Samedi, 19 avril 2025
• • •
    Publicité

    Première Journée nationale de lutte de l’homophobie : Mission accomplie

    L’idée faisait l’unanimité dans la communauté. Le projet de marquer symboliquement la lutte contre l’homophobie par une journée consacrée au sujet était séduisant. Devant le succès de la première édition, la Fondation Émergence, qui en était l’initiatrice et le maître d’œuvre, a pu constater que l’unanimité pouvait être à l’échelle de la province. Une première mondiale, le 4 juin dernier, qu’il faut souligner. 

    Aucun autre pays ou province ne s’est doté jusqu’à aujourd’hui d’un message aussi clair, aussi fort et aussi éducatif : l’homophobie ne peut plus être tolérée. 

    Pour les organisateurs de l’événement, le succès dépasse les espérances, puisque l’Assemblée nationale du Québec a décrété que chaque premier mercredi du mois de juin serait journée nationale contre l’homophobie. L’événement, qui a piqué la curiosité de nombreux groupes à travers le monde, risque de faire boule de neige. Le Québec conserve une longueur d’avance sur tous les autres pays dans la reconnaissance sociale des gais et des lesbiennes.  

    Le soleil était au rendez-vous pour la cérémonie d’ouverture devant un parterre de plus d’une centaine de personnes, au parc Émilie-Gamelin, en présence de représentants de la mairie, de l’arrondissement et du député fédéral Réal Ménard. Tous ont souligné l’importance de la lutte contre l’homophobie. La cérémonie s’est terminée par le lever du drapeau Arc-en-ciel. Mais la solennité de la journée ne faisait que commencer. En remettant un prix à Janette Bertrand, véritable icône pour les gais et les lesbiennes, la fondation Émergence rendait hommage à une femme qui, tout au long de sa vie, a lutté contre les préjugés, aussi bien comme chroniqueuse que comme auteure de dramatiques. Une pionnière qui, à sa manière, a démystifié l’homosexualité auprès du grand public. 

    Touchante et émouvante, Janette Bertrand a rappelé qu’elle n’avait jamais eu conscience de la portée de ses choix. Élevée dans un monde d’hommes et ayant eu à se faire une place et un nom dans un domaine dominé par les hommes, elle s’était portée inconsciemment à la défense de tous les exclus. 

    Pour asseoir le bien-fondé de sa démarche, la Fondation Émergence avait demandé à plusieurs universitaires, dont les recherches portent sur les réalités gaies et lesbiennes, de venir témoigner de l’incidence de l’homophobie dans le quotidien des minorités sexuelles.

    Sept hommes sur dix ont été victimes d’un geste plus ou moins grave de violence lié à leur orientation sexuelle a indiqué Joanne Otis, professeur à l’UQAM et chercheure à la Cohorte Oméga, une étude commencée en 1996, auprès de 1800 hommes ayant eu des relations sexuelles avec d’autres hommes.

    Même son de cloche de Bill Ryan, professeur adjoint à l’École de service social de l’Université McGill, sur la mésadaptation des services sociaux et médicaux pour les gais et les lesbiennes âgés. L’homophobie tient une place importante dans la vie de chaque gai et de chaque lesbienne. 

    Daniel Borrillo, maître de conférence en droit privé de l’Université Paris-X-Nanterre invité pour l’événement, a fait un rappel historique des causes de discrimination portées devant la Cour européenne des droits de l’homme depuis les années cinquante. Il a aussi évoqué la lenteur de celles-ci à reconnaître le bien-fondé des plaintes, allant jusqu’à, parfois, reconnaître le droit pour un pays de maintenir une discrimination à l’égard des gais et des lesbiennes. Enfin, il a rappelé que les grandes chartes internationales des droits de la personne ne condamnent pas encore les comportements, les gestes ou les propos à caractère diffamatoire à l’égard des minorités sexuelles. 

    La résonance de l’événement a atteint Ottawa, où la Chambre des communes a adopté une motion d’appui à la journée contre l’homophobie à laquelle se sont ralliés tous les partis, excepté l’Alliance canadienne. Laurent McCutcheon, président de la Fondation Émergence, s’étonne agréablement : «La réponse dépasse tout ce que nous avions pu imaginer. Je pense que le succès est lié aussi à la campagne d’affichage qui a précédé la journée. Les deux joueurs de hockey s’embrassant a fait la une du journal La Presse et a suscité bien des discussions. Toutes les télévisions se sont déplacées le 4 juin, et nous avons eu une très grande couverture médiatique». Le bilan est donc extrêmement positif et le président de la Fondation Émergence réfléchit déjà aux prochaines éditions. «Maintenant que l’événement est lancé et que l’accueil est très favorable, il nous faut envisager une stratégie de développement à long terme». 

    Déjà, le site contre l’homophobie monté par la Fondation Émergence reçoit de nombreuses demandes d’informations d’à travers le monde, et l’idée que d’autres pays puissent un jour déclarer chaque premier mercredi du mois de juin journée internationale de l’homophobie fait son chemin. «Avec cet événement, il est encore plus clair que la lutte contre l’homophobie n’est plus seulement celle des principaux intéressé(e)s et des groupes communautaires, mais bien celle de l’ensemble de la société», conclut Laurent McCutcheon. 

    Le Québec serait-il donc le «plus meilleur» pays au monde pour les minorités sexuelles? Peut-être pas encore, mais il s’en approche rapidement. 

    Un peu d’histoire

    Jusqu’en 1969, l’homosexualité devait au Canada se vivre dans le placard sous peine d’avoir des ennuis avec la justice. C’est Pierre Elliott Trudeau qui a fait décriminalisé l’homosexualité au pays en faisant adopter le projet de loi C-195. Mais les mentalités n’évoluent pas nécessairement aussi rapidement que le souhaiterait la communauté homosexuelle.

    En 1973, l’Association américaine de psychiatrie cesse de considérer l’homosexualité comme une maladie mentale.

    En 1977, le Québec adopte une Charte des droits et libertés qui inclut l’interdiction de discrimination sur la base de l’orientation sexuelle.

    Abonnez-vous à notre INFOLETTRE!

    Du même auteur

    SUR LE MÊME SUJET

    LEAVE A REPLY

    Please enter your comment!
    Please enter your name here

    Publicité

    Actualités

    Les plus consultés cette semaine

    Publicité