La saison de l’Espace Go s’ouvrira avec Sylvie Léonard interprétant l’une des figures iconiques les plus emblématiques du vingtième siècle, Jackie Kennedy. Dans un premier réflexe, on se dit que l’on connaît tout d’elle, femme du président américain John Kennedy, admirable dans le deuil, puis femme du milliardaire Onassis, puis celle qui disparaît des couvertures de ma-gazine pour une vie loin des photographes. Puis dans un second mouvement, on se rend compte que l’on connaît peu celle qui a fait plus de couvertures de magazines que Marylin Monroe ou encore la princesse Diana. Qui était réellement Jackie Kennedy? Le savait-elle elle-même, celle qui a toujours fait passer avant tout ses devoirs, de bonne fille, de bonne épouse, et surtout de bonne mère, mais aussi d’image de la femme des années soixante, passionnée par la mode derrière laquelle elle se réfugiait?
Le texte d’Elfriede Jelinek, écrivaine autrichienne, ne cherche pas à percer le mystère en fouillant dans la vie de l’énigmatique Jackie, bien au contraire. Simplement, elle met dans le contexte sociopolitique une femme qui s’est accrochée à correspondre à ce qu’elle devait être plutôt qu’à ce qu’elle aurait pu être.
Sylvie Léonard, seule en scène, sera la Jackie qui règle ses comptes, avec brutalité, violence, mais aussi humour et tendresse. Comme le souligne Sylvie Léonard au cours de l’entrevue, Elfreide Jelinek ne donne aucune indication pour jouer son texte, laissant toute liberté au metteur en scène et à la comédienne de s’approprier la parole de cette femme. Avec la complicité de Denis Marleau, qui la met en scène, Sylvie Léonard donnera une couleur spécifique à Jackie Kennedy. Les grandes figures mythiques n’appartiennent à personne; elles sont donc à tout le monde.
«L’écriture d’Elfreide Jelinek est très particulière, le texte est très costaud. Il y a constamment des ruptures, dans le temps, des ruptures aussi dans le ton, qui paraissent au départ illogiques. D’autant que je ne peux me réfugier dans tout ce que j’ai lu sur Jackie Kennedy. Car la question demeure : Qui était-elle vraiment?» Pour une des toutes premières fois, Sylvie Léonard s’est demandé comment faire pour apprendre un texte semblable. Mais le défi était trop beau pour y renoncer. Car, comme beaucoup d’autres, le personnage l’a fascinée. «On sait que Jackie n’a pas eu la vie qu’elle aurait voulu, que sa mère l’a rapidement poussée à se marier avec un beau parti. Elle a supporté les infidélités de son mari sans jamais faire d’esclandre. Elle était très belle, toujours extrêmement bien habillée, en contrôle parfait de son rôle jusqu’à totalement disparaître derrière cette image de femme parfaite». Constate la comédienne. «Et pourtant, on sent qu’il y avait de la souffrance. On sait qu’elle a été marquée par les différentes fausses-couches, le fait que son mari la trompait, que son mariage avec Onassis était une fuite pour échapper à la pression aux États Unis, mais on ne sait pas réellement comment elle composait avec cette souffrance.»
Est-ce que Sylvie Léonard se reconnaît dans ce personnage? Dans un rire, la comédienne répond que oui, d’une certaine façon. «Sur un point peut-être, celui d’être réservée, de ne pas parler beaucoup de ma vie privée en public. Cela prend du temps avant que je ne me livre, même en amitié. Mais c’est tout. En tant que femme et féministe, Jackie Kennedy me trouble beaucoup, bien sûr. Comment a-t-elle fait pour résister, pour ne pas craquer, pour se construire une carapace dans un rôle qu’on lui a imposé. Comment a-t-elle a accepté de se conformer et, pour finir, comment a-t-elle fait pour se protéger derrière cette image un peu froide et distante.»
Pour Sylvie Léonard, qui considère que l’égalité est encore loin d’être acquise pour les femmes, une vie aussi remarquable et troublante que celle de Jackie Kennedy ne peut la laisser indifférent.