Samedi, 1 novembre 2025
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    L’héritage durable de l’activiste du sida Elizabeth Taylor

    La plus grande vedette de cinéma du 20e siècle, Elizabeth Taylor, a déjà déclaré : « J’en voulais à ma célébrité, jusqu’au jour où j’ai compris que je pouvais m’en servir. » Et elle l’a fait, avec force et conviction, en menant une véritable guerre contre la pandémie du VIH et du sida.

    Cofondatrice de l’amfAR (The Foundation for AIDS Research) et fondatrice du Elizabeth Taylor AIDS Foundation, l’actrice a bouleversé à jamais la perception publique de la maladie et contribué à l’avancement de l’égalité LGBTQ+. À une époque où peu osaient défendre les hommes gais, dans les années 1980, elle a mis sa notoriété au service d’une cause qui faisait peur, brisant le silence autour du VIH/sida et exigeant compassion, financement et recherche, alors que le monde détournait le regard.
    En mars 1984, Joan Rivers avait animé la toute première collecte de fonds pour le AIDS Project Los Angeles (APLA), amassant 45 000 $ au Studio One de Los Angeles. Mais c’est Elizabeth Taylor qui a organisé le premier grand gala contre le sida, le Commitment to Life Dinner, le 19 septembre 1985, qui a permis de récolter 1,3 million de dollars pour les soins aux patients de l’APLA. Plus de 2 500 personnes y ont assisté, dont Shirley MacLaine, Sammy Davis Jr. et Carol Burnett.

    Dans sa biographie Elizabeth Taylor: The Grit & Glamour of an Icon (2022), Kate Andersen Brower écrit : « Au début, c’était un combat solitaire. Des dirigeants de studios à qui Taylor avait pourtant rapporté des millions lui raccrochaient au nez. Pire encore, son ami et ancien amant Frank Sinatra a refusé de l’aider. Michael Jackson aussi hésitait. Beaucoup trouvaient des excuses pour ne pas s’impliquer. Certains conseillers lui ont même dit que s’associer au sida pourrait détruire sa carrière. »

    Deux mois avant ce gala, son grand ami Rock Hudson avait annoncé publiquement, le 25 juillet 1985, qu’il était atteint du sida. Trop malade pour y assister, il avait tout de même acheté pour 10 000 $ de billets et envoyé un télégramme lu à voix haute ce soir-là : « Je ne suis pas heureux d’être malade. Je ne suis pas heureux d’avoir le sida. Mais si cela peut aider d’autres personnes, je peux au moins me dire que mon malheur aura eu une utilité. »

    Rock Hudson est décédé deux semaines plus tard, le 2 octobre 1985.

    Sa mort a galvanisé Elizabeth Taylor. En 1986, elle a témoigné devant le Congrès américain pour réclamer davantage de financement et de recherche sur le VIH/sida. L’année suivante, elle a convaincu le président Ronald Reagan de prononcer enfin un discours sur le sujet — et de prononcer le mot « sida ». Cette même année, lors d’un discours resté célèbre au National Press Club à Washington, elle a déclaré : « J’étais tellement frustrée et en colère face au silence, à ce grand silence assourdissant autour du sida. Personne ne voulait en parler ni s’impliquer. Personne ne voulait donner. Alors je me suis dit : Bitch, fais quelque chose toi-même. Au lieu de te fâcher, agis! »

    En 1991, elle a fondé The Elizabeth Taylor AIDS Foundation, destinée à financer directement les soins aux personnes vivant avec le VIH.

    À l’approche de la Journée mondiale du sida, le 1er décembre, j’ai rencontré Tim Mendelson, son ancien assistant personnel (photographié à ses côtés par Herb Ritts) de 1990 jusqu’à son décès en 2011. Mendelson est aujourd’hui cofiduciaire de sa succession et administrateur de la Fondation Elizabeth Taylor contre le sida.

    Avant de travailler avec Elizabeth Taylor, vous avez commencé en 1984 chez le designer Nolan Miller. Comment cette expérience a-t-elle marqué vos débuts?
    Tim Mendelson : J’ai grandi à Los Angeles et fréquenté une école privée avec des enfants de célébrités — la fille de Paul Newman, les enfants de Michael Landon. J’étais ami avec Melissa Rivers, et un jour, sa mère Joan et son père sont venus nous parler à la cuisine. Joan m’a demandé : « Qu’est-ce que tu veux faire de ta vie? » J’ai répondu : « Peut-être quelque chose dans la mode. » Elle m’a alors dit : « J’ai un lunch avec Nolan Miller demain. Je vais voir s’il a un emploi pour toi. »

    Je suis devenu le shopper de Nolan Miller. Mon travail consistait à trouver les tissus pour ses créations. J’avais 19 ans. C’était l’époque dorée de Dynasty : Nolan dessinait les tenues de Joan Collins, Linda Evans et Diahann Carroll. C’était un vrai cirque! Joan Collins était une diva, Linda Evans un ange. Et moi, j’étais juste un gamin au milieu de tout ça.

