Il y a quelques années déjà, au sein même de cette chronique, j’avais discuté de la perception du mot « lesbienne », ce vocable pour le moins déprécié, dont on ne doit prononcer le nom. Si, à mon sens, sa perception n’a guère suffisamment changé, force est d’admettre qu’il s’affirme davantage dans l’espace public. Et si 2020 était l’année de la lesbienne?
Je sais. Là, vous débutez la lecture de cette chronique en trouvant probablement mes propos risibles, voire irréalistes. Peut-être. Mais pour une fois que je suis full positive, merci de me permettre de rêver. Mes propos prennent naissance en réaction à un évènement ayant eu lieu à la fin de l’été 2019. Jusqu’alors, lorsque vous tapiez le mot L-E-S-B-I-E-N-N-E dans Google, les dix premières pages de recherche vous référaient à des sites pornographiques. Pourtant, lorsque vous tapiez homosexuel, homosexualité, gay ou ses dérivés, le premier résultat de recherche vous référait de façon «scientifique» (lire académique) à une définition de l’homosexualité, ou encore à des articles LGBT friendly. Et là, vous allez me dire «quel est le problème?»
Le problème est le suivant : une jeune femme qui découvre son orientation sexuelle et qui décide de taper le mot L-E-S-B-I-E-N-N-E pour obtenir une information légitime sur le sujet, ne fait que tomber sur des images dégradantes de ladite orientation, vue selon le fantasme chimérique hétérosexuel. Ainsi, la jeune lesbienne n’obtiendra pas d’information valable et ne voudra probablement pas se dire lesbienne. Qu’à cela ne tienne, jusqu’alors, Google participait à la mauvaise presse associée au mot lesbienne. Je sais. Là, vous allez me dire que personne n’a le contrôle sur ce qui est le plus populaire sur le web, que ce sont des algorithmes qui renvoient automatiquement aux sites pornos, car c’est ce qui est populaire, payant et petite patate, tant pis pour toi…
C’est là que je vous dirais que Google a le pouvoir de gérer son SEO. La preuve, c’est que sous la pression de militantes, Google a effecté des changements. Si vous effectuez maintenant une recherche sur le mot «lesbienne», vous y verrez désormais des définitions de l’homosexualité féminine ou du lesbianisme. Et lorsque vous cliquez sur l’onglet vidéo, le moteur ne propose plus d’emblée des contenus à caractère pornographique, comme c’était le cas jusqu’au milieu de l’année 2019. Désormais, on y voit majoritairement des vidéos explicatives, de conseils ou d’extraits de films. Les sites de films pour adultes ont été relayées presque à la dixième page.
Ceci constitue une avancée majeure, notamment pour les femmes militant derrière ce changement. Mentionnons la cyberactiviste Fanchon Mayaudon-Courtel, à l’origine du mouvement #SEOLesbienne, qui désirait que le mot lesbienne soit référencé pour ce qu’il est, soit une définition substantielle de l’amour entre femmes. «Le mot lesbienne n’appartient ni à Google ni à l’industrie pornographique. Il nous appartient à nous »
(1). Elle affirmait d’ailleurs, sans équivoque, dans une entrevue à TÊTU, que cette situation démontre la puissance de Google et l’impact que peut avoir le référencement des mots sur les internautes. «Google peut réellement décider de la définition d’un mot de manière totalement unilatérale »
(2) D’ailleurs, dans ce même article, un représentant de Google affirmait que la compagnie continuait de travailler d’arrache-pied pour ne pas que le mot soit lié à du contenu offensant. C’est tout dire. Lancé en avril 2019, le mouvement #SEOLesbienne aura bonne presse sur le web, de VICE à Paris Match, en passant par TÊTU. Nous verrons lentement apparaitre, dès juillet et d’ici la fin 2019, un référencement du mot lesbienne qui ne réfère plus d’emblée aux sites pornographiques. Si les médias sociaux – comme les gens – participent à un tel changement, il en est de même pour tout média de masse, dont la télévision. Fin 2019, comme la majorité des Québécois, j’ai regardé le Bye Bye. J’avoue, j’aime ça. Je n’ai pas de problème à rire de moi-même, des tares de la société dans laquelle j’évolue. Bien sûr, il y a des années où je trouve les sketchs moins drôles, ou je me sens moins concernée. À ma grande surprise, j’ai pu voir et entendre une valse des lettres LGBT, un rap sur Maipoils (que probablement Mme Brossard de Brossard n’a pas compris), sans oublier la discussion de Pruneau et Mme Coucou… Je suis de la génération de Passe-Partout. Voir ceux avec qui j’ai grandi prononcer le vocable déprécié m’a chamboulée… Mme Coucou est lesbienne! Elle est sortie du placard en 2019!
(3) C’est signe que le mot lesbienne devient mainstream, du moins, il évolue dans l’espace public. Là, vous allez me dire que vous n’aimez pas la façon dont on en a parlé, qu’on en a ri, etc. Je répondrai : « C’est un petit pas pour l’homme, un bond de géant pour l’homosexualité»… Quand on commence à rire d’une chose, c’est signe qu’on en a moins peur et qu’on s’ouvre enfin à la discussion… Et si 2020 était l’année de la lesbienne.
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Le premier objectif de cette enquête est de recueillir des données démographiques de base sur nos membres et sur d’autres femmes de la diversité sexuelle qui sont en lien avec le Réseau des lesbiennes du Québec (RLQ). Le deuxième objectif est de connaître leur opinion à propos des enjeux des femmes LGBT+ et leur vécu en ce qui concerne certains types d’oppressions.
Pour répondre au sondage AVANT LE 31 MARS, suivre le lien suivant: forms.gle
Pour obtenir plus d’informations sur le RLQ – Réseau des lesbiennes du Québec, visitez le site web: rlq-qln.ca
Références d’article : (1) cutt.ly/9txgkn8 (2) tetu.com (3) www.lapresse.ca