Pas de mobilisation communautaire, pas de déclaration commune pour dénoncer les coupures du financement pour que Interligne offre une ligne d’écoute la nuit à celles et ceux qui ressentiraient le besoin de parler quand le mal de vivre se fait trop grand.
Bien sûr, comme l’ont déjà déclaré certain.e.s représentant.e.s du gouvernement, il existe déjà des lignes généralistes pour offrir une écoute aux personnes en plein désarroi. On oublie que lorsque notre soleil est noir, on veut parler à quelqu’un chez qui notre souffrance peut avoir un certain écho. Et quand on est issu.e d’une minorité, on pense qu’en étant écouté par une personne qui fait partie de cette même minorité, on ne sera pas confronté.e à l’ignorance, voire encore aux préjugés, et que l’on pourra aller directement au cœur du problème.
Le Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie ne semble pas concerné. Il est vrai que sa mission est essentiellement dirigée vers les communautés non 2SLGBTQ+ pour les informer, les sensibiliser, les éduquer*. Interligne recevant des appels des personnes des communautés 2SLGBTQ+ ne peut donc se qualifier pour une quelconque subvention. Ce qui pose la question suivante : ne devrait-on pas élargir le mandat du Bureau de lutte contre l’homophobie et de la transphobie pour lui permettre d’élargir ses zones d’intervention?
Au moment où je rendais ma chronique concernant le silence des groupes communautaires et de leur manque de soutien à Interligne, Fugues recevait une longue lettre du Conseil québécois LGBTQ pour souligner ses trente ans d’existence, et rappeler le chemin parcouru en termes de reconnaissance juridique et sociale. À la lecture de ce long rapport, je pouvais donc envoyer ma chronique à la poubelle. Sauf qu’à la lecture détaillée de ce long texte, je me rendais compte que je n’étais pas complètement dans le champ.
Je m’inquiétais du fait que si le Conseil québécois travaillait pour faire avancer les dossiers, il le faisait dans le silence. Pas pour les concerné.e.s mais pour l’ensemble de nos communautés. Et l’on apprend que le Conseil est sur tous les fronts des concertations organisées aussi bien par le provincial que le fédéral, que par des grands organismes ou institutions à vocation sociale. On est content, ils et elles sont présent.es. et défendent aurais-je envie d’écrire les couleurs de l’arc-en-ciel. Mais par exemple, leur prise de position contre les thérapies de conversion en soutien avec le gouvernement fédéral n’a pas été très publicisée. Tout comme on attend que leurs voix s’élèvent dans ce qui arrive à Interligne.
Bien sûr, nous sommes arrivés à une époque dans notre histoire où il n’y a plus de grands enjeux qui peuvent mobiliser l’ensemble des composantes de nos communautés comme à l’époque pour la reconnaissance du mariage par exemple. Bien sûr, nous avons gagné au cours de ces trois décennies une qualité de vie et de sécurité en tant que minorités qui suscite l’envie dans beaucoup de pays où l’oppression envers les minorités sexuelles est tout à fait scandaleuse. Bien sûr, nous avons conquis des droits et certains conservateurs se demandent si l’existence d’un Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie a encore sa place. Après tout, cela pourrait aussi se discuter.
J’écrivais dans ma défunte chronique et en empruntant à Yvon Deschamps : Un Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie, tout comme un Conseil québécois LGBTQ+, qu’ossa donne ? Il y a encore tant de choses à faire, tant de personnes à aider qu’il est important de continuer. Que l’on parle du vieillissement, de l’itinérance, du suicide, de la toxicomanie, de la parentalité, des personnes trans, etc. il y a du pain sur la planche.
Et le Conseil québécois LGBTQ le fait, il suffit de lire son texte, mais aurais-je envie de dire en toute confidentialité. Si j’étais mauvaise langue – je le suis – mais que si sur les dernières années il a été de toutes les consultations, de toutes les concertations où il avait sa place, ou encore présenté nombre de mémoires en commission parlementaire. Les résultats au final sont minces. Cet engagement était nécessaire et essentiel mais les résultats au final sont minces. Et cela dénote un changement de comportement dans la façon d’envisager l’engagement communautaire. Signe des temps peut-être. On travaille en concertation, lors de rencontres plus ou moins formelles, mais sans avoir aujourd’hui le réflexe de penser en termes de collectif. En fait, nous n’avons plus de militant.e.s qui mettaient un point d’honneur à chercher avec plus ou moins de succès à mobiliser les principaux et principales intéressé.e.s, conscient de travailler pour le plus grand nombre et donc de lui rendre des compte en le tenant informé.
Un ami me faisait remarquer que l’on était passé au sein des organismes de militant.e.s à gestionnaires. On veille avant tout à préserver et à faire vivre la structure pour qu’elle puisse le mieux possible assurer sa mission. Et l’on préfère les rencontres avec les décideurs et les payeurs – les gouvernements – plutôt que de sortir sur la place publique, ou encore de faire appel à un soutien plus populaire quand cela ne se passe pas bien pour ne pas effaroucher celles et ceux qui tiennent les cordons de la bourse. C’est un point de vue. Il n’en reste pas moins qu’il est paradoxal à l’heure des communications où tout le monde se sert des médias sociaux conscients de l’importance d’être visibles que le Conseil québécois le soit si peu. Le Conseil québécois LGBTQ rappelle que son Plan de revendications communes ancre ses prises de positions politiques dans les réalités et les priorités de ses membres (je cite). Il est alors paradoxal qu’il ne soit pas fait référence à la fermeture de nuit de la ligne d’écoute d’Interligne, un des organismes qui est aux premières loges du Conseil québécois LGBTQ.