L’année 1925 s’annonce tout sauf heureuse pour Jean Cocteau puisqu’elle se place sous l’enseigne de la mort de son amant, Raymond Radiguet, décédé un an plus tôt et dont il pleure toujours la disparition. Pourtant, la lettre d’un admirateur transi — Jean Desbordes — va le ramener à la vie alors qu’il lui répond par trois petits mots : « Venez me voir. » C’est le début d’une histoire passionnelle entre le jeune homme de 19 ans et celui qui est déjà un bonze de la littérature et des arts du haut de ses 36 chandelles. D’abord placée sous le signe d’une passion mutuelle, la relation évolue éventuellement vers celle d’un Pygmalion et de son élève.
Cocteau lui déclare d’ailleurs : « J’aurai des mains surnaturelles pour t’aider, te diriger, te glorifier, t’endormir. Je t’aime jusqu’à la mort. » C’est sous ces auspices que Jean Desbordes publie J’adore, en 1929, pour lequel son mentor rédigera une préface. Cette première missive de 1925, mélange d’innocence et d’adoration, amorce une série d’échanges sur fond de créations littéraires au gré d’une relation en dents de scie, ponctuée d’une jalousie exacerbée de Cocteau, de multiples ruptures et réconciliations et d’une consommation immodérée d’opium.
En 1944, alors qu’il œuvre pour la Résistance, Desbordes est torturé puis tué par la Gestapo. La correspondance entre les deux hommes est publiée ici, pour la toute première fois, dans son intégralité. Leur relation tumultueuse se dressera en filigrane de la production littéraire des deux hommes et malgré la tempête qui la secoue parfois, Cocteau demeurera toujours charmé par son élève et amant :
« Même le soleil a des taches. Votre cœur n’en a pas. Chaque jour vous me donnez ce spectacle : votre surprise d’apprendre que le mal existe. »
La correspondance s’accompagne d’un texte biographique de Marie-Jo Bonnet ainsi que d’une reproduction des préfaces de Cocteau pour deux ouvrages de Desbordes, J’adore et Les tragédiens, ainsi que d’une entrevue qu’il a accordée en 1959 à Radio-Nice. Les passionnés de Cocteau ou de Desbordes plongeront également avec plaisir dans l’ouvrage d’Olivier Charmeux : Le Glorieux et le Maudit.
INFOS | Jean Cocteau : Je t’aime jusqu’à la mort, correspondance avec Jean Desbordes, 1925-1938 / Marie-Jo Bonnet, éditrice. Paris : Albin Michel, 2023, 277 p.