Mercredi, 10 septembre 2025
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    Tel Aviv, vitrine rose ou mirage politique ?

    En 2017, le journaliste Jean Stern, cofondateur du magazine Gai Pied, publiait Mirage gay à Tel Aviv. Enquête sur le pinkwashing. Dans cet essai incisif, réédité cet été en format poche dans la collection Orient XXI, l’auteur connu pour ses engagements s’attaque à ce qu’il décrit comme l’une des stratégies de communication les plus sophistiquées du Proche-Orient : l’utilisation de l’image « LGBT-friendly » d’Israël pour redorer son blason à l’international. Son enquête remonte à la fin des années 2000, lorsque le ministère israélien des Affaires étrangères et la structure « Brand Israel » lançaient, avec le soutien de la mairie de Tel Aviv et de l’industrie touristique, une campagne mondiale ciblant les voyageurs gais occidentaux. Spots publicitaires, partenariats avec des agences spécialisées, slogans comme « Tel Aviv, la ville qui ne dort jamais » : tout avait été mis en œuvre pour imposer l’image d’une métropole festive, tolérante et ouverte.

    Stern décortique les rouages de ce qu’il qualifie d’«opération marketing» : l’argent investi dans les Gay Pride, la mise en avant d’une armée présentée comme accueillante pour les militaires homosexuels, la gestation pour autrui pour les couples gais, et une riche vie nocturne pour séduire les touristes. Pour Stern, ce tableau séduisant met en lumière ce qu’il considère comme un «mirage», une vitrine créée spécifiquement, selon lui, pour détourner le regard des réalités moins reluisantes : l’occupation des territoires palestiniens, la montée des conservatismes religieux, les violences homophobes et les inégalités persistantes au sein des communautés LGBTQ+.

    Stern présente le pinkwashing comme une stratégie quasi coordonnée de l’État israélien visant à «camoufler la guerre, l’occupation, le conservatisme religieux et l’homophobie» derrière une imagerie touristique rose et festive. L’approche un peu manichéenne, voire simpliste, réduit des phénomènes sociaux (le travail des groupes de lobby LGBTQ+ locaux pour les mêmes droits que le reste de la population) et politiques (l’émergence de politiciens LGBTQ+ et le rôle des coalitions entre partis politiques) complexes à un simple plan de communication ou de propagande, ce qui, dans les faits, est inexact, du moins dans son intention, sa planification et son déploiement.

    L’auteur insiste sur ce qu’il considère être «l’instrumentalisation de l’image LGBT d’Israël», mais il accorde moins d’attention aux avancées réelles des personnes LGBTQ+ israéliennes : comme, entre autres, la présence de parlementaires ouvertement homosexuels qui ont réellement amélioré la vie de leurs concitoyens, l’adoption de lois antidiscriminatoires, l’interdiction des thérapies de conversion. Cela donne l’impression à que le regard de Stern est unidirectionnel et sa vision, en tunnel. Avec Mirage gay à Tel Aviv, Stern signe un texte engagé qui interroge avec raison le rôle du marketing dans la construction d’images nationales. Mais l’ouvrage n’est pas sans biais lui-même et donne essentiellement la parole aux voix de militants LGBT israéliens critiques, d’activistes palestiniens, de collectifs queer binationaux, qui dénoncent l’instrumentalisation de leur cause au service d’objectifs politiques. En revanche, il engage très peu de discussions directes avec des militants LGBT israéliens ou des institutions ayant œuvré à ces réformes, ce qui peut facilement être perçu comme un manque de pluralité dans les perspectives examinées.

    INFOS | Mirage gay à Tel Aviv. Enquête sur le pinkwashing de Jean Stern. L’ouvrage de 2017 est réédité en format poche dans la collection Orient XXI, Paris, 2025.

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