Mardi, 14 octobre 2025
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    Olivia Baker change des mentalités une formation à la fois

    Française d’origine, élevée à Marseille dans une famille biculturelle franco-britannique, Olivia Baker est arrivée à Montréal en 2012 pour étudier. C’est l’amour quasi instantané. « Je suis venue en me disant : je vais faire mes études, puis on verra ce que ça donne. Puis après un mois ici, j’étais comme, OK, je reste. C’est chez moi, ici. »

    Début 2018, alors qu’elle venait tout juste de terminer sa maîtrise, elle a vu un appel aux candidatures de la Fondation Émergence et a eu un déclic similaire : c’était la place pour elle. Elle a collaboré avec Égale Canada et un cabinet d’auditeurs pour créer un audit détaillé des pratiques en matière d’inclusion des personnes LGBT en milieu de travail au gouvernement fédéral ; l’audit faisait suite au recours collectif intenté par des centaines de vétérans des forces armées, de la police et de la fonction publique emportés par la Purge LGBT — mis à pied pour leur sexualité ou leur identité de genre — entre 1955 et 1996. Elle a ainsi beaucoup appris sur l’histoire de la reconnaissance des droits des personnes LGBTQ+ au Canada et a découvert les lacunes qui existent, même dans les milieux de travail apparemment bienveillants.

    Avec un collègue, Julien Rougerie, elle élargit depuis l’offre des formations offertes aux employés des petites et grandes entreprises, des sociétés de la couronne et des agences gouvernementales. Les formations sur mesure visent à déboulonner des mythes et à aider les employeurs pour qu’ils puissent offrir un encadrement lorsqu’un employé trans commence à assumer sa nouvelle identité au travail. Dès ses débuts, le programme a été « un peu victime de son succès », relate Olivia Baker. Des entreprises — dont certains des plus grands employeurs du Québec — se bousculaient à la porte. « La première année, j’avais fait 20 formations, la deuxième, j’en ai fait 60, la troisième, 80, la quatrième, 100. Ensuite, c’est monté à 137. Depuis, je suis dans ces eaux-là, un peu plus d’une centaine par an. » Pour elle, la lutte contre l’homophobie et la transphobie dans la société passe par la formation en milieu de travail. « Comment est-ce qu’on rejoint le grand public ? En allant là où il est — et beaucoup de gens travaillent », poursuit Olivia Baker. « Généralement, pour les adultes en emploi, presque un tiers de leur journée sera passée au travail. Le travail prend une grosse, grosse partie de notre vie. »

    Certains travailleurs et travailleuses LGBTQ+, qui craignent que leur sortie du placard soit mal reçue ou qui ont des proches LGBTQ+, passent donc 40 h par semaine, pendant des années, à cacher une partie importante d’eux-mêmes ou d’elles-mêmes. « C’est une énorme charge mentale », observe Olivia Baker. « Le seul moyen de rendre le fait d’être LGBTQ+ en milieu de travail correct, c’est d’avoir des milieux de travail plus inclusifs. » Comme plusieurs intervenant.e.s dans le milieu, elle constate un certain recul de l’ouverture envers les personnes LGBTQ+ et une influence croissante de la désinformation. « Des fois, des gens me disent : “On n’a plus le droit de s’identifier comme femme !” “Ils” veulent enlever les mentions de genre et mettre un X pour tout le monde ! » Quand on leur explique que rajouter une option pour des gens qui s’identifient autrement ne leur enlève rien, les gens comprennent… mais on voit passer tellement d’informations, et est-ce qu’on peut vraiment s’attendre à ce que tout le monde vérifie tout ? Si tu penses qu’on est en train d’apprendre à ton enfant de 3 ans à devenir trans, puis qu’on va lui donner des prescriptions d’hormones, puis de la chirurgie à 5 ans, c’est clair que ça peut créer des inquiétudes, mais c’est juste pas vrai. »

    « Je pense que, malheureusement, en ce moment, le doigt est pointé particulièrement vers les personnes trans », poursuit-elle. « Il y a toutes sortes de fausses nouvelles qui circulent pour que les gens en aient peur et les prennent comme des ennemis, alors que ce sont simplement des personnes qui veulent des droits comme les autres. » Elle tient à inclure des perspectives et des témoignages des personnes trans dans ses formations. Elle reçoit régulièrement des commentaires des participant.e.s qui disent que les données et les témoignages partagés les ont fait réfléchir.

    « La semaine dernière, après une formation, quelqu’un […] est venu me dire : “C’est vraiment important le travail que vous faites parce que, moi, avant, j’étais homophobe. J’ai grandi dans un cadre où ce n’était juste pas accepté ; j’ai grandi en pensant que d’être LGBT, c’était un problème de santé mentale”. C’est ce genre de [formations] qui aide à déconstruire ça. » Au cours des prochaines années, celle qui est maintenant formatrice et spécialiste de contenu à la Fondation Émergence, vise à « créer des allié.e.s », une formation à la fois, et à rejoindre de nouvelles entreprises. « Finalement, les endroits où on ne va pas encore, c’est là où on aurait le plus besoin de nous. » 

    INFOS | Fondation Émergence
    https://www.fondationemergence.org

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