Dimanche, 19 janvier 2025
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    «Homme, es-tu capable d’être juste?»

    Voilà la phrase qui ouvre la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne écrite par Olympe de Gouges en… 1791. Voilà pour celles et ceux qui pensent que le féminisme a commencé avec Balance ton porc ou encore avec Simone de Beauvoir. Certes, de nos jours on écrirait Déclaration des droits DES femmeS. Et on aurait commencé le texte par «Hommes, êtes-vous capables d’être justes ?». Soulignons aussi que cette femme de lettres a laissé aussi de nombreux écrits en faveur de l’abolition de l’esclavage.

    Et pourtant, dans cette lutte pour plus d’égalité et d’équité pour les femmes, on ne peut faire l’économie de parler des hommes. Eux qui n’ont de cesse n’ont eu de cesse de maintenir leur pouvoir et les privilèges, seraient donc sourds et aveugles à tout ce qui viendrait égratigner, voire bousculer leur statut. Certains ont entrepris le virage, d’autres acceptent contraints les
    premiers changements, d’autres se sentent rejetés et se la jouent victimes. Bref, si certains s’arc-boutent à leur pouvoir ancestral accusant les féministes de vouloir – selon eux – les castrer, d’autres se sentent désorientés et ne sachant plus comment se comporter, enfin une minorité ose risquer le changement.

    Bien sûr, depuis un demi-siècle les choses ont changé, du moins dans les pays occidentaux. De plus en plus de femmes occupent des postes autrefois chasse-gardée des mâles, leurs voix se font entendre, elles brisent, comme on dit, des plafonds de verre. Chaque petite victoire est abondamment soulignée mais le bruit que l’on fait autour en rajoute dans l’exceptionnalité, la rareté, et en dit long sur le chemin qui reste à parcourir. Une femme en partance pour Mars, une autre nommée cheffe des armées, une autre ayant fait une découverte, l’exceptionnalité mais encore teintée par la surprise qu’une femme puisse aller sur mars, ou devenir cheffe des armées, cela surprend. En revanche, cela donne de l’espoir aux plus jeunes femmes et filles de ne plus se sentir inférieures. La nature ne les assujetties pas à jouer la femme derrière le grand homme.

    Certes, on progresse mais encore faudrait-il qu’avec leur entrée dans l’arène de la vie sociale, professionnelle, politique, elles ne doivent se conformer aux codes établis par les hommes et de se sentir obligées de les singer. C’est souvent le prix à payer pour atteindre les arcanes du pouvoir et avoir le droit de s’asseoir auprès de leurs collègues. Et mieux, si elles pouvaient dans
    le même temps rester très féminines dans leur habillement, elles éviteraient de faire de l’ombre à leurs homologues en veston-cravate.

    Une façon de les tolérer dans la mesure où elles n’oublient pas qu’elles sont tolérées, qu’elle ne fasse pas de vagues. La députée Catherine Dorion l’a appris à ses dépens. Et les critiques ne venant pas seulement que des hommes. Et souvenez-vous de la campagne électorale municipale de 2017 des affiches de Valérie Plante avec, inscrit en gros au-dessus de son visage, «L’homme de la situation.» On percevait l’humour mais en même temps elle pointait une défiance bien ancrée encore dans la population, est-ce qu’une femme aurait bien toutes capacités, que les hommes auraient naturellement pour gérer une grande ville.

    « Je rêve que lors de la prochaine campagne électorale d’un Denis Coderre (s’il se présente comme candidat) qui utiliserait comme slogan : «La femme de la situation». Je rêve, je sais». Et pourtant, si les hommes – pas tous, je le sais aussi – étaient un peu moins imbus de leur sentiment de supériorité, ils n’auraient aucune difficulté à se dire parfois la femme de la situation. Débarrassés de leurs œillères et moins obsédés par la taille et la raideur de leur phallus, ils pourraient comprendre qu’ils ont peut-être tout à gagner des avancées du féminisme. Entre autres de ne plus tenter de se définir et de se comporter au regard d’un idéal de virilité qui par définition ils n’atteindront jamais. Ils pourraient enfin déposer les armes et ne plus se croire investis de missions souvent bien plus grandes qu’eux.

    Ils pourraient apprendre des femmes, eux qui ont toujours joué aux enseignants avec elles, découvrir ce qu’elles peuvent apporter, et s’en inspirer. Mais cela demande un énorme changement pour eux, collectivement et individuellement. Et ne croyez pas que je vise seulement les hommes cisgenres et hétérosexuels. Pour avoir longtemps fréquenté des groupes gais, au-delà des simples déclarations d’intention condamnant le sexisme, des commentaires peu élogieux à l’égard des lesbiennes, des femmes et des personnes trans, trahissaient encore une perception bien clivée des rôles des hommes et des femmes. Certes, cela change, et surtout sur les plus
    jeunes qui sont moins accrochés à l’idéal normé de la masculinité tel qu’imposé depuis bien trop longtemps.

    De même, ils sont de plus en plus nombreux à se définir comme hommes-féministes, un premier pas, certes encourageant, mais insuffisant. Il ne suffit pas de poser des gestes de solidarité ou encore de manifester du respect pour les femmes. Il ne suffit pas comme certains le font de dénoncer le sexisme pour s’en débarrasser, il faut qu’ils opèrent en eux et dans la société une révolte contre leur propre masculinité, de n’être plus des spectateurs bienveillants des luttes féministes, mais de comprendre que leur propre remise en question sera le garant d’une réelle et non plus formelle égalité, en fait qu’ils pourraient devenir des hommes justes.

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