Malgré des mœurs plus libérales et une influence religieuse moindre que dans les autres pays d’Europe centrale, le projet visant à autoriser le mariage gai continue de faire du surplace en République tchèque. Une situation dont se désole l’hebdomadaire Respekt, qui invite ses lecteurs cette semaine à parler de sexe, et plus encore d’amour.
«Parlons de sexe», propose à ses lecteurs Respekt en titre de la couverture pleine de cœurs rouges de son dernier numéro. «Pourquoi est-ce si difficile, alors que c’est salutaire, et par où commencer», se demande l’hebdomadaire libéral au-dessus d’un dessin montrant un homme s’efforçant de séduire une femme sur un ton moderne : «Je peux proposer du sexe démocratique, y compris une harmonie des âmes, comme acte consensuel centré sur la satisfaction de la femme en tenant compte de la plus grande émancipation des femmes ou des minorités sexuelles.»
Le magazine consacre un long article à l’éducation sexuelle et à l’amour sous toutes ses formes dans un pays, la République tchèque, où les députés ont récemment rouvert le débat sur le mariage pour tous sans toutefois parvenir à une avancée marquante, comme le regrette le rédacteur en chef de Respekt. «Un pays qui croit en l’amour est plus fort», affirme-t-il en titre de son éditorial, avant de préciser son propos :
«Nous nous engageons tous dans le mariage remplis de l’espoir que nous serons heureux ensemble, que nous nous aimerons, que nous vieillirons ensemble. Nous y croyons, même si nous savons depuis notre plus jeune âge que la fin de l’histoire n’est pas forcément heureuse.»
«Nous le voyons tout autour de nous dans les films, dans les livres et dans les familles… Pourtant, des générations et des générations essaient encore et toujours. Habitées par cet espoir. Pas en raison d’une institution appelée mariage, mais à cause de l’amour.»
Un projet qui divise le Parlement
Au sein d’une coalition gouvernementale tchèque de centre droit composée de cinq partis, le projet d’amendement du Code civil visant à autoriser le mariage homosexuel ne fait pas l’unanimité. Si, par exemple, tous les députés du Parti pirate sont favorables à son adoption, leurs partenaires chrétiens-démocrates y sont, eux, opposés, de même qu’un grand nombre de représentants des deux formations conservatrices, en premier lieu le Premier ministre, Petr Fiala.
Comme à plusieurs reprises déjà, il apparaît donc peu probable que la République tchèque, où seule l’union civile est légalisée, devienne prochainement le quatorzième pays de l’UE où les mariages de personnes de même sexe seraient reconnus. Toutefois, à la différence de la Slovaquie et de la Pologne voisines, ou encore de la Hongrie, autant de pays où l’influence de l’Église catholique reste traditionnellement très forte, la République tchèque n’envisage pas de définir constitutionnellement le mariage comme l’union stricte d’un homme et d’une femme.
Toujours selon le rédacteur en chef de Respekt, le débat n’a pourtant plus vraiment lieu d’être dans le contexte actuel :
«Si le mariage était considéré comme quelque chose de noble, nous n’empêcherions pas les couples homosexuels qui s’aiment de se marier. L’expression de l’amour ne peut jamais nuire, elle ne peut pas plus affaiblir les institutions que l’État ou la morale», prétend-il ainsi.
«Notre monde traverse une crise profonde, et même si cela peut sembler naïf, seul l’amour nous permettra d’en sortir. À l’heure de la guerre, des effets du changement climatique ou des problèmes économiques, l’outil le plus puissant contre le désespoir est de savoir que nous aimons et que nous sommes aimés», conclut-il pour convaincre ses lecteurs.