Dimanche, 3 novembre 2024
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    Dans la solitude du Terminal 3


    Le nouveau roman d’Éric Mathieu (Les suicidés d’Eau-Claire et Le Goupil) s’amorce littéralement sur les chapeaux de roue : alors que Nathan, son personnage principal, déambule dans les rues d’Ottawa, il est témoin d’un accident de circulation.

    Après avoir secouru l’automobiliste, il le reconduit à la résidence de ce dernier puis accepte de retourner au véhicule pour récupérer un portefeuille et une mystérieuse enveloppe. Lorsqu’il se trouve à nouveau devant la demeure, les lieux semblent abandonnés, comme si personne ne les avait réellement fréquentés, ou si peu, depuis maintenant des lustres.

    Sur place, il trouve également un bristol comportant l’inscription «Où est Mother Grey? Je veux visionner PKD», suivie de phrases rédigées dans un alphabet inconnu. Que faire avec les effets personnels du passager? Les laisser sur place? S’agit-il même de la véritable résidence de ce dernier? Dépité, il se résout à ouvrir l’enveloppe et se retrouve devant un manuscrit intitulé Dans la solitude du Terminal 3.

    C’est à partir de ce moment que le roman s’engage allégrement dans les eaux du surréalisme : ni le lecteur ni Nathan ne sont jamais tout à fait certains du caractère tangible des évènements qui s’ensuivent. Ajoutons que l’action se déroule en 1984 et qu’une consommation frénétique de drogues et d’alcools de toutes sortes ne vient qu’accélérer l’atmosphère chaotique dans laquelle sont plongés les personnages.

    Les évènements vont par ailleurs mettre notre bon Samaritain en contact avec l’intelligentsia artistique montréalaise de l’époque, et plus particulièrement avec Antoine Dulys, un écrivain de renom dans les bras desquels il tombe rapidement. Une faune qui le fascine et l’effraie à la fois tant elle lui semble décalée du réel.

    Le livre rappelle certaines œuvres surréalistes marquantes des années 80 (le film Le festin nu de David Lynch en est un bon exemple) où la frontière qui sépare la réalité du délire est très mince. Nathan y explore bientôt les mécanismes d’un mystérieux appareillage qui lui permet d’accéder à un mode parallèle et à sa mère décédée – du moins en est-il convaincu. Le roman alterne entre le récit subjectif de Nathan, au cœur d’une réalité qui est peut-être altérée, et celui qui semble plus objectif des autres (amis, policiers, médecins) qui ramène ponctuellement le balancier du côté de la réalité.

    La conclusion permet de faire la lumière sur les évènements, mais reste fidèle aux œuvres oniriques dont le roman se veut l’écho et auxquelles l’auteur rend hommage. Elle nous laisse également sur plusieurs points d’interrogation et sur un revirement où le futur et le passé semblent entrer en collision. Un roman exigeant, mais ô combien riche, qui permet de jeter un regard intérieur, presque voyeur, sur la création et les créateurs, le tout par le biais d’un récit où la réalité n’est jamais très loin d’une simple vue de l’esprit.

    INFOS | Dans la solitude du Terminal 3 / Éric Mathieu. [Québec] : La Mèche, 2021. 301p.

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