L’ex-président américain Donald Trump, dont l’administration a récemment rebaptisé le Department of Defense en Department of War, n’a pas réussi à mettre la main sur le prix Nobel de la paix, tel qu’il l’aurait souhaité. Le prestigieux honneur a plutôt été attribué à María Corina Machado, une figure de l’opposition démocratique au Venezuela.
Le 10 octobre, à Oslo, le Comité Nobel norvégien a annoncé qu’il remettra en décembre la distinction à María Corina Machado pour « son travail infatigable en faveur des droits démocratiques du peuple vénézuélien et pour sa lutte en vue d’une transition juste et pacifique du régime autoritaire vers la démocratie ».
Une victoire pour la démocratie, un revers pour l’autoritarisme
À 58 ans, María Corina Machado est devenue l’un des symboles les plus visibles de la résistance à la dictature de Nicolás Maduro, au pouvoir depuis 2013. Interdite de se présenter à l’élection présidentielle par les tribunaux contrôlés par le régime, Machado vit aujourd’hui dans la clandestinité.
« Quand des régimes autoritaires s’emparent du pouvoir, il est essentiel de reconnaître les défenseurs et défenseuses courageux·ses de la liberté qui se lèvent et résistent », a déclaré le Comité Nobel dans sa citation officielle.
L’ingénieure et économiste de formation a fondé en 1992 la Fondation Atenea, vouée à soutenir les enfants de la rue à Caracas. En 2002, elle a cofondé Súmate, une organisation indépendante qui milite pour des élections libres et équitables. Éjectée du Parlement en 2014 par le régime chaviste, elle a continué à mobiliser la société civile en créant Soy Venezuela, une alliance rassemblant différents mouvements prodémocratie.
Trump, encore en quête de reconnaissance
De son côté, Donald Trump, revenu à la Maison-Blanche en janvier dernier, aurait espéré que ce prix valide son rôle autoproclamé de « faiseur de paix ». Il a même partagé sur Truth Social plusieurs articles affirmant qu’il méritait la récompense pour avoir, selon lui, favorisé un accord de paix entre Israël et le Hamas et pour sa lutte contre les cartels de drogue et l’immigration illégale. Un éditorial du Washington Post qu’il a relayé affirmait même qu’« aucun président américain n’a jamais autant mérité le Nobel de la paix ».
Mais selon plusieurs analystes cités par Reuters, Trump n’avait aucune chance réelle d’être sélectionné : ses politiques vont à l’encontre des valeurs que le Comité Nobel défend, notamment sur les questions du multilatéralisme et de la protection des droits humains.
Des politiques ouvertement anti-LGBTQ+
Depuis son retour au pouvoir, Trump a signé des dizaines de décrets présidentiels visant à effacer les avancées sociales des dernières années. Parmi ses mesures : le bannissement des personnes trans des forces armées ; la restriction de l’accès aux soins d’affirmation de genre pour les jeunes de moins de 19 ans ; la suppression des programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) dans l’ensemble du gouvernement ; la déclaration officielle que les États-Unis reconnaissent désormais « seulement deux sexes ».
Des gestes qui ont suscité une indignation mondiale, particulièrement dans les milieux des droits humains et des communautés LGBTQ+, pour qui ces politiques représentent un retour en arrière dangereux et une attaque directe contre la dignité et la sécurité des personnes trans.
Le courage comme fil conducteur
Pour María Corina Machado, ce Nobel est bien plus qu’une récompense : c’est un message d’espoir adressé à celles et ceux qui continuent de lutter contre les dérives autoritaires.
Malgré la répression, l’exclusion politique et les menaces, elle poursuit son combat pour une transition démocratique. Son parti, Vente Venezuela, reste une force motrice de l’opposition, et elle soutient désormais la candidature d’Edmundo González Urrutia, désigné pour défier Maduro. Même si le régime a proclamé sa propre victoire, l’opposition affirme détenir des preuves que le peuple vénézuélien a choisi le changement.
Le prix Nobel de la paix, accompagné d’une bourse de 1,2 million $ US (1.68 millions de $CAN), sera remis le 10 décembre, date anniversaire de la mort d’Alfred Nobel, fondateur de la distinction.
«Cette immense reconnaissance de la lutte de tous les Vénézuéliens est un élan pour achever notre tâche: conquérir la liberté. Nous sommes au seuil de la victoire et aujourd’hui plus que jamais, nous comptons sur le président Trump […] Le Venezuela sera libre!» a écrit María Corina Machado sur X. Elle a du même coup dédié son prix à «la population du Venezuela qui souffre, ainsi qu’au président Trump et ses actions décisives en appui à [sa] cause».
Selon CBS News, le président américain aurait appelé la lauréate afin de la féliciter et de lui dire qu’elle méritait son prix.