Quand Marie Houzeau étudiait à l’université, dans sa Belgique natale, elle se préparait pour une carrière en enseignement. Des décennies plus tard, elle aime toujours rencontrer des élèves — dans sa capacité d’intervenante et de directrice générale de GRIS-Montréal.
Mme Houzeau a enseigné le français en Slovaquie, puis elle a travaillé brièvement à Toronto avant de s’établir au Québec en 1999. Elle a eu une rencontre fortuite avec un comptable qui siégeait sur le CA du tout jeune GRIS. Motivée par l’idée de retourner dans les salles de classe, elle s’est alors impliquée au sein de l’organisme, d’abord à titre de bénévole et, deux ans plus tard, comme directrice générale. Elle a récemment marqué le 30e anniversaire de l’organisme et ses 20 ans à la direction.
Le noyau du travail du GRIS, c’est de démystifier l’homosexualité et la transidentité à travers les témoignages d’intervenant.e.s bénévoles, qui se rendent dans des salles de classe, principalement dans les écoles secondaires, pour parler de leur vécu et répondre aux questions — parfois assez déstabilisantes — des élèves. Dans le cadre de sa formation, Marie a observé un témoignage dans une école pour jeunes adultes raccrocheurs. « Je me suis dit : je n’arriverai jamais à être aussi à l’aise que [l’intervenant] ! » Pourtant, dès sa première intervention, elle y a pris goût.
Les intervenantes et intervenants font une brève présentation biographique dans la salle de classe et laissent ensuite libre cours à la curiosité des élèves qui interviennent pour poser des questions. « Je leur raconte mon parcours, un peu comme j’ai fait ici — que je suis Belge d’origine, venue au Québec par amour, puis que [mon ex et moi avons] vécu huit, neuf ans ensemble », relate Marie Houzeau en entrevue. « Je leur dis que je suis en relation avec Camille depuis six ans, qu’on vit en alternance avec son fils… Je leur raconte aussi que le GRIS, c’est l’endroit où je fais mon bénévolat, mais c’est aussi l’endroit où je travaille, parce qu’on leur donne un peu des indications sur notre parcours professionnel. Je leur parle du fait que j’avais 19 ans quand j’ai révélé à mes parents que j’étais lesbienne… Je leur parle de mes hobbies qui sont la voile et la lecture quand j’ai le temps. Puis je n’en dis pas plus. Comme ça. Ils posent des questions après. » Pour elle, raconter « des parcours de vie ordinaires » permet aux élèves de mettre des visages humains sur des réalités dont ils entendent parler en ligne ou en famille et de créer de l’empathie.
« Ce qui est intéressant avec le GRIS, c’est que c’est vraiment universel, dans le sens où chaque vécu est valide. On raconte notre histoire, on répond aux questions des jeunes en fonction de notre parcours de vie. On n’a pas l’impression d’essayer de les convaincre de quelque chose — juste d’instaurer un dialogue », dit-elle. « Des fois, c’est un peu effrayant… mais je pense que cette authenticité résonne beaucoup avec les adolescents. »
En janvier, le GRIS a présenté une étude qui faisait état du fait que les jeunes Québécois deviennent moins tolérants à la diversité sexuelle, pour la première fois depuis que des données du genre sont colligées. « Entre 2017 et 2024, le niveau de malaise des jeunes face à l’homosexualité de leur meilleur ami ou meilleure amie a doublé », résume Gabrielle Richard, directrice de recherche du GRIS-Montréal à l’époque.
Marie Houzeau voit cette évolution sur le terrain, notamment à travers de plus en plus de questions « chargées » ou influencées par des rumeurs sur les réseaux sociaux. « Plutôt que de nous poser des questions par rapport à notre parcours de vie, [les élèves] vont nous dire : qu’est-ce que vous pensez des femmes trans dans le sport ? À une certaine époque, on avait énormément de questions sur les furries et la litière dans les écoles. » Dans les questionnaires anonymes remplis par les élèves, elle voit davantage de discours masculiniste, transphobe ou homophobe qu’auparavant.
Elle pointe du doigt les réseaux sociaux et l’influence de certains courants politiques, qui migrent de l’extrême droite jusqu’au mainstream. « Ça m’inquiète qu’on soit encore à une époque où on se fait du capital politique sur le dos des minorités. Je trouve ça vraiment déplorable. Il y a un recul, un inconfort par rapport aux réalités qui touchent nos
communautés. Mon souhait pour les 10 prochaines années, c’est que collectivement, on prenne conscience de ça et que les mesures se prennent pour outiller nos jeunes à vivre dans une forme de compréhension de l’autre. »
Elle demeure motivée par les témoignages qu’elle entend, souvent des anciens élèves. Il y a cet élève pour qui une présentation a servi d’« aspirateur à homophobie » dans sa classe, cet étudiant en psychiatrie pour qui une intervention du GRIS a « redonné l’espoir que c’était possible de vivre une vie gaie et heureuse », ces nouveaux bénévoles « qui disent, “Moi, j’ai eu la visite du GRIS il y a 5 ans, 10 ans, ça a changé mon parcours. J’ai envie de redonner.” Ça, c’est une source inépuisable de motivation. »
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