Élue le 1er octobre comme députée de Taschereau à l’Assemblée nationale, Catherine Dorion remplace une grosse pointure de la politique à Québec partie à la retraite, Agnès Maltais. Ses déclarations et son style vestimentaire détonnent par rapport aux autres politiciens. Entrevue sans filtre avec cette nouvelle parlementaire au franc-parler qui bouscule les conventions.
Avant même d’amorcer l’entretien avec Fugues, l’élue sous la bannière de Québec solidaire insiste pour préciser sa pensée concernant l’utilisation du mot «tapette» lors de l’émission Tout le monde en parle du 7 octobre. Pendant l’entrevue avec des membres du groupe hip-hop Alaclair Ensemble, elle a déclaré que les rappeurs, «c’est du monde qui font de la poésie, en dansant et en chantant, sans que personne ose une seconde les traiter de tapettes».
Elle souhaite que son intervention n’ait pas été mal interprétée par des personnes de la communauté LGBTQ+. «Pour moi, une tapette, c’est une insulte. C’est un mot qui est utilisé pour faire rentrer dans le rang tous les gars hétéros ou gais qui font des choses qui n’entrent pas dans le dictat qu’on a mis au genre masculin. Par exemple, je connais plein d’amis, gais ou non, qui sont gênés de se laisser aller à danser, parce qu’ils ont peur d’être traités de “tapettes”. Je trouve ça vraiment triste pour eux. Je pense que c’est un pendant du féminisme qui devrait prendre du galon.» Auteure, comédienne et slameuse, Catherine Dorion se définit comme une artiste qui pratique de l’art expérimental et engagé. «Par exemple, notre dernier spectacle qui s’appelait Fuck toute abordait l’aliénation ou comment on ne vit pas les vies qu’on voudrait vivre. Comme auteure, j’ai publié trois livres dont en 2017 le best-seller Les luttes fécondes qui porte sur le désir en amour et en politique.» Depuis son élection, elle déplore toutefois que chaque fois qu’elle émet une opinion sur la place publique, certaines personnes dénoncent ses propos dans les médias et les réseaux sociaux. «J’ai encore de la misère à accepter l’incompréhension. Je trouve ça dur d’être dans l’espace public où tout le monde décide tout seul comment interpréter mes propos sans me demander de les expliquer.»
Elle s’interroge également sur le code vestimentaire en vigueur à l’Assemblée nationale. Portant fièrement une tuque qui la caractérise, elle se demande si elle pourra se vêtir comme elle l’entend sans faire régulièrement la manchette sur cet aspect de sa personnalité.
Une «anarchiste relationnelle» et «polyamoureuse»
Elle se dit bien au fait des réalités des personnes LGBTQ+. Elle raconte avoir aidé son premier amoureux et maintenant ami dans l’acceptation de son homosexualité. Leur «très belle histoire d’amour à l’adolescence» a duré deux ans. «Ça m’a beaucoup touchée comment c’était dur. C’est un gars en plus qui est parfait. Pour lui, son homosexualité était sa faille.»
Elle a côtoyé ensuite beaucoup d’autres hommes homosexuels dans le milieu artistique. Lorsqu’elle a commencé à militer dans des organismes communautaires, elle a rencontré de nombreuses femmes homosexuelles. «Elles m’ont fait du bien. Souvent, les gars me disaient que je n’étais pas très féminine et ça me faisait vraiment mal. J’avais de la misère à assumer que je n’étais pas compatible pas avec l’image de la femme. En rencontrant ces femmes qui ont lutté contre ce dictat, elles m’ont ouvert les yeux sur plein de trucs, notamment qu’il n’y avait pas de lien avec mon orientation sexuelle.» Catherine Dorion n’aime pas qu’on «étiquette» ses relations amoureuses. «Je tombe en amour avec des êtres. Dans mon livre Les luttes fécondes, je parle du fait qu’on n’a pas à définir, on a juste à ressentir. C’est de là que vient la confiance, entre autres. J’ai toujours eu de belles rencontres amoureuses, notamment polyamoureuses. En ce moment, j’ai un amant, amoureux, ami. C’est une relation de profonde amitié, d’entraide et de présence. Nous avons des relations sexuelles quand ça nous tente. Je me considère donc comme une anarchiste relationnelle, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de règles dans l’amour. On n’est pas dans la possessivité. La possessivité nuit à l’amour. Les gens ne nous appartiennent pas. Si on les aime, on souhaite qu’ils soient nourris par le plus de bonté possible autour d’eux. Je réalise que les relations sont très durables avec beaucoup de res-pect et d’amour.»
Appui au projet d’une maison de la diversité
La nouvelle députée de Taschereau entend développer des liens avec les organismes communautaires LGBTQ+ de Québec pour les aider à concrétiser leurs projets. D’ailleurs, elle appuie celui d’une maison de la diversité de l’Alliance Arc-en-ciel de Québec et du Gris-Québec. «Nous avons besoin à Québec d’un lieu culturel où les gens de la communauté LGBTQ+ puissent se rencontrer et se donner de la force.»
Parmi ses priorités, on retrouve l’éducation sexuelle et la santé mentale des adolescents. «À Québec solidaire, nous allons pousser pour que les cours d’éducation sexuelle comprennent plus d’heures par année (depuis septembre 2018, entre 5 et 15 heures sont obligatoires pour les élèves du primaire et du secondaire) et qu’ils soient donnés par travailleurs sociaux ou des gens du milieu qui connaissent bien certaines réalités, notamment celles de la diversité sexuelle.»