Mercredi, 26 mars 2025
• • •
    Publicité

    Corps Ouverts au Prospero : Apprivoiser l’intrus

    Dans la salle intimiste du Prospero, partager l’expérience et les réflexions du jeune femme greffée du foie, Coralie Lemieux-Sabourin qui signe sa première pièce et première mise en scène en collaboration avec Mélodie Noël Rousseau Corps Ouverts. Coralie Lemieux-Sabourin vit depuis quinze ans avec un intrus, un foie, qui lui a sauvé la vie mais qui l’a amenée à s’intéresser à réfléchir sur notre relation avec le corps médical (parfois très intrusif), avec la maladie et avec la mort. Un témoignage qui mêle le théâtre documentaire au récit autobiographique dans un savoureux mélange d’humour, de sérieux et bien sûr d’émotions.

    D’autant que Coralie Lemieux-Sabourin n’a que 22 ans lorsqu’on lui annonce après une kyrielle d’examens plus intrusifs les uns que les autres qu’il n’y a pas d’autres solutions si elle veut continuer à vivre que d’opérer une greffe de foie. « À part quelques douleurs qui m’avaient amenée à consulter, j’allais plutôt bien, tient à rappeler Coralie, et je me suis retrouvée prise dans je ne sais combien de laparoscopies avec anesthésie générale, et des médecins qui ne comprenaient pas pourquoi j’avais des masses sur le foie, et excluant selon leurs conclusions, un cancer ». De nombreuses situations parfois difficiles, d’autres cocasses vont jalonner son entrée dans le monde médical avec les questions existentielles qui la hantaient pendant la durée de ce voyage entre les mains du monde médical. « Comme je suis de nature angoissée, je me suis plongée dans la lecture d’ouvrages d’anthropologues entre autres qui racontaient l’histoire de la médecine, en fait depuis Descartes, pour me rendre compte que si les progrès existaient, la conception du corps que l’on pouvait réparer comme une machine n’avait pas changé, continue la dramaturge, et que l’on ne prenait pas en compte l’humain.e dans sa globalité face à la maladie. Je me rappelle que lors des consultations, on m’appelait parfois par mon numéro de dossier, même plus de nom ».

    Attention, Coralie ne souhaite pas en découdre avec le système de santé ou encore avec les professionnel.le.s. Seulement à partir de son expérience, nous amène à réfléchir sur les limites, les contradictions et parfois les incohérences que l’on peut constater dès qu’on devient un « malade ». « La réalité dépasse la fiction, rappelle-t-elle, quand je parle de ce que j’ai vécu, quelque chose entre le théâtre de l’absurde et le Grand-Guignol, et que je raconte avec humour ».

    Reste aussi l’autre grand défi, apprendre, apprivoiser et vivre avec un intrus dans le corps, un organe provenant d’une personne décédée. « On ne peut l’oublier, confie-t-elle, puisque qu’il nous permet de vivre mais en même temps nous détruit puisque l’on doit prendre à vie des anti-rejets, et quelle est la relation que l’on entretient à cet organe qui vient d’ailleurs ». Pour des raisons de confidentialité, Coralie ne sait rien du donneur, si ce n’est ce que lui a confié Transplant Québec. Il s’agirait d’un homme de 51 au moment de son décès. Cet homme que Coralie a décidé d’appeler Marcel revivra sur scène sublimé par l’imagination de l’autrice. « Cette information, d’autant plus que j’avais un rapport très complexe avec les hommes de cet âge ». Là encore, aucun apitoiement, bien au contraire, mais l’idée de reconstruire par l’imagination l’histoire de ce Marcel et d’entrer en dialogue avec lui ».

    Geneviève Labelle et Coralie Lemieux-Sabourin photo Prospero

    Même si elle fait une courte présentation sur scène, Coralie cède la place à Geneviève Labelle qui sera la Cora de Corps Ouverts. « Lors de la présentation de mon mémoire-création en théâtre à l’UQAM, j’avais moi-même joué Cora, trois soirs de suite, mais je trouvais cela trop éprouvant, trop intense pour que je puisse penser la jouer devant public une quinzaine de soirs », ajoute Coralie. Et quand le directeur artistique du théâtre Prospero, Philippe Cyr, lui demande à qui elle pense pour monter Corps Ouverts, le choix s’est imposé de lui-même, demander à Mélodie Noël Rousseau et Geneviève Labelle de Pleurer Dans’Douche de s’associer à l’aventure. « J’avais vu Ciseaux, une pièce qui m’a profondément touchée parce que l’on parlait vraiment de lesbiennes, de notre histoire continue Coralie, et je les ai donc contactées, et tout a commencé autour d’un café avec Mélodie ».

    La petite salle du Prospero permet une rencontre très proche avec le public et les mots de Coralie Lemieux-Sabourin nous invitent à écouter une histoire, à nous intéresser à la médecine, mais peut-être encore plus, à repenser notre relation à la vie, à la maladie, à notre finitude. Le corps peut être considéré comme une machine et le réparer pour qu’il survive le plus longtemps possible, il n’en reste pas moins qu’il a une date d’expiration.

    INFOS | Corps Ouverts, au théâtre Prospero, du 25 février au 15 mars 2025

    Texte, idéation et mise en scène : Coralie Lemieux-Sabourin

    Collaboration à la mise en scène : Mélodie Noël Rousseau

    Avec Sébastien Gauthier, Geneviève Labelle, Amélie Prévost

    theatreprospero.com

    Abonnez-vous à notre INFOLETTRE!

    Du même auteur

    SUR LE MÊME SUJET

    LEAVE A REPLY

    Please enter your comment!
    Please enter your name here

    Publicité

    Actualités

    Les plus consultés cette semaine

    Publicité