Trois ans après avoir accueilli la Conférence internationale sur le sida, Montréal devient de nouveau le carrefour de la recherche sur le VIH et les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS). Du 26 au 30 juillet, la métropole reçoit 1 500 chercheurs, cliniciens et militants dans le cadre du congrès STI & HIV 2025, une rencontre d’envergure consacrée aux nouvelles approches de dépistage, à la prévention, à l’intelligence artificielle en santé sexuelle et aux défis posés par les coupes budgétaires américaines.

L’autodépistage : vers une nouvelle ère
L’une des révolutions en cours concerne le dépistage à domicile. Selon le Dr Marc Steben, médecin de famille à Montréal et coprésident du congrès, « dans quelques années, il sera probablement possible de faire des tests à la maison pour beaucoup d’ITSS, et ce, de manière fiable ». Il cite notamment des données impressionnantes issues d’un projet pilote en Afrique australe, où il a dirigé une étude sur l’autodépistage du VPH (virus du papillome humain) en Eswatini : seulement un spécimen sur 800 était inadéquat.
Le Dr Steben, qui est également président de la Société internationale de recherche sur les maladies transmises sexuellement (MTS), siège au conseil d’administration de l’Union internationale contre les ITSS et préside le comité d’éducation de l’International Papillomavirus Society, souligne qu’on se dirige vers des tests semblables à ceux de la COVID-19 ou de grossesse. Certains dispositifs, en développement, pourraient même être connectés à un téléphone intelligent.
Une entreprise montréalaise, Rynd Biotech, travaille d’ailleurs sur une technologie permettant de dépister la chlamydia et la gonorrhée à l’aide d’un simple cellulaire. Toutefois, en raison d’incertitudes réglementaires, la compagnie lancera d’abord un test urinaire de dépistage du cancer de la vessie, qui pourrait être commercialisé dès 2028 ou 2029.
PrEP, PPE et antibiotiques
Le congrès s’intéresse aussi aux avancées majeures en matière de prophylaxie. La prophylaxie pré-exposition (PrEP), aujourd’hui disponible sous forme d’injections semestrielles, permet désormais d’éliminer pratiquement le risque d’infection au VIH pour les personnes à risque. Quant à la prophylaxie post-exposition (PPE), elle peut prévenir l’infection si elle est administrée dans les jours suivant une exposition. Plus récemment, on a étendu ce principe à certaines ITSS comme la gonorrhée, à l’aide de la doxycycline — une approche baptisée doxy-PPE. « On craignait une résistance aux antibiotiques avec la gonorrhée, mais à notre grande surprise, cela ne s’est pas produit », souligne le Dr Steben.
La recrudescence des cas de gonorrhée, particulièrement chez les hommes, inquiète cependant. Au Québec, leur nombre a plus que triplé en dix ans, un phénomène que certaines études relient à l’usage accru de la PrEP, qui a pu entraîner une diminution de l’usage du condom.
L’IA, alliée de la prévention?
L’intelligence artificielle s’invite aussi dans les stratégies de santé sexuelle. Certains patients préfèrent discuter avec un agent conversationnel plutôt qu’un humain, notamment pour des conseils de dépistage. « Un patient qui se fait tester aux trois mois n’a pas envie de se faire demander encore combien de partenaires il a eu », observe le Dr Steben. L’IA pourrait donc faciliter l’accès aux soins pour les personnes souhaitant plus de discrétion ou d’autonomie.
La crise du financement : les impacts des coupes américaines
Si les avancées scientifiques sont nombreuses, leur déploiement est freiné par des difficultés financières. Le congrès de Montréal subit de plein fouet les coupes budgétaires de l’administration Trump, qui ont provoqué un déficit de 400 000 $ sur un budget d’un million. « On a pu compter sur l’aide de la Fondation Gates, d’associations médicales, de l’Agence de la santé publique du Canada et des surplus du congrès de Vancouver en 2019 », explique le Dr Steben.
La participation des chercheurs américains a chuté de moitié. En réponse, un tarif spécial a été mis en place pour les scientifiques ayant perdu leur laboratoire, leur emploi ou leurs subventions.
Plus largement, la baisse brutale des fonds américains consacrés à la lutte contre le VIH et les ITSS obligera plusieurs pays en développement à combler le vide. « En Afrique du Sud, en Éthiopie, au Rwanda et au Sénégal, les gens prennent les choses en main, mais l’accès aux antirétroviraux sera compromis pendant un ou deux ans, et l’incidence va augmenter. On risque de voir plus de bébés naître avec le VIH », avertit-il.
Des Québécois absents… faute de ressources
Enfin, le Dr Steben déplore que le manque de personnel et les compressions budgétaires au Québec empêchent de nombreux professionnels de la santé de participer au congrès. « On a les meilleurs chercheurs du monde qui viennent nous montrer les bonnes pratiques, mais les Québécois seront peu nombreux à y assister », dit-il.
EN CHIFFRES
422 nouveaux diagnostics de VIH ont été posés au Québec en 2022, pour environ 11 900 personnes vivant avec le virus. Sources : INSPQ, Agence de la santé publique du Canada
25,6 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde. En 2022, 380 000 décès lui ont été attribués. Source : ONUSIDA
760 000 nouveaux cas de VIH ont été diagnostiqués à l’échelle mondiale en 2022. Source : ONUSIDA
Sources STI & HIV 2025