Il a créé la surprise à la fin du mois d’août dernier. Claude Pinard, président et directeur général de Centraide du Grand Montréal, a choisi de rejoindre Ensemble Montréal et de se présenter comme candidat au poste de conseiller municipal dans le district de Saint-Jacques, dans l’arrondissement de Ville-Marie. En cas de victoire d’Ensemble Montréal, Soraya Martinez Ferrada a annoncé qu’il dirigerait le comité exécutif de la Ville, ce qui en ferait le numéro deux de Montréal.
Peut-être une demi-surprise seulement. Depuis l’automne dernier, son nom circulait déjà, mais l’homme avait laissé entendre, lors d’une émission de télé en janvier 2025, qu’il préférait continuer à soutenir le communautaire.
Fugues. Pourquoi le saut en politique municipale ?
CLAUDE PINARD : Nous avons eu plusieurs rencontres avec Soraya Martinez, et je n’étais toujours pas décidé. Mais il faut croire qu’elle a su me convaincre, persuadée qu’au regard de mon parcours je pouvais faire une différence.
Lors du point de presse, vous avez présenté comme priorité, si vous étiez élu, la nécessité de la concertation, de parler avec les gens ?
CLAUDE PINARD : Dans mon travail, j’ai toujours été près de ma gang. Et je le constate quand je lis tous les beaux messages que j’ai reçus, d’employés ou encore de responsables syndicaux. J’aime rencontrer les gens, parler avec eux, entendre leurs aspirations pour m’en inspirer, et c’est une des raisons qui m’ont poussé à me présenter. La concertation est importante pour moi, surtout quand on doit prendre des décisions. C’est ce que j’appelle le leadership collaboratif, et en parlant, on peut ainsi se fonder des assises très solides grâce à la connaissance des enjeux locaux. Et cette connaissance ne peut s’acquérir qu’en parlant aux gens. Alors on va me voir, et pas seulement pendant la campagne, mais aussi si je suis élu. Je suis par exemple allé dans le Quartier chinois le lendemain de ma nomination comme candidat, puis dans le Village. Je veux être présent : c’est mon style et mon approche.
Est-ce que votre expérience à Centraide du Grand Montréal vous aide déjà à mieux saisir les différents défis de l’arrondissement de Ville-Marie et, plus précisément, du district de Saint-Jacques ?
CLAUDE PINARD : Je ne prends rien pour acquis. À Centraide, je me déplaçais toujours seul pour rencontrer les directions générales, les conseils d’administration et les utilisateurs de services des organismes. C’était ma méthode. Comme candidat aujourd’hui, je ne prends pas pour acquis que j’ai une bonne connaissance du quartier, même si j’ai parlé avec Daniel Matte (fondateur et ex-membre de l’Association citoyenne du Village de Montréal) pour comprendre ce qui s’y passe, puis avec d’autres résidents du quartier que je connais. Mais je sais que je dois encore rencontrer du monde pour avoir un meilleur portrait des enjeux.
La question du logement semble être une des grandes préoccupations d’Ensemble Montréal ?
CLAUDE PINARD : Soraya Martinez Ferrada a fait plusieurs sorties sur le thème. Pour moi, la question du logement est essentielle, car ne pas avoir de logement est un accélérateur de vulnérabilité, avec comme conséquence l’itinérance, par exemple. Il est donc important de poser plusieurs actions pour mobiliser la société civile. Je m’appuie sur ce qui se fait dans le secteur Namur-Hippodrome avec la création du Groupe d’accélération pour l’optimisation du projet de l’hippodrome (GALOPH), mis en place en 2023 et auquel je participe. C’est un projet dans lequel sont investis la Ville de Montréal et le gouvernement du Québec, avec un potentiel de 12 500 logements, dont des logements sociaux. Bien sûr, il s’agit de créer des logements, mais aussi de tenir compte du développement d’un quartier, de ses commerces, de ses espaces verts, de ses écoles, tout en s’assurant d’un bon réseau de transport en commun. Donc, je pense qu’il faut multiplier les initiatives dans ce sens.
Si l’on revient au sud de Montréal et au Village, il y a des problématiques récurrentes : l’itinérance, la toxicomanie et la santé mentale, qui seraient entre autres à l’origine du sentiment d’insécurité. Pour beaucoup de résidents et de commerçants, il y a beaucoup de promesses, mais peu de résultats.
CLAUDE PINARD : La seule façon d’arriver à des changements concrets, c’est d’avoir tout le monde autour de la table, et c’est ce que je m’engage à faire. Mais s’asseoir autour d’une table pour passer à l’action. Je n’aime pas le vide et je pense qu’il y a un très grand vide au niveau du leadership sur tout ce qui concerne les enjeux sociaux. Cela me fait de la peine quand vous dites qu’on ne voit pas les résultats. C’est notre responsabilité d’en avoir. Un des premiers changements, si Ensemble Montréal est élu, c’est que ce vide en matière de leadership sera rapidement comblé.
Pour aborder les enjeux sociaux, vous parlez d’une approche systémique.
CLAUDE PINARD : Il faut effectivement réunir l’ensemble des acteurs et actrices sur le terrain pour définir un projet commun. Il existe beaucoup d’initiatives qui atténuent les effets de la pauvreté, de la vulnérabilité, d’aide aux itinérants. Mais on oublie de travailler en amont sur les causes qui amènent des gens dans la rue. Il faut regarder en amont et travailler sur les causes, pas seulement offrir des services quand il est trop tard. Je parle beaucoup de ce que j’appelle la collaboration radicale. Cela demande à chacune des personnes — qu’elles soient issues du milieu des affaires, du milieu politique ou communautaire — de porter un manteau d’humilité. Comprendre que l’on n’est pas là pour défendre ses propres intérêts, ceux de la Ville ou ceux des organismes, mais uniquement tournés vers ceux de la population. J’ai peut-être cette capacité de fédérer et j’ai le sentiment, après en avoir souvent discuté avec Soraya Martinez Ferrada, que cela correspond à ce que souhaite faire Ensemble Montréal.
Êtes-vous au fait des enjeux du Village ?
CLAUDE PINARD : Comme vous le savez, je n’habite pas le quartier. Alors je rencontre beaucoup de monde de l’arrondissement pour me faire une idée. Pour le Village, je parle beaucoup avec Daniel Matte, et je vais continuer à parler aux gens pour pouvoir faire une différence concrète. J’ai même inventé un mot pour me qualifier : la « concrétude », soit amener les gens à travailler ensemble dans un but commun. Pour le Village, bien sûr, mais à l’échelle de Montréal aussi. Dans les années 1980, il y avait une campagne publicitaire qui disait : La fierté a une ville : Montréal. Et c’est la motivation d’Ensemble Montréal de rendre sa fierté à Montréal.
– Agent officiel : Marc Abi-Khalil