    Quand Rock Hudson a tourné dans Dynasty, puis annoncé qu’il avait le sida, c’était terrifiant. Je n’ai fait mon coming out que trois ans plus tard.

    Vous avez ensuite commencé à travailler pour Elizabeth Taylor en 1990. Elle vous a soutenu dans votre identité gaie, tout comme elle soutenait discrètement des vedettes hollywoodiennes encore dans le placard.
    Tim Mendelson : Dès que j’ai intégré l’univers d’Elizabeth, j’ai compris que les hommes gais en faisaient naturellement partie. Elle avait été proche de Rock Hudson, James Dean, Roddy McDowall et Montgomery Clift. C’est même elle qui a présenté Monty à Roddy — ils sont sortis ensemble six mois! Ce n’est pas qu’elle m’ait pris à part pour me dire : « Tim, tu devrais sortir du placard. » Ce n’était même pas une question. Elle aimait et célébrait les hommes gais, sans jugement et sans commérage. C’était tout simplement son monde.

    Vous l’avez accompagnée au mythique bar gai The Abbey à West Hollywood, où elle est devenue une habituée.
    Tim Mendelson : Je me souviens très bien de la première fois. Elle était d’humeur joyeuse, apprêtée, maquillée — prête à sortir. Elle avait toujours hésité à aller dans un bar gai, de peur que ce soit perçu comme un coup publicitaire. Mais ce jour-là, un jeudi après-midi vers trois heures, je savais que l’Abbey serait tranquille. On s’est assis dans une banquette, on a commandé des entrées et des cocktails. Trois hommes, assis au bar, l’avaient reconnue.

    Un à un, ils sont venus la remercier. L’un d’eux, à genoux, les larmes aux yeux, lui a dit qu’il ne serait pas en vie sans elle. C’est à ce moment-là que j’ai compris, pour de vrai, pourquoi Elizabeth s’était tant investie dans cette lutte.

    Elizabeth Taylor et Richard Burton seront toujours liés à Montréal, où ils se sont mariés le 15 mars 1964 au Ritz-Carlton.
    Tim Mendelson : Elizabeth ne s’attardait pas trop au passé. Mais Richard a été, avec Mike Todd, l’un des deux grands amours de sa vie. Elle savait qu’ils se seraient probablement mariés une troisième fois.

    En plus de son militantisme, on sait qu’elle visitait anonymement des hospices et accueillait chez elle des ami·e·s malades. Comment la Fondation perpétue-t-elle cet engagement aujourd’hui?
    Tim Mendelson : L’un de nos programmes majeurs s’appelle HIV Is Not A Crime, qui milite pour la modernisation des lois dans plus de 30 États américains où des personnes sont encore criminalisées à cause de leur statut sérologique. Elizabeth a aussi légué 25 % de ses redevances à la Fondation. Dans sa dernière entrevue vidéo, peu avant sa mort, elle a dit vouloir que sa famille soit heureuse, et que les gens poursuivent ce qu’elle avait amorcé.

    La Fondation était au sommet de ses priorités. Elle voulait qu’on se souvienne d’elle pour son activisme, pas seulement pour ses films.

    La pop star Taylor Swift lui rend hommage dans la chanson Elizabeth Taylor, sur son nouvel album The Life of a Showgirl. Que pensez-vous de cet hommage et de l’héritage d’Elizabeth Taylor?
    Tim Mendelson : C’est un hommage très juste. Au 20e siècle, aucune vedette n’était plus grande qu’Elizabeth. Et aujourd’hui, personne n’est plus populaire que Taylor Swift, qui nous rappelle à quel point Elizabeth mérite d’être célébrée. Bien sûr, je ne suis pas objectif, mais quand on pense aux icônes LGBTQ+ — Judy Garland, Madonna, Cher — l’appui inconditionnel d’Elizabeth à la communauté, surtout au plus fort de la crise du sida, reste unique.

    Son histoire est celle d’une humanité exceptionnelle. C’est une femme qui, malgré les tragédies, a toujours choisi de continuer, parce qu’elle croyait profondément à la vie — et à la valeur de chaque vie.

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