Après une première incursion dans le roman policier, avec Fond trouble qui entraînait le lecteur dans une enquête haletante autour de la mort suspecte de Martin Fournier et des hommes qui ont traversé sa vie, Philippe Beaudoin plonge maintenant dans les années 30 autour de Judith, une jeune fille frondeuse et décidée.
Originaire d’une petite famille bourgeoise sans histoire, le corps de cette dernière est retrouvé étranglé au fond de la ruelle d’un quartier malfamé de Montréal. Crime crapuleux ou quelque chose de plus glauque se profile-t-il derrière ce meurtre?
Les forces policières piétinant, les parents de cette dernière retiennent les services de Léo Déry, un jeune détective qui en est encore à ses premières armes. La vérité en surprendra cependant plus d’un, à commencer par la famille même de la victime puisque les secrets sont nombreux chez tous les protagonistes.
À commencer par Judith qui est non seulement suffragette, mais fréquente assidûment un homme de race noire : indignité impardonnable pour l’époque. Le père, lui-même, cache certains squelettes, de même que les amours interdites du frère de la jeune fille. Et qu’est-ce qui peut expliquer la découverte d’un document du Ku Klux Klan dans les effets personnels de Judith?
Philippe Beaudoin a bien fait ses devoirs et reconstitue le petit et grand Montréal de 1929 par l’intermédiaire de menus détails de la vie quotidienne et d’une description des codes moraux qui la corsetait alors et auxquels certains tentaient d’échapper. Judith en a payé le prix, mais pour quel motif et, surtout, qui en est coupable?
Alternant entre déroulement d’enquête et confidences sibyllines du meurtrier, c’est une entrée privilégiée qui nous est ainsi offerte dans le Montréal du début du XXe siècle.
LA DERNIÈRE NUIT DE JUDITH / Philippe Beaudoin, Laval, Guy Saint-Jean, 2018. 322p.