se base notamment sur le fait que la charge virale était bien plus élevée dans les lésions cutanées des patients que dans leur appareil respiratoire.
L’observation semble donc battre en brèche l’idée, avancée par certains chercheurs à l’apparition de cette maladie, que la transmission par voie aérienne jouerait également un rôle important dans les contaminations.
Cela ne signifie pas pour autant que la maladie se transmet par le sperme. L’hypothèse n’est pas exclue, mais les recherches actuelles sont loin de la prouver.
Symptômes et gravité de la maladie
Les trois études confirment aussi que l’épidémie actuelle se distingue par ses symptômes. Ils « diffèrent de ceux observés chez les populations affectées par les précédentes épidémies » en Afrique, résume ainsi l’étude du BMJ, dont les observations ont été faites au Royaume-Uni.
Deux éléments centraux de la maladie restent largement présents : un accès de fièvre, parfois accompagné de douleurs musculaires, et des lésions sur le corps, qui se transforment ensuite en croutes. Mais les détails varient et la question est sûrement liée à celle de la transmission, car chez les patients récents certaines manifestations physiques apparaissent associées à une contamination lors d’un rapport sexuel.
Dans chaque étude, les lésions sont souvent concentrées sur l’anus, le pénis et la bouche. À cela s’ajoutent des complications très peu observées jusqu’alors : une inflammation du rectum ou un œdème (inflammation ou enflure douloureuse) du pénis.
Qu’en est-il de la gravité de la maladie ? Près de 40 % des cas ont fait l’objet de complications, selon l’étude du Lancet, et un cinquième ont été hospitalisés selon celle du NEJM. Toutefois, chez ces derniers, « aucune complication grave n’a été recensée », tempère ce dernier travail, évoquant des données « rassurantes ».
Si au Canada on ne recense encore aucun mort à la suite de cette maladie, au Brésil et en Espagne il y a eu quelques décès chez des personnes qui avaient un système immunitaire affaibli.
Quelles sont les incertitudes concernant la variole simienne ?
Même si ces travaux permettent de mieux connaitre la maladie, de nombreuses questions restent sans réponse.
C’est notamment le cas de l’efficacité des vaccins. L’étude du Lancet montre qu’une part non négligeable (18 %) des malades avaient reçu un vaccin anti-variole il y a plusieurs décennies, censé protéger contre la variole du singe. Toutefois le délai entre la vaccination, qui date généralement de plusieurs décennies, et la maladie peut expliquer cette moindre protection.
Reste à savoir si l’on court plus de risque quand on est atteint d’une autre maladie. Ainsi, parmi les patients observés dans le cadre de l’étude publiée dans le Lancet, un nombre non négligeable (40 %) étaient aussi infectés par le VIH. Cela dit, à ce moment-ci, il est impossible de savoir s’il existe un lien direct ou s’il s’agit d’une simple corrélation.