Certains parlent de recul, mais restons positifs et optimistes. Peut-être n’est-ce qu’une pause. Toutefois, compte tenu des dernières prises de position du gouvernement caquiste, force est de constater que le fossé se creuse au regard des dernières décisions de certains ministres. Passons rapidement sur le fameux Comité des sages décidé par le gouvernement pour faire le point sur les jeunes trans et au sein duquel ne se trouvait aucune personne trans, ce qui était déjà une claque infligée et une non-reconnaissance de tous les organismes trans qui ne cessent de produire de la documentation pour… rassurer le reste de la population.
Rappelons que la CAQ est mise à mal dans les sondages. Et pour son chef, qui souhaite de nouveau être élu en 2026, rien n’est trop beau pour séduire une partie de l’électorat plus conservateur ou encore pour jouer dans les plates-bandes du Parti québécois. Et, on le sait, ni les conservateurs et, dans une moindre mesure, le Parti québécois, ne sont très ouverts quand il est question du genre. Loin de là.
Alors, tranquillement, le gouvernement prend un virage à droite quand il s’agit des droits de la personne, des 2SLGBTQ+ ou encore de l’immigration.
Un remaniement ministériel a eu lieu et il n’y a aucun.e ministre responsable du Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie. En fait, cette responsabilité revient à la Secrétaire à la condition féminine, Caroline Proulx. Il est précisé dans le libellé de son poste que la Secrétaire portera une attention à « la sensibilisation aux réalités spécifiques des personnes LGBTQ et au respect de leurs droits ». Pas bien méchant, diront certains, d’autant qu’après le passage de Martine Biron, dûment responsable du Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie, plusieurs se disaient, et j’en suis : à quoi cela a-t-il servi d’avoir un ou une ministre, compte tenu de son peu d’action au cours de son mandat ? Mais il y avait une dimension symbolique importante de voir les communautés 2SLGBTQ+ reconnues au même titre que les aîné.e.s et les femmes. Elles sont à présent reléguées au second plan.
Respects de leurs droits. On a hâte d’entendre la ministre Caroline Proulx s’exprimer sur la directive du ministère de la Sécurité publique du Québec, en date de juin dernier, qui mentionne que dorénavant les personnes incarcérées seront détenues selon leur « sexe anatomique ». Avant cette directive, on tenait compte de l’identité de genre pour déterminer l’établissement dans lequel une personne serait incarcérée. Cette décision a été prise de façon unilatérale et sans consultation avec les personnes et les groupes intéressés. De quels respects des droits des personnes LGBTQ parle-t-on alors ? Et n’est-ce pas la preuve d’un recul ?
Enfin, tout récemment, le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, a annoncé que l’usage de l’écriture inclusive serait interdit dans toutes les sociétés d’État. Pour se justifier, il dit suivre les recommandations de l’Office québécois de la langue française (OQLF). À croire que le ministre n’a pas lu sur le site de l’OQLF la page sur l’écriture inclusive : Rédiger épicène pour des écrits plus inclusifs. Certes l’OQLF reste conservateur, mais fait preuve d’ouverture et est sensible aux changements qui se produisent, tout en proposant des solutions. En aucun cas, il n’est suggéré
d’interdire.
Pas de quoi s’affoler, mais quand on veut supprimer des droits, on commence généralement doucement. On rabote tranquillement. Quand on regarde ce qui se passe aux États-Unis, on s’en rend compte. On n’interdit pas forcément l’avortement, mais on en resserre les critères pour y avoir accès. Et l’on s’en prend aux personnes trans qui font tache dans le portrait des sociétés hétéronormées. Normal, iel.le.s, ils et elles sont moins nombreuses et nombreux et, de plus, ont l’audace de réclamer d’être des citoyen.ne.s à part entière et non de seconde zone, avec des devoirs, certes, mais aussi des droits.
Reste à savoir quelle stratégie adopter. On continue à maintenir des liens avec le gouvernement, en privilégiant des liens plus personnels avec des ministres auxquels on fait part des inquiétudes, en leur demandant ce qu’ils et elles peuvent faire. On ne veut pas que les portes soient complètement fermées. Une stratégie qui commence à montrer ses limites. Dans les exemples choisis de ce recul, en aucun cas les groupes communautaires n’ont été consultés et le strapontin que leur a offert le Comité des sages n’a été qu’une mascarade, puisque leurs recommandations ne se retrouvent pas dans le rapport final.
Il est peut-être temps de se tenir debout, comme viennent de le faire le Conseil québécois LGBT et Juritrans, qui ont mis en demeure le gouvernement du Québec afin qu’il revienne sur sa décision d’incarcérer les personnes dans des établissements pénitenciers en fonction de leur sexe anatomique et non selon leur identité de genre. Un premier pas, mais qui pourrait être suivi par d’autres quand les communautés 2SLGBTQ+ voient que leur reconnaissance et leurs droits sont attaqués.
D’autant plus que, comme on le voit en lisant les chroniqueurs et chroniqueuses sur les réseaux sociaux d’ici et d’ailleurs, le coming out homophobe et transphobe est de plus en plus dans l’air du temps. On ne se gêne plus, on ne se garde plus de petite réserve, on assume sans aucune vergogne.
Il est bon, pour des responsables d’organismes, de se retrouver à la Garden Party organisée par François Legault chaque mois de juin, de se faire prendre en photos avec les ministres et de les publier pour montrer que tout va bien dans le meilleur des mondes. On me répète que c’est important d’y être pour maintenir des liens interpersonnels avec les décideurs et les décideuses, mais les bulles de champagne doivent avoir un goût de plus en plus amer.
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