Samedi, 1 novembre 2025
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    René Homier-Roy (1940-2025), la voix qui a façonné nos matins

    Figure incontournable de la radio et du journalisme culturel, René Homier-Roy s’est éteint à 85 ans, laissant derrière lui plus de six décennies d’antenne, d’esprit et de passion pour les arts. À peine l’annonce de sa mort confirmée, dimanche, un concert d’hommages a déferlé sur les réseaux sociaux et dans les médias.

    Un animateur rassembleur
    De La bande des six à Culture Club, de la critique au magazine, Homier-Roy aura marqué le paysage médiatique, mais c’est C’est bien meilleur le matin, sur ICI Première, qui a scellé sa proximité avec le public. Pendant quinze ans, l’animateur a accueilli une équipe de chroniqueur·euse·s dont il faisait rayonner le travail avec curiosité et respect.

    « Il avait le don de la radio », se souvient Yves Desautels, chroniqueur circulation présent du premier au dernier jour de l’émission. « On le sentait un peu fatigué les dernières semaines, oui, mais… il était très cultivé, très respectueux. Il était à l’écoute. » Annie-Soleil Proteau, ancienne chroniqueuse culturelle à l’émission, confie pour sa part : « Je suis anéantie. René, mon René. Chaque jour est devenu une fête où il me faisait sentir spectaculairement vivante. »

    À Radio-Canada, la vice-présidente principale Dany Meloul parle d’un « pionnier du journalisme et de la critique culturelle ». L’écrivain et journaliste Michel Jean, qui l’écoutait religieusement, rappelle « ses critiques de livres à Culture Club, où il parlait avec sensibilité et érudition ». Pour Ariane Cipriani, chroniqueuse et animatrice, « un monument s’est éteint : aucune pose, aucun snobisme; beaucoup d’exigence, d’ouverture, d’humour ».

    Une signature : rigueur et honnêteté
    Au-delà de la chaleur du timbre, Homier-Roy défendait une idée simple du métier : dire vrai. « À partir du moment où tu ne dis pas ce que tu penses au téléspectateur, tu n’as plus aucune crédibilité », rappelait-il à ses collègues. Son sens critique — jamais gratuit — était attendu. « Il était très, très bon. Ses critiques étaient le baromètre », résume le journaliste Marc Laurendeau, qui a partagé 13 ans d’antenne avec lui. L’auteur Dany Laferrière, complice de La bande des six, souligne « une curiosité sans distance » : « Contrairement à beaucoup de critiques, il abordait chaque nouvelle œuvre avec un regard neuf. On n’est pas un mauvais écrivain pour toute sa vie. » Le critique Michel Coulombe renchérit : « Il était contagieux : s’il parlait d’un livre, le livre se vendait; s’il parlait des Trois Accords, tout le monde voulait les écouter avec lui. »

    Une influence transmise, une génération formée
    Nombre d’animateur·trice·s et de chroniqueur·euse·s lui doivent un tremplin — et une discipline. « Il mettait vraiment en valeur ses collaborateurs… C’est bien meilleur le matin, c’était toute une école », se souvient Catherine Perrin, qui lui a rendu hommage à l’antenne. Le linguiste Guy Bertrand, « l’ayatollah de la langue » — surnom signé Homier-Roy — estime même lui « devoir une carrière radiophonique ». Et pour Christiane Charette, il fut « un mentor et une source d’inspiration » : une parole simple, accessible, qui élève sans exclure.

    Une voix pour la culture… et une vie assumée
    En entrevue avec Fugues, emn 2018, pour la sortie de son livre Moi de René Homier-Roy (Leméac, 2018), l’animateur acceptait de se raconter. Longtemps réticent à une biographie, il avait accepté l’invitation de Marc-André Lussier — « je trouvais que c’était une œuvre de vanité », admettait-il. 

    « Tu sais, j’ai été 50 ans avec le même gars, Pierre Morin… Je n’ai jamais été dans le placard », disait-il dans cette entrevue à Fugues. S’il n’a jamais ressenti le besoin « d’officialiser » publiquement son orientation, « les gens de [son] entourage savaient ». Il raconte aussi la cruauté des sous-entendus des années 1970 et la bêtise de certaines moqueries, sans amertume mais avec lucidité.

    Sur l’épidémie du sida, ses mots restent poignants : « C’était l’horreur… The Village Voice publiait chaque semaine des pages de gens décédés. J’ai arrêté de le lire pour me protéger. » Et sur l’amour, il laisse un témoignage bouleversant de la mort de Pierre en 2012 : « À la morgue, la seule chose que j’ai été capable de dire, c’était “merci, merci”. » Plus tard, il parle d’une nouvelle sérénité avec son compagnon Daniel : « Le bien-être, c’est être en voiture une heure sans dire un mot, juste bien ensemble. »

    Une perte saluée au-delà du milieu culturel
    La classe politique a tenu à souligner son apport. « Je me suis longtemps réveillé avec la voix de René Homier-Roy », écrit le premier ministre François Legault. Le chef bloquiste Yves-François Blanchet salue « un critique incisif et érudit du 7e art », quand le ministre de la Culture Mathieu Lacombe rappelle « un grand amoureux de notre culture, qu’il a défendue et fait rayonner toute sa vie ». La mairesse Valérie Plante évoque « un grand homme, engagé pour sa communauté ».

    Héritage d’un passeur
    Homier-Roy aura traversé les mutations médiatiques sans renier l’exigence, et sans jamais confondre accessibilité et facilité. « Autant d’exigence que d’ouverture et d’humour », résume Ariane Cipriani. Sa marque : une curiosité infatigable, une culture encyclopédique, une écoute réelle de ses collaborateur·trice·s comme de son public. Il aura accompagné nos matins, exploré nos bibliothèques, nourri nos conversations — et, par sa simple manière d’être, rappelé qu’on peut conjuguer franc-parler et bienveillance.

    La « voix rassurante » qui a bercé des milliers d’auditeurs s’est tue. Reste l’empreinte d’un passeur : celui qui a su, mieux que quiconque, transformer la culture en rendez-vous quotidien — une conversation à hauteur d’humains.

    Pour relire l’entrevue qu’il nous avait accordé en 2018

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