Le gouvernement japonais a étendu la reconnaissance légale des couples de même sexe à neuf nouvelles lois et règlements, leur accordant des droits similaires à ceux des couples mariés dans certains domaines administratifs. Une évolution notable dans un pays encore réticent à légaliser le mariage pour tous·tes, malgré une opinion publique désormais largement favorable.
Selon The Japan Times, ces changements concernent notamment la loi sur les aides versées aux familles de victimes de catastrophes naturelles ou d’accidents, ainsi que plusieurs dispositifs sociaux. Ils s’ajoutent à une première série de réformes adoptée début 2025, qui avait déjà permis d’élargir la protection des partenaires de même sexe en matière de logement, de prévention des violences domestiques et de garde d’enfants.
Le gouvernement justifie ces ajustements par une décision de la Cour suprême rendue en mars 2024. Celle-ci avait reconnu que des couples de même sexe pouvaient, dans certains cas, être considérés comme vivant « dans des circonstances similaires au mariage ». Cette jurisprudence a ouvert la voie à une reconnaissance administrative progressive, sans toutefois remettre en cause la définition constitutionnelle du mariage, encore réservé à « un homme et une femme » selon l’article 24 de la Constitution japonaise.
Une reconnaissance encore limitée
Malgré ces avancées, près de 120 textes législatifs continuent d’exclure les couples homosexuels, notamment en matière de fiscalité, de retraite ou d’héritage. Le Premier ministre Fumio Kishida répète qu’une réforme de fond « exige un large consensus social », un argument perçu par nombre de militants comme un moyen de retarder le débat.
Pourtant, la société japonaise semble prête. D’après plusieurs enquêtes (notamment du Pew Research Center menée entre juin et septembre 2023) environ 70 % des Japonais se disent favorables à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Parallèlement, plus de 530 municipalités, couvrant plus de 90 % de la population, délivrent déjà des certificats de partenariat symboliques. Ces documents permettent de faciliter certaines démarches, comme la location d’un logement ou la visite d’un partenaire hospitalisé, mais n’ont aucune valeur juridique nationale.
Des tribunaux en première ligne
Depuis 2021, plusieurs cours régionales, à Sapporo, Tokyo, Osaka, Nagoya ou Fukuoka, ont estimé que l’interdiction du mariage pour les couples de même sexe violait les principes constitutionnels d’égalité et de dignité individuelle. Ces jugements, bien que sans effet immédiat sur la législation, accentuent la pression sur le gouvernement et sur la Cour suprême, désormais appelée à trancher la question de la constitutionnalité de l’interdiction.
Les associations saluent ces récentes mesures comme un signe d’ouverture, tout en en pointant les limites. « Ces ajustements techniques ne remplacent pas une vraie égalité devant la loi », rappelle l’organisation Marriage For All Japan. Pour ses membres, le Japon ne peut plus se contenter de demi-mesures alors qu’il demeure le seul pays du G7 à refuser toute reconnaissance légale complète des couples de même sexe.
Un pays en décalage avec ses partenaires du G7
Sur la scène internationale, le Japon fait figure d’exception. Tous les autres membres du G7 reconnaissent aujourd’hui le mariage ou une forme d’union civile pour les couples de même sexe. Cette situation fragilise l’image du pays comme démocratie avancée, au moment même où il cherche à promouvoir à l’étranger une politique de respect des droits humains.
La seule loi nationale adoptée à ce jour sur le sujet, la LGBT Understanding Promotion Act, entrée en vigueur en 2023, se limite à encourager la tolérance et la sensibilisation. Elle ne crée aucun droit concret, ce que dénoncent les organisations de défense des droits LGBTQIA+, qui y voient une réforme symbolique sans effets réels.
Une évolution inévitable, mais freinée par la politique
Pour l’heure, aucun projet de loi sur le mariage pour tous n’est à l’agenda du Parlement. Mais les signaux s’accumulent : jugements favorables, soutien croissant de la population, reconnaissance administrative élargie. Tout indique qu’un mouvement de fond est à l’œuvre, que la prudence politique et la lenteur bureaucratique peinent à endiguer.
Pour beaucoup d’observateurs, la question n’est plus de savoir si le Japon ouvrira un jour le mariage aux couples de même sexe, mais quand.