Les sujets ne manquent pas en cette rentrée, d’autant plus que l’été nous a apporté son lot d’événements pour susciter aussi des polémiques et des controverses en tout genre. Que ce soit la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, ou encore cette injonction de la part d’un groupe trans d’exiger que Fierté Montréal prenne position pour la défense des Palestinien.ne.s.
On pourrait aussi noter le nombre d’artistes ayant un lien avec les communautés LGBTQ2S+ et qui sont aujourd’hui la cible de cyberharcèlement au point de faire appel à la justice, rappelant que toutes les formes d’homophobie, de transphobie, de racisme, de propos anti-femmes, de grossophobie constituent des actes criminels et répréhensibles. Thomas Jolly, le concepteur des cérémonies des JO, a décidé de porter plainte, tout comme Barbara Butch, l’artiste féministe et lesbienne qui apparaît dans le tableau Festivités conçu par Philippe Katerine. Un cyberharcèlement dont sont victimes de plus en plus de nombreuses personnalités publiques de tout poil (ou sans poil) en raison de leur genre, de leur orientation sexuelle ou de leur origine. Plus près de nous, la chanteuse Safia Nolin a subi cette violence souvent anonyme qui, au nom de la liberté d’expression, se répand sur les réseaux sociaux. Avec sa grande amie, Debbie Lynch White, et le metteur en scène Philippe Cyr, Safia Nolin reprend sur la scène du Prospéro le spectacle Surveillée et punie, présenté lors du dernier FTA et qui sans détour nous jette en pleine figure ce que c’est que de vivre avec la violence des réseaux sociaux.
Le cyberharcèlement touche aussi les jeunes dont les différences ne sont pas du goût de leurs pair.e.s ou en fait de leur entourage immédiat dans les écoles, les collèges et parfois les centres sportifs. On pourrait penser à un épiphénomène si cette tendance ne s’inscrivait pas également dans un discours plus large qui se répand contre les personnes 2SLGBTQ+ ces dernières années. Et cela provient aussi bien de groupes conservateurs et religieux dont on voit les conséquences quand ils arrivent au pouvoir dans certains pays, multipliant les lois et les décrets pour condamner — le mot est faible — la présence et l’expression de la diversité. Les détracteurs, religieux, conservateurs ou simplement angoissés de perdre leurs pouvoirs et leurs privilèges, des hommes hétérosexuels en très grande majorité, ne supportent pas que l’espace public soit partagé ni que la parole de celles et ceux qu’ils ont toujours relégués dans la marge, dans l’invisibilité, dans le silence soit entendue. Ils se fondent toujours sur le même argument selon lequel ces différences ne devraient s’exprimer que dans le domaine du privé, voire de la chambre à coucher. C’est dans la même logique du privé que les femmes en Afghanistan, par exemple, sont exclues de la sphère publique jusqu’à être interdite de suivre des études.
Pour tous les détracteurs, ce qui relève du privé a tout à voir avec la prison. Une femme ronde ne doit pas s’exhiber sur une scène et, surtout, doit cacher ses rondeurs pour ne pas offenser la gente masculine hétéro qui se réserve le droit de statuer sur ce qui est montrable pour une femme. Leur tolérance est beaucoup plus grande quand il s’agit d’une femme mince et jeune. Ce serait selon eux de bon goût. Alors, on se permet tout et n’importe quoi pour cracher son venin, comme cet animateur d’une radio-poubelle de Québec s’insurgeant contre la cérémonie des JO et traitant plusieurs fois au cours de son émission l’artiste Barbara Butch de « gr….pouf… » Plus triste et inquiétant, sur la page de l’animateur, de voir le nombre de ses auditeurs et auditrices en rajouter dans les insultes. La dignité humaine est à géométrie variable pour ces détracteurs qui ne cessent de rappeler à quel point le wokisme fait des ravages et prépare la fin du monde. Quel programme ! À ce que je sache, les défis actuels de nos sociétés, les guerres entre autres qui émaillent notre quotidien, qui entraînent des milliers de morts, des femmes, des enfants, des vieillards et de jeunes hommes sous l’uniforme, ne sont pas le fait des wokes. Ces guerres meurtrières sont le fait d’hommes généralement hétérosexuels.
Il n’y a pas, dans l’histoire récente, de guerres, de génocides, de pogroms, d’attentats de masse, de prises d’otages qui sont le fait des communautés 2SLGBGTQ+. Ce sont, dans de nombreux pays, des personnes trans qui sont victimes d’exactions ou, dans d’autres pays, des femmes qui sont obligées de se plier aux diktats des hommes ou encore, plus près de nous, des gais qui sont piégés sur des sites de rencontre et qui se font tabasser, comme c’est encore arrivé à Sherbrooke au tout début du mois d’août. Nous ne nous battons pas avec les mêmes armes. J’ai souvent dit que nous n’avions que des paillettes et des talons hauts pour nous défendre. En fait, nous avons la joie, la fête, le partage, comme l’a été l’édition de Fierté Montréal cette année.
Notre résistance passe par cette fabuleuse capacité à nous rendre visibles, mais sous le signe de la réjouissance et de l’ouverture à l’autre et, quoiqu’en disent les détracteurs — je pense à des chroniqueurs de quotidiens d’ici — à ne pas se soucier de l’orientation sexuelle comme du genre, ou des formes ou des couleurs. Les hétérosexuels mâles blancs sont les bienvenus, à condition qu’ils laissent tomber pour une fois leur prétendue supériorité et qu’ils soient dans l’écoute et l’accueil de l’autre. Et généralement, cela leur fait le plus grand bien.
Malheureusement, la joie d’être ensemble n’est pas encore un programme politique qui trouve écho dans le monde, que ce soit à Moscou, à Téhéran, à Tel-Aviv, à Washington et même chez nous. Au bruit des talons hauts, on préfère celui des bottes militaires. Et c’est bien dommage.
Des événements comme Fierté Montréal, et tous ceux du même genre dans de nombreuses villes à travers le monde, sont là pour rappeler que l’espace public est aussi le nôtre, que nos voix sont tout aussi importantes que n’importe quelles autres voix et que nous sommes dorénavant là pour rester et continuer dans la joie.
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