Mercredi, 29 octobre 2025
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    Thomas Jolly, plus d’un an après les JO

    Plus d’un an après la majestueuse cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris qu’il a orchestrés, le metteur en scène Thomas Jolly continue sans surprise à se faire parler de cet événement grandiose, mais aussi d’autres projets qu’il a dirigés, comme la nouvelle mouture de Starmania, présentée l’année dernière à la Place Bell. Celui qui est maintenant depuis peu à la tête de la commission du Fonds d’aide au jeu vidéo a pris le temps de nous en parler.

    C’est quoi la première chose qui te vient en tête lorsqu’on te parle aujourd’hui de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris ?
    Thomas Jolly : C’est le mot « unité ». L’unité, et un mot qui est aussi venu beaucoup de la bouche des gens qui continuent d’en parler, c’est « fierté ». Unité et fierté. Voilà, unité et fierté. C’est vraiment les deux sentiments qui se dégagent et qui viennent dénommer ce moment-là pour moi. Une autre chose, c’est la permanence de l’émotion des gens qui parlent, qui m’arrêtent, qui me reconnaissent et qui montrent une émotion très vibrante. Ce qui est très beau, c’est que quand les gens me parlent de la cérémonie, ils me parlent d’eux. Ça prouve qu’il y a comme un lien affectif, bien qu’on ne se
    connaisse pas. C’est comme quand on va dans une fête et qu’on n’a pas encore rencontré la personne qui a organisé la fête, et que tu la vois à un autre moment et tu lui dis : « Elle était trop bien ta fête, j’y étais, merci beaucoup ! ». C’est très, très fort.

    Je pense que ce serait plus intéressant dans la bouche de sociologues, de politologues, voire même de scientifiques des neurosciences. Mais cette cérémonie est arrivée à un moment… Les derniers jeux, c’était Tokyo et on sortait de la COVID. C’était en 2021, donc on était un peu entre deux mondes, je dirais. J’ai l’impression que [ma cérémonie] est la première grande cérémonie olympique d’un monde post-COVID, avec une accélération de l’actualité et des peurs, une multiplication des divisions, des
    polarisations… Je n’ai pas fait une cérémonie pour répondre concrètement à ça.

    J’avais deux choses comme inspiration : la portion de fleuve et ce que racontait chaque monument, chaque bâtiment, chaque ruelle, chaque quai… Et puis, la deuxième chose c’était le modèle politique sous lequel la France vit : la République. [J’ai pris ces deux inspirations parce] qu’il n’était pas question de rajouter de la division sur toutes ces divisions et que le modèle républicain est assez inspirant à cet endroit-là. Donc, en fait, on a fait une cérémonie qui posait tous les endroits qui nous rassemblent et on a constaté qu’ils étaient nombreux. Peut-être finalement plus nombreux que les endroits qui nous divisent.

    Si Céline Dion est une icône internationale, il a quand même été particulièrement réjouissant pour les Québécois de voir une des leurs conclure cette cérémonie.

    Cela semble s’être fait sans aucune plainte en France. Qu’est-ce que cela peut révéler sur la relation que les Français ont avec le Québec ?
    Thomas Jolly : Pour moi, Céline, c’est vraiment l’incarnation artistique de nos deux cultures. Ce qui est très beau déjà, c’est de voir, dans sa discographie, à quel point il y a vraiment des disques beaucoup plus sur une culture nord-américaine et des disques beaucoup plus de l’ordre de la variété française. Elle a fait un pont entre nos deux pays. Mais bon, un pont qui, de toute façon, existe sans Céline ! Nous sommes cousins. On dit ça, cousins ? frères ? En tout cas, on est reliés !

