Originaires de Calgary, Tegan et Sara Quin sont deux sœurs jumelles lesbiennes. Les médias ont largement ciblé le caractère identique des sœurs monozygotes et leur orientation sexuelle. Indéniablement, la nouvelle inusitée fait vendre. Après plus d’une décennie dans l’industrie musicale, leur talent est incontestable, synonyme de leur longévité créatrice. Rencontre!
Depuis la parution de leur premier opus Under Feet Like Ours (1999), les deux sœurs ont secoué la scène rock indépendante en plus d’attirer l’attention d’Elliot Roberts, l’impresario de Neil Young. L’album The Business Of Art marquera leur entrée dans la cour des grands, sous l’étiquette Vapor Records. Auteures-compositrices-interprètes, Tegan et Sara harmonisent avec aisance leurs voix, en plus de jouer des guitares, pianos et claviers. Elles ont tourné sur de nombreux continents avec des artistes tels que The Black Keys, The Pretenders, Neil Young, Cyndi Lauper, Weezer, Paramore, David Guetta, etc. Le duo Tegan & Sara revient avec un septième album studio et un son consciemment plus pop et accessible. Un désir de jouer le jeu. Résultat : un album que les radios vont tourner et que les fans vont aimer. En décembre dernier, les admirateurs montréalais ont eu un avant-goût de l’album Heartthrob. À peine quelques heures avant d’enflammer les planches du Métropolis, la très articulée Tegan Quin s’est prêtée au jeu de l’entrevue.
Depuis un mois, vous jouez presque tous les soirs! Comment gardez-vous votre énergie?
Nous sommes entourées d’une très belle équipe et prenons du temps tous les jours pour relaxer, aller au gym. Comme je deviens plus grincheuse en vieillissant, je ne fais rien avant 13h!
En tournée, comment se déroule une journée typique de «Tegan & Sarah»?
D’abord nous dormons autant que possible, restons au lit jusqu’à 10h ou 11h. Ensuite, nous nous douchons et mangeons, puis accordons des entrevues, de 13h à 17h. Jusqu’à 19h, nous faisons des «Meet and Greet» [rencontres, apparitions, cocktails]. Ensuite viennent le souper et le spectacle, après, des «postings» aux stations de radio et puis nous partons sur la route vers notre prochaine destination. On ne va pas au lit avant 1h ou 2h du matin!
Ça doit être difficile pour la voix?
Ce n’est pas si pire, nous sommes chanceuses : ma sœur chante un set et je chante l’autre!
Heartthrob est votre septième album studio. Quelle était votre vision musicale?
On voulait définitivement changer les choses. Nous n’en étions pas nécessairement conscientes au début, on ne savait pas comment y parvenir exactement, mais nous voulions emprunter une nouvelle direction. Depuis les dernières années, nous avons effectué beaucoup de collaborations avec divers artistes et avons réalisé que notre public nous soutenait. Alors nous étions confiantes de ramener notre style, plus «indie rock», vers nos racines, qui sont plutôt pop. Mais pas comme la musique populaire qui est en vogue maintenant… On voulait que notre album soit représentatif de ce que l’on écoute. Par exemple, un mix d’une chanson d’Alicia Keys, ou de Pink, avec un peu de Cindy Lauper.
Comment êtes-vous arrivées à ce son plus pop?
Nous avons travaillé avec trois producteurs différents! Nous voulions des collaborateurs expérimentés avec les voix populaires féminines, pour nous aider à nous pousser vocalement et nous aider à intégrer une instrumentation pianistique puisque, dans le passé, la guitare dominait nos chansons. De ce changement de direction, notre façon de composer a changé : moins à la guitare, plus au clavier/piano. À la base, c’est notre instrument : nous avons une formation en piano. Heartthrob est plus pop, même si on se plaint constamment de la musique grand public… Nous nous sommes dit : « Au lieu de nous plaindre, changeons les choses! Faisons notre pop à nous! » Le résultat final est typique de Tegan & Sarah; émotionnel, avec les thèmes du cœur brisé, de l’outsider, de la nostalgie de la jeunesse…
Closer, le premier extrait radio, rappelle le son des années 80-90 à la Cindy Lauper. Est-ce une façon de réfléchir sur votre adolescence, tout en exprimant votre maturité de femmes de 32 ans?
Oui et nous nous sentons bien dans notre peau! Retourner en arrière, effectuer à nouveau ce processus d’introspection sur notre jeunesse et jeune vingtaine, nous donne une toute nouvelle perspective. C’est un album très mature, c’est certain.
Le vidéoclip Closer est rafraîchissant et peu typique des clips sexys et quétaines que l’on nous présente constamment. Est-ce difficile de rester en contrôle de votre image?
