House of brutes : un nouveau Gengoroh Tagame en français

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La traduction des ouvrages de Gengoroh Tagame, que ce soit en anglais ou en français, constitue toujours un événement et les titres deviennent rapidement des pièces de collection puisqu’ils demeurent rarement disponibles très longtemps. La publication de la trilogie House of brutes, qui pour une raison mystérieuse conserve ici un titre anglais, ne peut donc que soulever une certaine frénésie.

Reconnu pour le sadomasochisme extrêmement appuyé de ses illustrations, avec une récurrence de scènes de viols dans des contextes militaires ou policiers, ce qui distingue l’œuvre de Tagame tient en ce que cette représentation graphique n’est bien souvent qu’une transposition des tourments qui agitent l’âme de ses protagonistes ou des déchirements et souffrances d’une époque. C’est notamment le cas de nombre de récits se déroulant dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale.

Au-delà de cette mise en contexte qui permet de mieux décoder son œuvre, il n’en demeure pas moins que sa production est destinée à un public averti. En ce sens, nulle surprise que le magazine d’art 023C ait décrété que « le travail de Tom of Finland ressemble à du Disney à côté [des] illustrations » de Tagame.

House of brutes #01 | Archambault

La BD s’amorce au crépuscule de la Seconde Guerre mondiale. Le Japon est défait et Torazou porte par association le poids d’un déshonneur collectif. Il ne peut donc croire en sa chance lorsque le puissant clan Hirokawa le désigne pour épouser la jeune héritière, Miss Hagino. D’origine modeste, il s’agit d’une ascension sociale inespérée qui lui permettra d’assurer le bien de sa famille, tout en lui offrant un statut enviable.

Il se lie cependant à bien plus qu’une jeune fille, mais aussi à une famille complètement brisée et désaxée, qui cache de terribles secrets et pour laquelle il ne constitue bientôt qu’un jouet sexuel, plus particulièrement entre les mains de son beau-père qui ne souhaite qu’une chose : le briser. Pis encore ! L’amener à désirer les multiples avilissements qui lui sont prodigués. 

Une tension psychologique intense s’inscrit en filigrane de chacune des interactions de Torazou avec sa belle-famille/ses tortionnaires. À l’instar des soldats défaits, il se voit réduit à être moins que la lie de la terre et, à son grand désarroi, il réalise qu’il prend gout à ce statut qui révèle progressivement sa véritable nature.

Malgré plusieurs scènes extrêmement dures, la trilogie n’en demeure pas moins une incursion à la fois fascinante et dérangeante, tant par ses qualités graphiques que pour son incursion dans la psyché du Japon de l’après-guerre.

Les deux premiers tomes sont déjà disponibles et le troisième est prévu pour novembre 2022.

House of brutes / Gengoroh Tagame. Paris : Dynamite, 2022, 3 volumes, 262 p., 259 p., 260 p.

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