    Et puis, avoir Céline, c’était assez évident pour plein de raisons. La première, c’est qu’on voulait finir la cérémonie avec « L’hymne à l’amour ». C’est une très grande chanson et il fallait une très grande voix. Et qui sait mieux chanter l’amour, qui a le timbre pour ça, l’émotion pour ça, la singularité, la sincérité aussi dans son travail pour ça ? Deuxièmement, c’était important de faire chanter Édith Piaf et notamment cette chanson parce qu’elle avait été écrite et composée par des femmes, mais en plus de ça, c’est une chanson qu’elle a chantée quand elle a appris la mort de son mari Marcel Cerdan, boxeur. Donc, on avait là un lien entre la musique française et le sport. On a évidemment pensé aussi au fait que Céline a perdu son mari. Et que c’est aussi une chanson qui parle de ça : de la perte de quelqu’un de cher et qu’on s’aime au-delà de la mort. Enfin, il paraîtrait que c’était le rêve de Céline de chanter sur la tour Eiffel. Et j’ai découvert aussi après qu’Édith Piaf avait également fait un concert au premier étage de la tour Eiffel, mais ça, je l’ai appris après !

    Ça a été assez évident pour nous dans notre esprit et, quand on en a parlé à son management, ça a été aussi assez évident pour elle. Ce qui n’était pas évident, c’était son état de santé, ça, c’est sûr. Mais son équipe adhérait complètement à la proposition. Elle a offert à ce moment-là une reprise de ses activités artistiques, malgré sa maladie. La tour Eiffel, on l’appelle la Dame de fer, il y avait comme ça la confrontation de deux dames de fer, quoi. C’était un exemple de puissance, de force et de résilience. La présence de Céline, elle incarnait énormément. Elle incarnait même plus que Céline, elle incarnait tellement de valeurs. On rêvait de cette finale, et on l’a eue.

    Avec la nouvelle mouture de Starmania, tu as été, dans les dernières années, un acteur de la relation culturelle entre le Québec et la France. Que penses-tu de cette relation ? Sens-tu qu’elle a trouvé un nouveau souffle récemment ?
    Thomas Jolly : Le Québec et moi, ça a commencé avec Starmania. Ce qui est fascinant, je trouve, entre nos deux pays, c’est que nos deux cultures sont imbibées de ce qu’elles ont autour d’elles. Comme ce n’est pas la même chose, mais qu’on a des cultures assez communes, ces influences — nord-américaines ou de l’Europe — créent une richesse.

    Je trouve que c’est fascinant. On pourrait aussi parler de Xavier Dolan, qui a été une passerelle absolument essentielle entre nos deux pays sur le cinéma, lui qui est proche d’un cinéma d’auteur français et en même temps intègre les codes du cinéma américain. En fait, j’ai l’impression que ça nous fait nous regarder avec admiration et aussi avec un constat, que nos cultures restent fortes, mais peuvent être enrichies par d’autres.

    Dans ta carrière, ça a été un préjudice pour toi d’être une personne LGBTQ+ ?
    Thomas Jolly : Parce que j’ai choisi la carrière que j’ai choisie, à savoir celle d’être acteur, j’ai pu être « sauvé ». Parlons de manière très claire : moi, quand je suis au collège, je suis un enfant qui est plutôt harcelé. Je ne sais même pas que je suis homosexuel et pourtant c’est ce qu’on me renvoie. Le théâtre nous donne les moyens de nous sentir exister.

    C’est contradictoire, parce qu’on est exposé : on est sur une scène dans la lumière devant les autres. Et pourtant, le théâtre me disait : « Ta singularité, ce que tu es, ta façon d’être au monde, c’est ça qui m’intéresse parce qu’au théâtre c’est ça qu’on utilise en tant qu’acteur. » Un acteur, pour moi, est quelqu’un qui utilise avec honnêteté ce qu’il est, et qui a même le courage de l’honnêteté de lui-même. Donc, le théâtre m’a permis d’être en accord absolu avec moi et, surtout, avec le reste du monde, puisque j’avais un endroit en fait d’expression qui me permettait de combattre cette intolérance ou homophobie latente.

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