Nous sommes très articulées, franches, avec un bon sens du business et un très bon appui de notre maison de disque. Nous sommes très chanceuses d’avoir emprunté la route indépendante à nos débuts, car nous aurions très bien pu nous perdre! On veut que les gens puissent se reconnaître en nous et dans notre musique, afin qu’elle fasse écho à leur propre expérience. C’est important de rester à l’écoute de son public. C’est certain que si je portais des collants en spandex, méga maquillage, avec une troupe de danseurs, tu me regarderais d’une tout autre façon!
Tu vis à Vancouver et à Los Angeles et Sara à Montréal et à New York. La distance est-elle un obstacle à la création?
Étrangement, c’est plus facile, car nous nous échangeons nos idées par Internet et cela nous laisse plus de liberté créative. Tu n’as pas quelqu’un qui regarde constamment au-dessus de ton épaule. Et puisque nous sommes toujours ensemble en tournée, c’est bien de pouvoir retourner dans nos villes respectives par la suite et d’avoir nos moments personnels.
Est-ce difficile d’être ouvertement lesbienne dans le milieu de la musique?
Il y a eu beaucoup de changements dans l’industrie depuis notre premier album en 1999… Sara et moi sommes chanceuses, car nous avons l’une l’autre et n’hésitons pas à nous tenir debout pour nos idées. Nous sommes ressorties du lot, pas parce que nous étions lesbiennes, mais jumelles. Donc les gens ne nous ont pas mises de côté à cause de notre orientation. Au contraire, le fait d’être jumelles a positivement attiré l’attention. Je crois que nous avons évité l’homophobie que nous aurions pu subir, si nous avions été des artistes solos. Le fait d’être des sœurs jumelles nous a rendues définitivement plus accessibles. D’ailleurs, la presse et les gens en général ciblent plus le fait que nous soyons des sœurs jumelles que deux lesbiennes. La presse gaie, elle, cible notre orientation. Mais dans les deux cas, personne ne parle de notre musique! (rires)
Vous êtes pour plusieurs des modèles. En êtes-vous conscientes?
Oui! Nous prenons ce rôle vraiment au sérieux! En tant qu’artistes gaies, c’était très important pour nous de ne pas le cacher et d’assumer ce que nous étions. Nous cacher aurait été impensable! Nous voulions être des modèles pour les autres générations, car nous n’en avons pas vraiment eu. Notre succès prouve que le fait de nous être affichées publiquement ne nous a pas nui ou freinées. Même si ça avait été le cas, je n’aurais rien changé. Il y a de l’opposition partout. D’ailleurs, c’est davantage le fait d’être une femme qui est difficile et pose problème, dans cette industrie patriarcale.
Avez-vous déjà été victime de lesbophobie?
C’est un monde difficile, mais je dois avouer que nous avons été chanceuses. Bien sûr, nous nous sommes battues dans cette industrie et avec la presse, pour nous sentir vraiment acceptées pour qui nous sommes… Pour certains, nous ne sommes pas assez gaies, pour d’autres nous le sommes trop, mais c’est dans la nature humaine de questionner… Nous continuons de repousser les barrières, de nous impliquer socialement au niveau des droits LGBT. Comme Sara et moi sommes toutes deux en couple avec des Américaines, la question du mariage gai aux États-Unis nous touche de près. Nous faisons des levées de fonds pour divers organismes LGBT, pour nous assurer que tous puissent avoir une vie aussi agréable que la nôtre au niveau des droits et de l’acceptation de leur orientation sexuelle.
La chanson I’m Not Your Hero fait-elle référence à votre orientation sexuelle?
Que ce soit à l’intérieur de la communauté gaie ou dans l’industrie de la musique, on se sent parfois comme un « outsider », un étranger. Lorsqu’on vous met dans une position pour parler au nom de tous, c’est difficile! Ce n’est pas tout le monde qui sera d’accord avec vos idées : plaire à la communauté gaie, aux groupes de rock féminins, au milieu de la musique indépendante… C’est beaucoup à porter et il faut s’en détacher…
Ça doit être un vrai bonheur de faire de la musique à travers le monde avec ta sœur jumelle?
Absolument. Nous avons le meilleur job que je peux imaginer!
Est-ce que vous vous échangez vos blondes en tournée?
Oh, mon Dieu non! Nous sommes des jumelles, mais les gens qui nous connaissent savent que nous sommes très différentes, avec nos propres intérêts. Nous avons vécu beaucoup d’expériences ensemble, alors nous sommes très proches et avons une belle relation; nous prenons une centaine de décisions par semaine et il n’y a jamais de problème. Nous nous balançons très bien. Mais nous gardons nos histoires d’amour séparées!
INFOS | L’album Heartthrob est présentement en vente teganandsara.com